(RV) Entretien - L’Erythrée célébrait le 28 mai dernier l’anniversaire de son
indépendance. A cette occasion, l’Eglise a décidé de monter au créneau. Une lettre
pastorale de 36 pages rédigée par les évêques dresse la liste des graves problèmes
que doivent affronter les érythréens : la désagrégation des familles (dont les membres
sont dispersés à cause du service militaire ou parce qu’incarcérés ou encore parce
que se trouvant dans des centres de rééducation), une économie en ruine, un système
éducatif de mauvaise qualité, l’arbitraire de la loi, un manque de perspectives.
«
Tout cela crée un pays de désolation » et pousse les jeunes à fuir. Certains
de ces jeunes érythréens arrivent en Europe, ou en Israël, où ils sont désormais conduits
dans des camps en plein désert.
Philippa Hitchen en parle avec le père David
Neuhaus, vicaire patriarcal pour la communauté catholique hébréophone d'Israël
Ils
sont Érythréens mais malheureusement, ils ne sont pas reconnus comme réfugiés et pour
cela, ils vivent sans aucun droit. Et ils sont traités presque comme des criminels.
C’est une horreur, une grande souffrance pour ces gens qui essayent de vivre ici.
Nous parlons d’une population d’un peu plus de 50.000 personnes. Le grand drame actuel,
c’est qu’Israël a commencé il y a trois mois à déporter les jeunes hommes qui ne sont
pas encore mariés dans un camp dans le désert du Néguev, à 80km d’une ville. Les autorités
disent que ce n’est pas une prison mais les gens doivent dormir là-bas, ils doivent
être comptés trois fois par jour et ils n’ont pas d’argent pour voyager ailleurs.
Nous nous sommes rendus là-bas et nous avons vu que les conditions sont hyper dures.
Il y a trop de monde dans ces lieux et la nourriture est affreuse. Il n’y a pas suffisamment
de traitements médicaux mais le plus affreux de tout, c’est l’ennui. Il n’y a rien
à faire. Aujourd’hui, dans ces lieux, il y a 2.300 jeunes hommes qui n’ont rien à
faire. Les autorités planifient encore d’élargir l’espace pour contenir 7.000 personnes,
c’est-à-dire une vraie horreur.
Qu’est-ce que l’Église cherche à faire
pour ces personnes ? Je pense que la première chose qui est importante, c’est
en quelque sorte de parler, de raconter leurs histoires, leurs histoires de tristesse
et de souffrance parce que beaucoup sont passé par le Sinaï. Certains ont vécu les
camps de torture dans le Sinaï, les trafiqueurs qui ont kidnappés les gens, qui les
ont torturés. D’autres sont entrés ici et ils vivaient en situation de grande précarité.
Tout cela concerne 2007 avec les grandes migrations. L’Église doit être comme un porte-parole,
une voix pour ceux qui n’en ont pas. Deuxièmement, l’Église doit et peut demander
des droits pour ces personnes. Nous cherchons maintenant aussi des moyens créateurs
pour aider ceux qui sont incarcérés là-bas en rassemblant des livres, en essayant
de voir si l’on peut mobiliser des professeurs qui soient prêts à donner des cours.
Ils nous ont donné libre accès pour entrer. J’ai demandé « Est-ce qu’on peut apporter
des livres ? Est-ce qu’on peut apporter des professeurs ? Est-ce qu’on peut organiser
des classes ? ». Tout cela reste à voir parce que c’est une nouvelle situation et
les moyens de l’Église sont très pauvres. Nous sommes très peu de personnes et beaucoup
qui sont dans le besoin. En tout cas, la priorité, c’est de parler de cette histoire
et d’essayer d’aider les ONG, les personnes israéliennes qui essayent aussi d’aider
ces gens.
Mais en même temps, dans l’opinion publique israélienne, ils
ne sont pas très bien vus. C’est vrai. Ça commence bien sûr avec la façon dont
les gens parlent de ce monde. Ils sont traités comme des criminels qui sont venus
illégalement dans le pays mais les israéliens ne savent pas qu’ils ont fui cette situation
atroce. Les israéliens ne sont pas conscients qu’ils n’ont pas le droit de travailler.
Ça commence avec le langage et là aussi encore une fois, je dis « il faut que l’Église
parle fort et à haute voix un autre langage en montrant leur humanité et souligner
le fait qu’ils ne sont pas tellement. Quand les israéliens parlent, on a tendance
à penser qu’ils sont vraiment beaucoup. Mais nous avons un peu plus de 50.000 personnes.