(RV) Entretien- C’est le 10e président de l’Etat d’Israël : Reuven Rivlin,
75 ans, a été élu cet après-midi par les députés de la Knesset, après un scrutin
à deux tours. Issu de l’aile dure du Likoud, Rivlin, avocat de formation, et président
de la Knesset à deux reprises, succède ainsi à Shimon Peres, dernier père fondateur
de l’Etat encore en vie.
Très populaire auprès de ses concitoyens, Rivlin a
fait du rapprochement avec les arabes israéliens sa marque de fabrique politique.
Il n’a également jamais caché son soutien au projet du « Grand Israël », affirmant
qu’il préférait accepter les Palestiniens comme citoyens israéliens plutôt que diviser
Israël. Selon un éditorialiste du quotidien Haaretz, Rivlin pourrait même se servir
de sa fonction présidentielle pour faire avancer la colonisation dans les Territoires.
Un
avis que tempère Denis Charbit, professeur de Sciences politiques à l'Université
ouverte d'Israël. Pour lui, Rivlin, démocrate convaincu, saura se placer au-dessus
de la mêlée :
En
Israël, il est effectivement très populaire et je pense qu’il pourra parfaitement
remplacer Shimon Peres, qui l’était bien sûr également. En revanche, c’est vrai qu’à
l’international, c’est un parfait inconnu. Il a certes été président de la Knesset
et c’est vrai qu’il a acquis sa popularité durant l’exercice de son mandat. Mais au
bout du compte, il n’a été qu’un simple député et il n’a jamais eu de fonction ministérielle.
Il a une popularité parce que c’est un jérusalémite enraciné depuis des générations
dans cette ville, que c’est un amateur de football et qu’il sait parler à toutes les
couches de la population israélienne, notamment les arabes israéliens, il faut le
préciser, avec une franchise, une manière spontanée, directe, sans ornements, sans
fioritures. Et en ce sens, il connaît bien sûr très bien les 120 députés de la Knesset
puisqu’il a près de 30 ou 40 ans de vie parlementaire derrière lui mais il était également
très connu et très populaire en Israël. Il lui sera certainement plus difficile, pour
ne pas dire impossible de prendre la succession de Shimon Peres dans l’arène internationale.
Là, il est un parfait inconnu et je pense qu’il sera très modeste et qu’il apprendra
sa fonction avec patience pour essayer de représenter Israël autant que faire se peut.
Il y a un éditorialiste du quotidien Haaretz qui a écrit, je cite «
Rivlin ne sera pas le président de l’État d’Israël mais le président du Grand Israël.
Il se servira de sa fonction présidentielle pour faire avancer la colonisation en
Cisjordanie ». Est-ce que vous partagez ce sentiment ? Il est incontestablement
l’homme du grand Israël. Mais ce n’est pas à lui de décider de poursuivre ou non la
colonisation. Il y sera effectivement très favorable. Il n’hésitera pas à se rendre
en visite dans des colonies s’il y est invité, c’est clair, alors que Shimon Peres
était plus discret là-dessus. Mais la décision de poursuivre ou non la colonisation
n’est pas du ressort du président de l’État d’Israël mais du ressort du premier ministre.
Donc, on peut compter sur le premier ministre pour poursuivre cette colonisation.
Il n’aura pas besoin de Reuven Rivlin pour le faire. Il est suffisamment démocrate
pour accepter toute décision de la majorité parlementaire. Je rappelle qu’il était
président du Parlement et que c’est sous son règne que le désengagement de la bande
de Gaza (auquel bien sur il était opposé) a eu lieu et il n’a pas mis les bâtons dans
les roues pour le faire alors qu’il était président du Parlement. Et donc, en tant
que président de l’État, il veillera à être au-dessus de la mêlée. Encore une fois,
c’est vrai que c’est le paradoxe du personnage. D’un côté ,c’est un vrai libéral,
quelqu’un qui a su tenir tête à la droite israélienne, donc à son propre parti et
à sa propre coalition, lorsqu’elle a tenté de limiter le droit à l’expression de l’opposition
de gauche et d’extrême-gauche. Tous les projets de cet ordre-là, lorsqu’ils sont apparus
contraires à la liberté d’expression, il s’y est opposé comme un seul homme. Et c’est
pour cela d’abord qu’il n’a pas eu ni l’assentiment de Netanyahu ni celui de Liberman,
même s’ils ont finalement voté pour lui. Mais en tout cas, ce n’était pas leur candidat
parce que si c’est un homme du « Grand Israël », c’est aussi un homme qui est respectueux
de l’opposition comme de la coalition.
Comment s’annonce la cohabitation
avec Benjamin Netanyahu, sachant que l’inimitié entre les deux hommes est connue de
tous ? Bien entendue, elle ne sera pas facile mais en même temps, n’oublions
pas que la fonction du président est une fonction honorifique. Je pense que contrairement
à Shimon Peres qui lui, n’a pas hésité à exprimer son opinion et parfois contraire
à celle de Benjamin Netanyahu. Rivlin, me semble-t-il, ira plus vers un partage des
fonctions. La fonction présidentielle est symbolique et elle n’est pas politique.
Et donc, il s’abstiendra de donner son avis comme pouvait le faire Shimon Peres, précisément
à cause de sa nature internationale. Rivlin voudra cultiver son côté consensuel. Et
donc, à mon avis, il s’abstiendra d’intervenir dans les affaires politiques générales
comme l’a fait beaucoup Peres mais après tout, sans beaucoup d’influence non plus.
Je pense que c’est cette leçon-là qu’il méditera plutôt que d’aller à la tension ou
à la confrontation avec Netanyahu.
Photo : A 75 ans, Reuven
Rivlin devient le nouveau président israélien. Avocat de formation, il a été deux
fois président de la Knesset.