Au Cénacle, le Pape appelle l'Eglise à se laisser porter par l'Esprit Saint
(RV) Avant de s'envoler pour Rome au départ de Tel-Aviv, le Pape a célébré une messe
à Jérusalem, au Cénacle.
Tout comme l'avaient fait Jean-Paul II en l'an 2000
et Benoît XVI en 2009, le Pape François a présidé ce lundi après-midi uneeucharistie,
inhabituelle en ce lieu. Cette eucharistie en petit comité, en présence des évêques
de Terre Sainte, a suivi la liturgie de la Pentecôte. C'est en effet en ce lieu que
l'Esprit Saint est descendu sur les apôtres, réunis avec Marie, 50 jours après Pâques,
et donc 10 jours après l'Ascension du Christ.
Il est aussi considéré comme
le lieu du dernier repas du Christ, et donc comme le premier siège de l'Eglise naissante,
lieu de l'institution du sacerdoce ordonné, des sacrements de l'eucharistie et de
la réconciliation.
Dans son homélie, le Pape a déployé le thème de la sortie
missionnaire, appelant l'Eglise àprendre exemple sur l'expérience de l'Eglise naissante.
« Sortir, partir, ne veut pas dire oublier. L’Église en sortie garde la mémoire
de ce qui est arrivé ici », a insisté le Pape.
Une messe dans «
un lieu très blessé »
Cette salle du Cénacle est au coeur d'enjeux
diplomatiques complexes. Propriété de l'Etat israélien, car elle est située au-dessus
de la tombe du roi David selon la tradition juive, elle est en même temps sous la
juridiction du Waqf, le custodie des lieux saints islamiques de Jordanie, sous la
protection du souverain jordanien, le roi Abdallah II. La célébration de la messe
y est donc un évènement exceptionnel. Au fil des siècles, plusieurs églises et basiliques
érigées sur les lieux du Cénacle avaient été détruites au fil des invasions persanes
et musulmanes.
Dans son discours de remerciements au Pape, le frère franciscain
Pierbattista Pizzaballa, custode des lieux saints de Terre Sainte pour l'Eglise catholique
latine, a d'ailleurs présenté le Cénacle comme l'un « l'un des lieux les plus blessés
» de Jérusalem, tout en se réjouissant qu'ait pu s'y tenir cette eucharistie,
« signe de fraternité et de communion ».
« Comme on le voit, il n’y
a pas de basilique pour garder le lieu où Jésus a célébré son ultime Pâque, où il
a prié pour les soins, où, ressuscité, il est apparu pour donner la Paix, où l’Esprit
Saint est descendu sur les Apôtres réunis en prière avec la Vierge Marie, a regretté
le frère Pizzaballa. L’eucharistie ne se célèbre pas en dans cette salle, excepté
aujourd’hui, où Jèsus a partagé le pain et donné à ses disciples le calice du vin
nouveau, en leur donnant le mandat de répéter ses paroles et ses gestes, en rendant
pour toujours sa présence réelle au milieu de nous. »
« Ceci est un
des lieux les plus blessés de toute la Terre Sainte, témoins de tant de blessures
dans les peuples qui l’habitent, mais nous voulons croire que ces blessures ont un
lien mystérieux et réel avec les stigmates de la Passion avec lesquels le Ressuscité,
ici, est apparu aux siens(...). Ce lieu nous contraint, en quelque sorte, à des petits
pas, nous ramène à l’essentiel, nous fait vivre dans l’humilité et confiants dans
la vérité, nous invite à croire que cette vérité est l’unique voie capable de semer
et de construire la communion et l’amitié, là aussi où la communion et l’amité sont
depuis des siècles et des millénaires, démenties. Ici, aujourd’hui, avec vous, nous
voulons croire que rien n’est impossible à Dieu.
Et le Frère Pizzaballa
a évoqué l'émotion suscitée par la rencontre œcuménique du dimanche 25 mai au Saint-Sépulcre,
avec le Pape François, le patriarche Bartholomée de Constantinople, et les chefs des
Eglises chrétiennes présentes à Jérusalem. « Hier, dans l’émouvante cérémonie du
Saint-Sépulcre, le rêve de l’unité dont le Cénacle est le symbole nous a semblé proche
et accessible et nous a fait exulter.»
Texte
complet de l'homélie du Pape au Cénacle :
Chers Frères,
C’est un
grand don que le Seigneur nous fait, de nous réunir ici, au Cénacle, pour célébrer
l’Eucharistie. Pendant que je vous salue avec joie fraternelle, je désire me rappeler
avec une fraternelle pensée les patriarches orientaux. Je désire les remercier pour
leur présence très précieuse à mes yeux, ils ont une place spéciale dans mon cœur,
dans ma prière.
Ici, en ce lieu où Jésus consomma la dernière Cène avec ses
Apôtres ; où, ressuscité, il apparut au milieu d’eux ; où l’Esprit Saint descendit
avec puissance sur Marie et sur les disciples. Ici est née l’Église, et elle est née
en sortie. D’ici elle est partie, avec le Pain rompu entre les mains, les plaies de
Jésus dans les yeux, et l’Esprit d’amour dans le cœur.
Au Cénacle, Jésus ressuscité,
envoyé du Père, communiqua aux Apôtres son Esprit-même et avec cette force, il les
envoya renouveler la face de la terre (cf. Ps 104, 30). Sortir, partir, ne veut
pas dire oublier. L’Église en sortie garde la mémoire de ce qui est arrivé ici ; l’Esprit
Paraclet lui rappelle chaque parole, chaque geste et en révèle le sens.
Le
Cénacle nous rappelle le service, le lavement des pieds que Jésus a accompli, comme
exemple pour ses disciples. Se laver les pieds les uns les autres signifie s’accueillir,
s’accepter, s’aimer, se servir réciproquement. Cela veut dire servir le pauvre, le
malade, l’exclu, celui qui m’est antopathique, celui qui m’embête.
Le Cénacle
nous rappelle, avec l’Eucharistie, le sacrifice. Dans chaque célébration eucharistique,
Jésus s’offre pour nous au Père, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui,
en offrant à Dieu notre vie, notre travail, nos joies et nos peines…, tout offrir
en sacrifice spirituel. Le Cénacle nous rappelle l’amitié. « Je ne vous appelle
plus serviteurs – dit Jésus aux Douze … je vous appelle mes amis » (Jn 15, 15).
Le Seigneur fait de nous ses amis, il nous confie la volonté du Père et se donne Lui-même
à nous. C’est cela l’expérience la plus belle du chrétien, et d’une façon particulière
du prêtre : devenir l’ami du Seigneur Jésus. Découvrir dans son cœur que Lui est ami.
Le
Cénacle nous rappelle le départ du Maître et la promesse de se retrouver avec ses
amis : « Quand je serai parti, … je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi,
afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 3). Jésus ne nous laisse
pas, il ne nous abandonne jamais, il nous précède dans la maison du Père et là il
veut nous emmener avec Lui.
Mais le Cénacle rappelle aussi la bassesse, la
curiosité - « qui est celui qui trahit ? » - , la trahison. Et cela peut être
chacun de nous, pas seulement et toujours les autres, qui revit ces attitudes, quand
nous regardons avec suffisance le frère, quand nous le jugeons ; quand nous trahissons
Jésus par nos péchés.
Le Cénacle nous rappelle le partage, la fraternité, l’harmonie,
la paix entre nous. Que d’amour, que de bien a jailli du Cénacle ! Que de charité
est sortie d’ici, comme un fleuve de sa source, qui au début est un ruisseau, puis
s’élargit et devient grand… Tous les saints ont puisé ici ; le grand fleuve de la
sainteté de l’Église prend toujours son origine ici, toujours de nouveau, du Cœur
du Christ, de l’Eucharistie, de son Esprit Saint.
Le Cénacle enfin nous rappelle
la naissance de la nouvelle famille, l’Église, constituée par Jésus ressuscité. Une
famille qui a une Mère, la Vierge Marie. Les familles chrétiennes appartiennent à
cette grande famille, et trouvent en elle lumière et force pour marcher et se renouveler,
à travers les peines et les épreuves de la vie. Tous les enfants de Dieu de tout peuple
et de toute langue, tous frères et enfants de l’unique Père qui est dans les cieux
sont invités et appelés à faire partie de cette grande famille.
C’est l’horizon
du Cénacle : l’horizon du Ressuscité et de l’Église.
D’ici part l’Église en
sortie, animée par le souffle vital de l’Esprit. Recueillie en prière avec la Mère
de Jésus, elle revit toujours l’attente d’une effusion nouvelle de l’Esprit Saint
: que descende ton Esprit, Seigneur, et qu’il renouvelle la face de la terre (cf.
Ps 104, 30) !