2014-06-17 08:25:31

Chine : la question ouïghoure révèle des dissensions au sein du Parti communiste


(RV) Entretien- L’attaque était spectaculaire : en octobre dernier, en plein cœur de Pékin, une voiture chargée de bidons d’essence fonçait contre l’entrée de la Cité interdite, où trône le célèbre portrait de Mao Tsé-toung. L’attentat faisait 2 morts et 40 blessés.

Lundi, la Chine a condamné à la peine capitale 3 personnes, qualifiées de « terroristes », pour complicité dans l’attaque. Les noms des trois accusés avaient une consonance ouïghoure, cette minorité qui rejette la tutelle de Pékin. C’est à elle que les autorités attribuaient une autre attaque, celle, le mois dernier à Urumqi, la capitale régionale du Xinjiang, dont les Ouïghours sont la première ethnie. Elle faisait une trentaine de victimes.

Pour Emmanuel Lincot, fondateur de la Chaire des Études Chinoises Contemporaines au sein de l’Institut catholique de Paris, cette problématique ouïghoure cache en fait les dissensions au sein du Parti communiste.


Ecoutez-le, interrogé par Antonino Galofaro : RealAudioMP3

Quelle est l’organisation qui commandite ces attentats? On n’en sait absolument rien. Dans un contexte aussi opaque qui est celui de la Chine et de son régime politique, tout est ouvert par rapport à l’interprétation qu’on peut en faire. Or, il y a une lutte de factions au sein du pouvoir communiste chinois. Il peut très bien s’agir aussi d’une tentative d’instrumentalisation d’un certain nombre de caciques chinois faisant porter la responsabilité d’un certain nombre d’attentats à des ouïghours. Ce qui me trouble beaucoup, c’est que l’attentat survenu à Urumqi est survenu dans un marché qui est fréquenté par des ouïghours eux-mêmes et notamment par des personnes âgées. Donc, on ne voit pas très bien la logique d’une telle opération. Des ouïghours tuant des ouïghours, mais pourquoi ? Ce qui me trouble dans cet évènement, c’est la grossièreté même de la mise en scène. Je trouve cela fait d’une manière presque amateur.

Quel serait le but de cette instrumentalisation par des factions au sein du pouvoir ?
Xi Jinping a été élu par le Police Bureau, c’est-à-dire six autres membres avec la majorité absolue des voix. Et en même temps, il ne faut se faire d’illusions, il y a des luttes de pouvoir très fortes en amont entre le clan supporter du président sortant et notamment l’ancien président Jiang Zemin qui a longtemps soutenu Bo Xilai dont la destitution a fait grand bruit en Chine avant même le commencement, l’année dernière, de l’ouverture du, 18°congrès du Parti Communiste chinois. L’assisse même de Xi Jinping n’est pas totalement assurée et aujourd’hui encore, continue un travail de sape, de purge au sein même du parti entre ces deux factions, l’une incarné par ce qu’on appelait la nouvelle gauche avec Bo Xilai à sa tête et Xi Jinping, par ailleurs considéré comme un réformateur, même si, bien sûr, ce genre de classification ne correspond absolument pas aux réalités politiques européennes.

Et la problématique ouïghoure dans tout ça ?
Au-delà de ce problème, le problème ouïghour est une revendication identitaire d’une minorité qui se sent évidemment spoliée dans ses droits. Donc, c’est un problème global et à cela s’ajoute un autre problème qui touche en réalité l’ensemble de la Chine et de ses régions, c’est la question de l’exploitation ouvrière. Ce que redoute par-dessus tout les autorités chinoises, c’est un embrassement de la situation comparable à celle de 2009 à Urumqi, précisément, où il y avait eu plusieurs centaines de morts. Et cela était lié en amont en fait à des rivalités entre ouvriers Han, chinois et ouïghours de cantons, à des milliers de kilomètre de Urumqi.
À la suite de ces rixes, via les réseaux sociaux, internet, twitter, etc, les ouïghours de cantons en avait appelé à la révolte auprès de leurs concitoyens ouïghours d’Urumqi et des autres grandes villes du Xinjiang. La question ouïghoure est une question de fond qui touche encore une fois l’ensemble de la société chinoise, c’est-à-dire que le développement économique effréné ne fait pas que des heureux.



Photo : A Urumqi, capitale du Xinjiang, le procès des auteurs présumés de l'attentat contre l'entrée de la Cité interdite, en octobre 2013.







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