(RV) Entretien - Pour sa première visite sur le continent européen de son pontificat,
le Pape François a choisi l’Albanie, l’un des pays les plus pauvres du continent.
Le Pape l’a annoncé dimanche après la prière de l’Angélus. Il sera à Tirana, la capitale,
le 21 septembre prochain. L’invitation avait été lancée par les évêques et les autorités
civiles albanaises. Avec cette visite, le Pape « désire confirmer dans la foi l’Église
en Albanie et témoigner son encouragement et son amour à un pays qui a souffert longuement
des conséquences des idéologies du passé ».
Ce petit pays d’Europe centrale,
où vivent une majorité de musulmans mais aussi 15% de catholiques et 15% d’orthodoxes
a longtemps souffert des maux de l’histoire : occupé par les fascistes puis les nazis,
puis dirigé par une dictature communiste.
Alors à quoi ressemble l’Albanie
d’aujourd’hui ? Audrey Radondy a interrogé sœur Odette, des petites sœurs de Jésus.
Elle vit dans le pays depuis l’effondrement du communisme en 1991.
La venue du
Pape en Albanie est une joie pour tout le peuple albanais, toutes opinions confondues,
politiques et religieuses. Et c’est une joie au moment où l’Albanie se prépare à faire
partie de la famille européenne. Elle doit signer très prochainement ses premières
formalités pour faire partie de l’Union européenne.
Et qu’est-ce que ça
représente pour l’Église ? Après des années de souffrances et de terribles
persécutions durant la dictature communiste d’Enver Hoxha, après le voyage de Jean-Paul
II en 1993, c’est une grande joie de pouvoir accueillir le Pape Francesco.
Selon
vous, pourquoi le Pape a-t-il choisi l’Albanie pour son premier voyage en Europe ? C’est
un petit État, peut-être le plus petit État d’Europe. C’était vraiment là qu’il y
avait interdiction de professer toute religion depuis 1967 et il y a eu une persécution
vraiment horrible envers tous ceux qui croyaient et notamment la population catholique.
Indépendamment, toutes les religions ont souffert : les orthodoxes mais aussi les
musulmans. Il y a eu bien sûr beaucoup de martyrs et on attend un petit peu que Rome
proclame les martyrs albanais.
Quelle est aujourd’hui la place de l’Église
catholique en Albanie ? L’Église catholique en Albanie est pleinement reconnue
et respectée après des années de souffrances et de terribles persécutions. L’Église
autochtone a été complètement détruite, y compris ses bâtiments. Ce sont quand même
des albanais du Kosovo qui ont aidé au début et beaucoup de missionnaires, notamment
en Italie qui étaient nos voisins les plus proches et qui ont justement aidé à reconstruire
cette Église et c’est le voyage du Pape Jean-Paul II en 1993 avec la nomination des
évêques qui a permis à l’Église de vraiment se rétablir. Ce sont des missionnaires
de l’Église universelle que nous avons en Albanie.
Qu’en est-il au niveau
des vocations ? Naturellement au début, il y a eu des vocations mais c’est
vrai qu’il y a eu la dictature et il faut aussi penser à la période ottomane (l’occupation
ottomane a duré 500 ans). Les Albanais ont énormément soufferts bien qu’ils ont été
christianisés par Saint Paul mais ils ont énormément soufferts de la séparation de
l’Église. Donc, il y avait quand même une chrétienté albanaise mais qui a subi beaucoup
de répressions. Donc maintenant, l’Église se reconstitue. Il y a des vocations mais
il n’y en a pas suffisamment. Alors bien sûr, ce n’est pas une congrégation mais il
y a tout de même un mouvement albanais qui est né. Il y a aussi des clarices, grâce
à la collaboration avec l’Italie. On a quand même un ordre contemplatif. L’Église
s’est mobilisée au début des congrégations religieuses, beaucoup pour les urgences.
Mais maintenant, il faut vraiment une présence de l’Église beaucoup plus contemplative
et beaucoup plus attentive peut-être aux réalités de l’Albanie d’aujourd’hui.
Justement,
quelles sont elles ces réalités ? La place des laïcs en Albanie doit être
beaucoup plus grande. C’est l’espérance pour l’avenir. Ca reste encore une Église
un petit peu cléricale.
Selon vous, quelles sont les autres choses à faire
pour cette Église ? Il y a beaucoup de choses à faire en ce qui concerne le
dialogue œcuménique parce qu’en Albanie, il y a des chrétiens, des orthodoxes et des
protestants. Il faut des avancées plus grandes. Et aussi en ce qui concerne le dialogue
interreligieux avec l’Islam. Il y a l’Islam sunnite mais il y a aussi la secte des
Bektâchî qui est une secte très ouverte. Il y a une grande collaboration. Si vous
voulez, il n’y a pas de problème au niveau religieux mais ce sont quand même des rapports
qui sont toujours un petit peu conventionnel. Et maintenant, on voudrait aller beaucoup
plus loin. Par exemple, on voudrait une cantine commune. On souhaite vraiment qu’il
y ait un développement plus grand et qu’on n’en reste pas à un domaine conventionnel.
Est-ce que vous pensez que cette coexistence qu’il y a entre les religions
en Albanie peut être un exemple pour d’autres pays ? Bien sûr, je pense qu’elle
peut être un exemple pour d’autres pays. Ça, c’est certain. Et puis c’est vrai que
pour les albanais dans les Balkans, c’est toujours le sentiment national qui a été
prioritaire. Ce n’est pas comme par exemple comme dans d’autre pays où la religion
a été une identité. Et en Albanie, non, c’est le sentiment national qui est prioritaire.
Mais il faut nourrir cet exemple et il faut arriver à une collaboration.
Il
s’agira du 4e déplacement hors d’Italie de son pontificat après le Brésil, la Terre
Sainte et la Corée du Sud. Jean-Paul s’était rendu lui aussi à Tirana en 1993, peu
après la chute du communisme.
Photo : le Pape François et le premier ministre
albanais, Edi Rama le 24 avril dernier au Vatican