(RV) Entretien - Qui sera le prochain président de la Commission européenne
? Les tractations ont déjà commencé entre les chefs d’Etat et de gouvernement, et
cela ne s’annonce pas facile. Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker a les faveurs
d’Angela Merkel, la chancelière allemande, mais ne plait pas du tout à David Cameron.
Le Premier ministre britannique menace de quitter l’Union européenne si l’ancien chef
de l’Eurogroupe prend la direction de la Commission.
A cela s’ajoute le Parlement,
qui doit valider le choix des chefs d’Etat et de gouvernement, et qui espère que l’heureux
élu soit issu de ses rangs. La logique parlementaire voudrait que le chef de file
des conservateurs, Jean-Claude Juncker, soit désigné. Le Parti Populaire Européen
(PPE), possède en effet le groupe le plus important mais n’a qu’une majorité relative.
Bruno
Cautrès, chercheur du CNRS à Sciences Po Paris au sein du CEVIPOF, revient sur
l’évolution depuis le début de la crise économique et financière des pouvoirs des
différentes institutions européennes, comme le Conseil, la Commission et le Parlement.
Il explique en quoi il y a eu un malentendu entre les dirigeants nationaux et les
électeurs sur le choix du futur président de la Commission et nous décrit comment
Herman van Rompuy, président du Conseil européen, va mener sa mission consistant à
trouver un président à la Commission.
Le Parlement
européen entend, au nom de ce qui s’est passé, c’est-à-dire être la voix du peuple
européen, compter davantage qu’avant. Et puis, le Conseil européen a fait l’expérience
depuis le début de la grande crise que son rôle n’a cessé de se renforcer. Et l’un
des deux enseignements de cette crise qui est d’une part économique, c’est le rôle
renforcé de l’intergouvernemental, c’est-à-dire le fait que la politique européenne
serait essentiellement conduite par les arrangements, les négociations, les accords
entre les grands acteurs que seraient les chefs d’État et de gouvernement et dans
le même temps, on a vu que certaines institutions transnationales de l’Europe, la
Commission européenne en particulier, avait vu également leur rôle se renforcer. Le
contrôle de la Commission européenne sur les budgets des États-Nations s’est renforcé
pendant la crise économique. Le parlement européen semble un tout petit peu absent
de ce tableau et on comprend qu’il entend quand même peser de tout son poids sur la
désignation du président de la Commission européenne.
Alors, en laissant
croire que le futur président de la Commission européenne serait en fait issu du résultat
des élections du Parlement, est-ce qu’il n’y a pas une sorte de malentendu entre d’une
part les européens et d’autre part, les chefs d’État et de gouvernement ? C’est
précisément dans un premier temps pour diminuer et atténuer le malentendu démocratique
entre les européens et le parlement européen que cette désignation du Président de
la Commission européenne a été décidée, en tenant compte du résultat des élections
européennes. Malheureusement, on a eu en bout de course le populisme plutôt qu’une
participation massive des citoyens européens. Donc, c’est a priori une bonne idée
que celle de vouloir personnaliser autour de deux candidats et de politiser autour
de leur programme les élections européennes. Et je ne dirais pas qu’on a trompé ou
induit en erreur les peuples européens. Par contre, c’est vrai qu’on ne leur a pas
bien expliqué que cette nomination, tenant compte du résultat des élections européennes,
elle était là depuis le traité de Maastricht. Et puis, est-ce que c’est bien un enjeu
que beaucoup d’européens peuvent saisir ? C’est relativement technique et compliqué
et je ne pense pas que les européens qui ont boudé les yeux ou qui, au contraire,
ont voté dans une direction eurosceptique ou euro-critique aient été beaucoup motivés
par cet enjeu de la nomination du président de la Commission européenne.
Herman
Van Rompuy a été chargé de trouver le candidat parfait, celui qui puise à la fois
satisfaire le parlement et le conseil. Est-ce qu’on connait sa méthode ? Est-ce qu’on
connait véritablement sa feuille de route ? Pas vraiment, au fond, il n’est
pas ressorti du Conseil européen qui a suivi les élections européennes des choses
extrêmement claires. Il y a même eu une certaine confusion de la feuille de route
d’Herman Van Rompuy sur trois ou quatre dossiers, en particulier la question de l’emploi
et de la relance économique mais aussi la question de la politique étrangère de l’Union
européenne mais aussi celle des droits des consommateurs européens. Donc, il va avancer
ces conversations sur trois ou quatre dossiers avec les candidats déclarés ou les
candidats potentiels qui ne se sont pas déclarés. Donc, je pense que ça va être la
méthode de travail d’Herman Van Rompuy qui va être cette méthode très européenne de
palabre, de discussion et de recherche de consensus.
Photo : David
Cameron, Premier ministre britannique (à gauche), ne veut pas de Jean-Claude Juncker,
chef de file du PPE (à droite) à la tête de la Commission européenne