(RV) Entretien - A l’approche des élections européennes Génération identitaire,
mouvement de jeunesse issu du Bloc identitaire, un groupe d'extrême-droite, a organisé
ces dernières semaines plusieurs tournées dans le métro à Paris, Lyon et Lille. Son
objectif affiché : lutter contre l'insécurité à travers « des initiatives de solidarité
populaire face à la racaille ». Une présence qui se veut dissuasive.
Cette
action très médiatique, même si elle reste limitée, a semé le trouble et déclenché
de vives réactions. Pour Jean-Yves Camus, directeur de l’observatoire des radicalités
politiques à Paris, il s’agit avant tout de propagande politique. Il réagit aux
questions d'Hélène Destombes
Il s’agit
d’abord d’un phénomène qui reste assez marginal puisqu’il ne s’agit pas de développement
de milices d’auto-défense comme il en existe un certain nombre dans d’autres pays.
Ce qui est certain, c’est que le Bloc Identitaire des générations identitaires qui
sont à l’origine de ces rondes utilisent, une fois de plus, de manière très habile,
la communication et l’opération médiatique. L’objectif c’est effectivement de créer
le buzz médiatique, bien davantage qu’effectuer un travail de sécurisation réel du
métro parce que le Bloc Identitaire n’en a pas les moyens humains et matériels. C’est
un moyen de faire parler de soi dans un contexte politique qui en ce moment n’est
pas très porteur puisque le Bloc Identitaire ne se présente pas aux élections européennes.
Donc, il faut trouver un certain nombre d’évènements rapidement médiatisables qui
font impression.
Donc l’objectif serait avant tout politique ? L’objectif
est évidemment politique. C’est une action politique qui consiste à faire connaître
le Bloc Identitaire, notamment vis-à-vis d’une population assez jeune qui est excédée
par la multiplication des actes de violence et des incivilités dans le métro, excédée
aussi par la passivité relativement déconcertante des gens qui se trouvent dans les
transports au moment où ces incidents se produisent et qui ciblent une catégorie particulière
de population, qui est la cible traditionnelle du mouvement identitaire. Le terme
de « racaille » se rapporte de manière directe à la tranche la plus jeune de la population
maghrébine ou française d’origine maghrébine. Finalement, même si ce n’est pas dit
de cette manière, le message est clair. En dénonçant la racaille, le Bloc Identitaire
dénonce le lien qu’ils pensent être évident entre la délinquance ou la criminalité
et la présence en France de la communauté arabo-musulmane ou africaine de religion
musulmane.
Des actions limitées, un objectif politique. Certains observateurs
ont toutefois établi, en quelque sorte, un parallèle avec les actions des chemises
noires en Italie dans les années 1920. Non, cela me paraît particulièrement
excessif. D’abord, parce qu’il s’agit d’actions symboliques alors que les squadristes
étaient eux, des gens qui partaient à la chasse de leurs opposants politiques pour
leur infliger des violences physiques et qui souvent, sont allés jusqu’à la mort.
On n’est absolument pas dans ce cas de figure avec le mouvement identitaire qui n’est
pas dans une recherche, du moins à ce stade, d’affrontements physiques et violents.
Encore une fois, comme il en est de la stratégie habituelle du mouvement, il s’agit
d’un acte symbolique largement amplifié par des vidéos qu’on passe sur des plateformes
de partage et par l’écho que la presse donne à ce type d’actions.
Qu’est-ce
que cela dit à l’État et à sa capacité à intervenir ? Ce peut être un danger pour
l’esprit républicain ? Non, je ne pense pas. Encore une fois, on parle d’un
mouvement qui annonce 2000 adhérents mais on peut penser sans doute qu’il en a la
moitié, ce qui est déjà beaucoup sur cette frange de l’échiquier politique. L’État
français assure évidemment la sécurité des biens et des personnes. L’État tient parfaitement
les commandes de la réponse aux incivilités, aux actes de violence qui sont commis
dans les moyens de transport public. Ensuite, bien évidemment, le Bloc Identitaire
est connu des autorités. Ses militants sont répertoriés. D’ailleurs, ils ne se cachent
pas, ils opèrent à visage découvert. Mais on n’est pas en présence d’une milice qui
est susceptible d’attenter à l’ordre républicain. D’ailleurs, dans la liste des mouvements
que le gouvernement a dissous l’année dernière (Manuel Valls était à l’époque ministre
de l’Intérieur), le Bloc Identitaire n’y figurait pas.