2014-06-04 15:33:25

La peine de mort de retour aux Maldives


(RV) Entretien - Aux Maldives, on est sans nouvelle de cet adolescent de 16 ans inculpé de meurtre fin avril, accusé d'avoir tué en décembre un homme à l’arme blanche dans une bagarre sur fond de trafic de drogue. Cela s'est passé à Male, la capitale de cet archipel prisé par les touristes pour ses plages de sable blanc et sa mer turquoise.

Cet adolescent pourrait être le premier mineur susceptible d'encourir la peine de mort depuis son rétablissement le 27 avril dernier, après 60 ans de moratoire. Aux Maldives, la dernière peine capitale a été administrée en 1954.

Jean-Étienne de Linares commente pour nous ce retour en arrière. Il est délégué général de l'Acat-France- l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la torture. Un sujet signé Marie Duhamel RealAudioMP3

Ce qui est terrifiant, c’est de penser que la peine de mort, non seulement est rétablie mais en plus, qu’elle est rétablie pour des mineurs. Et puis, il y a même un aspect particulièrement sordide dans cette affaire. Le crime d’apostasie a sept ans par exemple ou le crime de fornication. Mais comme ils ont signé des engagements internationaux faisant en sorte qu’ils ne peuvent pas condamner à mort des mineurs, en fait, ils vont les faire attendre et ils vont quand même les condamner à mort. Ils les feront attendre jusqu’à leur dix-huit ans pour pouvoir les exécuter. Je ne sais pas si vous imaginez l’horreur de la chose. La peine de mort en soi, c’est déjà quelque chose d’atroce, d’horrible. L’appliquer à des mineurs et dans ses conditions, c’est encore pire. C’est toujours difficile de faire des degrés dans l’horreur mais là, on atteint quand même des niveaux assez dramatiques.

Comment justifient-ils ce rétablissement ?

Ils se justifient en prétextant une hausse de la criminalité, ce qui reste à démontrer. Mais de toute façon, le lien entre le rétablissement de la peine de mort ou le maintien de la peine de mort, quand c’est le cas et l’efficacité de la lutte contre le crime n’a jamais pu être mis en évidence nulle part. Donc, on est bien dans l’ordre du prétexte aux yeux de leur opinion ou de l’opinion internationale.

Et donc, selon vous, quelle est la véritable motivation ?
La seule façon de se justifier, c’est l’application stricte de la Sharia, une loi islamique, telle que eux ils l’interprètent, c’est-à-dire de façon intégriste. « Le meurtre doit être puni par le meurtre » a déclaré le président Yameen. On ne peut pas être plus clair sur les intentions.

Est-ce que ça veut dire qu’il y a eu un changement de régime ? Comment en est-on arrivé là au niveau politique ou sur place ?
En fait, il y avait l’islamisme qui était une religion d’État aux Maldives depuis à peu près 1997. Et puis, il y a eu pas mal de contestations, les gens n’étaient pas d’accord, il y avait une série de manifs dans les années 2000. Et puis, il y a un autre gouvernement plus traditionnel qui a été élu depuis à peu près 2008 sauf que le dit-gouvernement s’est heurté à des problèmes de difficultés économiques et de corruption. Il a aussi été accusé d’un mauvais respect de l’Islam parce que les gens avaient critiqué un Islam trop fort mais ils y restent attachés. Et ça a basculé dans l’autre sens. En fait, c’est en novembre 2013 qu’un régime de tyran a établi un régime islamique fort et le président Yameen a été élu en novembre 2013 aux Maldives. Et là, c’est souvent la faiblesse de gouvernements plus modérés qui amène aux extrêmes.

Évidemment le décalage entre la plage de sable blanc et la peine de mort pour les mineurs de sept ans, c’est très choquant. Aujourd’hui, beaucoup d’européens et d’ailleurs des tour-opérateurs appellent à boycotter les Maldives. Est-ce que c’est la seule arme dont on dispose ?
Pour nous, le boycott n’est jamais la bonne solution parce qu’en pratique, ceux qui pâtissent d’abord du boycott, ce sont les populations. Et bien souvent, à l’inverse, le fait que le pays soit attaqué d’un boycott fait qu’il y a une sorte de réflexe nationaliste qui joue. On trouve une radicalisation qui fait que donc, les objectifs poursuivis ne sont pas atteints et les plus pauvres de la population en pâtissent. Après, est-ce que personnellement j’irais bronzer aux Maldives, sans doute pas.

Quelle option a-t-on donc pour un changement maintenant que les Maldives renouent avec la peine de mort ? Pas de rédemption pour les coupables, ils seront éliminés ?
Moi, ce qui me dérange le plus, c’est l’opposition entre le soi-disant respect des engagements internationaux et la réalité. Ca prouve bien à quel point, dans le cas de la lutte contre la peine de mort ou bien de la torture, par exemple, il y a des tas de lois qui existent. Mais hélas, ce n’est pas suffisant. Il faut d’abord convaincre les cœurs, les consciences. C’est par là que ça passe !








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