Présidentielle syrienne : Alep s'apprête à voter malgré les violences
(RV) Entretien - Les électeurs des zones tenues par le régime syrien se préparent
à se rendre aux urnes mardi pour une élection que Bachar al-Assad est assuré de remporter,
trois ans après le début d'une révolte contre le pouvoir qui s'est transformée en
conflit sanglant.
Théoriquement, tous les Syriens âgés de 18 ans et plus sont
appelés à voter mais, selon de nombreux observateurs, il n'y aura pas de bureau de
vote dans les campagnes et dans les quartiers tenus par les rebelles lors de cette
« parodie de la démocratie » dénoncée par l'opposition.
La population, elle,
tente de survivre, dévastée par trois ans d'un conflit qui fait chaque jour des dizaines
de morts. A Alep, dans le Nord-Ouest du pays, la situation est catastrophique, les
frères maristes lancent un appel à l’aide. De nombreuses familles, déjà déplacées,
sont aujourd’hui sans logement. Comme l’a expliqué à Hélène Destombes le frère
George Sabe, joint lundi à Alep
La situation
à Alep est maintenant très compliquée. Elle est grave parce que depuis quelques semaines,
la rumeur courait à Alep que les rebelles allaient augmenter leurs tirs de mortiers
sur les quartiers résidentiels d’Alep pour faire pression sur l’État et empêcher la
tenue des élections. Ils ont tenu parole. Presque toute la ville a reçu des mortiers
de tous côtés. Il y a beaucoup de blessés, de destructions et beaucoup de gens qui
se sont encore déplacés. Je veux parler spécialement de la situation d’un quartier
qui s’appelle Al-Midan dont la majorité est composée d’arméniens et des chrétiens
avec une petite minorité de musulmans. C’est un des quartiers les moins chers de la
ville où se réfugient d’habitude des personnes avec des ressources très limitées.
Ce quartier a été la cible de mortiers et de bombardements jusqu’à ce matin. Certaines
personnes ont du passer la nuit dans les sous-sols, d’autres à leurs risques et périls
sont sortis mais les gens ont quitté le quartier.
La question principale
aujourd’hui est de reloger ces personnes. Avez-vous le financement pour venir en aide
à ces personnes ? Il y a-t-il des ONG qui vous soutiennent ? Malheureusement,
je dois vous confesser que nous avions depuis déjà des mois lancer des appels, que
ce soit pour un projet de logements ou un autre projet qui est aussi important et
qui s’appelle « Les civils, blessés de guerre ». Mais jusqu’à maintenant, les organismes
internationaux catholiques n’ont malheureusement pas donné suite à notre demande
urgente. J’ai suivi de près tout ce que le Saint-Père a dit aux organismes caritatifs
catholiques, c’est-à-dire qu’il faut trouver des formes de collaboration stables pour
soutenir les Églises locales et toutes les victimes de la guerre. J’espère que ces
organismes qui se sont réunis puissent se mobiliser et nous aider à loger ces personnes.
Je lance à travers la radio du Vatican un appel urgent : « C’est très urgent. S’il
vous plaît, nous avons besoin d’une aide urgente devant cette situation catastrophique
».
La population d’Alep a été dévastée par trois ans de guerre civile. Comment
appréhende-t-elle le scrutin présidentiel de ce mardi ? Cette population souffre.
Cette population sent qu’elle est absolument oubliée. Alors, se diriger vers le scrutin,
c’est exprimer que nous ne voulons pas un vide constitutionnel. Nous voulons la paix.
Nous choisissons de vivre ensemble. Ce ne veut pas dire qu’on veut exclure l’autre
mais ça veut dire que nous voulons choisir une paix malgré toute la peine, toute la
souffrance dans laquelle chacun de nous et nos familles se trouvent actuellement.
Des
bureaux de vote ont été installés à Alep. La population va pouvoir voter ? Les
bureaux de vote sont installés dans la partie de la ville qui est sous le contrôle
du gouvernement. J’espère que les gens vont pouvoir y aller mais il y a une menace
réelle. Depuis une semaine, on nous a menacés d’envoyer des mortiers et des bombes
sur les bureaux de vote et les personnes qui vont aller voter. Je ne sais pas comment
cela va se passer demain. Les gens craignent d’être tués. Les gens veulent dire leur
point de vue et s’exprimer mais il y a une vraie peur qui s’installe. Je dois vous
dire qu’actuellement, il n’y a plus aucun quartier qui soit en sécurité dans toute
la ville d’Alep.
Quel regard la population porte t’elle sur ce scrutin
qui a été dénoncé par l’Occident et ou aucun candidat de l’opposition n’est en lice
? Malheureusement, l’Occident et l’opposition veulent qu’il y ait un vide
constitutionnel. Ils n’essayent pas de dialoguer, ils n’essayent pas de parler. Ils
veulent évincer. Ils ne peuvent pas ne pas regarder autrement ce que la population
veut. Je crois que nous avons le droit de dire notre mot. Pour nous, il est important
qu’il n’y ait pas de vide constitutionnel dans le pays. Pour nous, il est important
qu’on tende la main à tout syrien de bonne volonté, qu’on puisse ensemble reconstruire
notre pays et reconstruire l’homme qui est vraiment anéanti par tout ce qui se passe
en Syrie.