2014-06-11 15:23:22

Rencontre avec le cardinal haïtien Chibly Langlois


(RV) Entretien - Le Cardinal Chibly Langlois, évêque des Cayes en Haïti a achevé ce mercredi une visite à Rome, à l’occasion de sa prise de possession samedi dernier du titre de St.Jacques in Augusta. Le Pape Francois l’avait élevé au rang de cardinal le 12 janvier dernier, quatre ans jour pour jour après le terrible séisme qui avait dévasté l’île faisant plus de 200 000 morts. Il est le premier cardinal haïtien de l’histoire.

Lors de sa première messe en tant que cardinal il a déclaré vouloir être proche de la population et il a exhorté les fidèles à s'unir pour sortir le pays de la pauvreté. Un fléau qu’il combat jour après jour. Le cardinal Langlois a par ailleurs été appelé à jouer le rôle de médiateur afin de mettre un terme à la crise politique. Il est notamment intervenu pour favoriser la signature d’un accord prévoyant la tenue d’élections législatives. Le premier tour de ce scrutin aura lieu le 26 octobre prochain. L’annonce a été faite officiellement par le gouvernement haïtien ce mardi.

Au micro d’Hélène Destombes le cardinal Langlois s’attarde sur la situation politique mais aussi économique et sociale dans le pays RealAudioMP3

Sur le plan social, les gens ont de très grandes difficultés à pouvoir prendre en charge leurs responsabilités. Il y a beaucoup d’inquiétude au niveau de la société. Sur le plan économique, on sait très bien qu’Haïti est un pays où on ne peut pas répondre à tous ces besoins. Donc, beaucoup de familles souffrent et connaissent des situations économiques très difficiles. Je crois que c’est une grande responsabilité de la part des hommes du gouvernement mais également de la part des responsables de toutes les institutions de se mettre ensemble afin d’aider le pays à sortir de cette situation.

Une grande pauvreté, un taux de chômage élevé, des problèmes de santé. Dans quelle mesure l’Église peut-elle contribuer à améliorer le quotidien des Haïtiens, à être présente aux côtés de cette population qui souffre ?
Bien entendu, l’Église en Haïti est présente un peu partout dans le pays. Et cet engagement se fait au niveau de toutes nos institutions, de nos paroisses et des instituions qui travaillent également au niveau de la justice comme la justice et la paix, la Caritas, l’éducation. Nous sommes sur tous les fronts. Mais l’engagement de l’Église, c’est également auprès des acteurs politiques. La dernière fois, nous avons aidé les acteurs à pouvoir se mettre ensemble pour réfléchir sur la situation et essayer de trouver une sortie de crise sur le plan politique. D’autant plus que nous sommes maintenant dans une situation où l’on doit avoir les élections dans le pays. Ça nous préoccupe beaucoup parce que nous ne voulons pas arriver à une crise intenable dans le pays. Donc l’Église s’est mise au service de la société, au service des institutions pour que l’on puisse vraiment aider à changer la vie de toute la société.

Cette médiation a abouti à une annonce, ce mardi, de législatives pour l’automne prochain. Vous avez joué un rôle important dans cette décision ?
Bien entendu, comme personne, moi, oui. Mais c’est surtout la Conférence des Evêques. Et c’est au nom de la Conférence des Evêques, au nom de l’Église que j’ai joué ce rôle de médiation entre les acteurs politiques. Ce qui en est ressorti, c’est un accord pour avoir des élections cette année, des élections crédibles dans une atmosphère qui inspire confiance. Après la signature de cet accord, il y a eu des difficultés à pouvoir l’appliquer. On a pu comprendre que ça a demandé beaucoup de patience pour que les acteurs puissent se mettre d’accord sur l’application de cet accord. À présent, nous donnons un accompagnement afin que l’on puisse vraiment arriver à cet objectif : avoir des élections cette année.

Cette annonce du gouvernement concernant la tenue de législatives en automne prochain ne satisfait pas l’opposition et une partie des Haïtiens qui réclament la démission du président. On peut malgré tout s’attendre à un apaisement de la situation ?
S’il y a de la bonne volonté de part et d’autre, surtout de la part du Parlement, je crois qu’on peut s’attendre à des résultats positifs. Mais nous devons provoquer ces résultats positifs par la voix de Radio Vatican. J’invite les acteurs à pouvoir se concerter pour vraiment arriver à ces élections qui seront salutaires pour le pays.

Ces dernières semaines, les manifestations anti-gouvernementales se sont multipliées à Port-au-Prince. La crise politique est avant tout liée à un problème de gestion des biens et des ressources ?
La gestion des biens a toujours posé problème dans le pays. On doit développer, on doit enseigner le sens du bien commun. C’est à cause de ce manque-là que beaucoup de gens souffrent dans le pays. Ce n’est pas seulement la question politique, c’est également la question économique qui provoque parfois des manifestations. Donc, il est important que les acteurs, les responsables du pays prêtent attention à la gestion du bien commun afin que les pauvres puissent également trouver la possibilité de vivre, d’espérer dans le pays parce qu’il y a une majorité pauvre qui souffre.

Quatre ans après le terrible séisme qui a ravagé l’île, quels sont aujourd’hui les principaux défis ?
Il y a plein de défis sur le terrain. On s’en tient d’abord à la reconstruction. Nous en sommes encore très loin, nous n’avons pas encore reconstruit d’Église dans la capitale. Jusqu’à présent, on cherche encore à faire des études, on cherche encore à pouvoir s’organiser pour pouvoir commencer la reconstruction. Donc, il y a plein de défis à ce niveau-là pour la reconstruction de nos Églises, de nos presbytères, de certaines écoles et nous devons encore chercher de l’argent pour reconstruire. Mais après le tremblement de terre, il y a également la difficulté de la part de plusieurs familles à pouvoir survivre. La situation économique du pays a empiré. Quatre ans après, nous avons encore besoin d’être accompagnés, d’être assistés à certains niveaux. D’un autre côté comme Église, nous faisons ce qui est à notre portée, ce qui est possible mais nous sommes limités dans nos moyens.

L’attention aux pauvres, c’est une des questions au cœur du pontificat du Pape François. Vous vous sentez soutenu par le Saint-Père ?
Tout Haïti a reçu ma nomination comme cardinal comme un signe de la part du Pape François pour accompagner Haïti, être proche d’Haïti, un pays où il y a en majorité des pauvres. Cela signifie que l’Église est constituée en majorité de pauvres. Donc, notre accompagnement, c’est particulièrement un accompagnement auprès des gens qui souffrent, des pauvres, des malades. Je me sens effectivement accompagné, soutenu de la part du Pape François dans le travail, dans la mission que nous avons en Haïti. Ca donne la possibilité de continuer à espérer.








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