2014-05-22 15:50:02

Mgr Dubost : « La Terre Sainte, une périphérie au sens du Pape François »


(RV) Entretien - Le pèlerinage que le pape François se prépare à accomplir en Terre sainte, sous le signe de l’unité et de la Paix, n’échappe pas aux réalités d’une région instable, incandescente et profondément meurtrie, où les conflits peinent à trouver une solution. Il suffit de penser à la guerre civile impitoyable et meurtrière qui se poursuit en Syrie. Ainsi, si l’œcuménisme est le leitmotiv de ce bref déplacement, François ne manquera pas de toucher du doigt d’autres réalités.

A l’approche de la visite du Souverain Pontife, le président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que les Palestiens, chrétiens et musulmans, n'oublieront jamais le soutien du Vatican à leurs droits. Ecoutez Claudette Habesch, secrétaire générale de Caritas Jérusalem RealAudioMP3


Le mur de Bethléem, sous les yeux du Pape

Dimanche matin, à Bethléem, où il célébrera une messe très attendue sur la place de la Mangeoire, et priera à la Grotte de la Nativité, le Pape sera confronté à la vision du mur de sécurité qui divise Palestiniens et Israéliens sur des dizaines de kilomètres. Il déjeunera avec des familles pauvres de la région et visitera le camp de réfugiés palestiniens de Dheisheh, deux moments choisis pour marquer son attention aux souffrances des palestiniens.

Une souffrance que connaît bien Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry-Corbeil-Essonnes. Il est l’un des treize évêques occidentaux de la Coordination des Evêques pour la Terre Sainte qui se rend sur place chaque année. Il est interrogé par Bernard Decottignies RealAudioMP3



Quel est le sens de ce mur érigé en Terre Sainte ?
Vous savez, comme toute visite du Pape, c’est une visite pour renforcer dans la foi ceux qui l’accueillent. Le Pape demande toujours qu’on aille aux périphéries. Il est évident que c’est une périphérie de notre monde, cet endroit où la guerre est toujours présente. Il va là où il y a des manœuvres, là où il y a de la difficulté et il invite, me semble-t-il, à prier pour ces gens-là afin qu’ils gardent l’espoir. Ce mur est un mur insupportable. Probablement, il est voué à l’échec. Il n’y a pas de mur dans l’Histoire qui a tenu les promesses de ceux qui voulaient l'ériger. Le dernier mur que nous connaissons, c’est celui de Berlin et il a fini par tomber. Pourquoi est-ce que je dis que ca va être un échec ? Parce que finalement, aujourd’hui, ce mur enferme non seulement les Palestiniens mais enferment aussi les juifs qui n’ont pas le droit de circuler dans un certain nombre d’endroits. Par contre, ce que ce mur veut dire et je crois qu’il faut l’entendre, c’est une énorme soif de sécurité des uns et des autres. Les Palestiniens souffrent souvent d’exactions de colons. Je n’aime pas généraliser parce qu’il y a des colons qui sont des gens très bien. Tout ce qui entrave la liberté suscite des passions contradictoires et là, je pense que le Pape le verra, il suffit de regarder ce mur de béton qui se dresse, ne serait-ce qu’en allant à Bethléem et qui est insupportable.

Comment ressentez-vous ces derniers signes de violences xénophobes et aussi antichrétiens, antimusulmans qui sont apparus sur des lieux saints, même ces derniers temps, à l’approche de ce voyage ?
À mon sens, il y a deux choses qu’il faut absolument distinguer. Il y a certainement une radicalisation de minorités, en Israël comme partout. Et puis, il y a aussi le fait qu’il y avait des négociations et qu’un certain nombre de gens, d’extrémistes, ne veulent pas que ces négociations aboutissent. Ils font tout pour qu’elles n’aboutissent pas et vous savez que c’est la marque générale. Quand on pense que ça va aboutir, il y a un attentat, un raid, un assassinat qui fait que les communautés se resserrent sur elles-mêmes et essayent de se défendre.

Cette année, vous avez eu la possibilité, l’opportunité de vous rendre à Gaza avec les autres évêques occidentaux. Quelle a été votre impression ? Est-ce que vous vous souvenez très bien de ce que vous avez vu et ressenti à l’époque ?
Il est évident que Gaza est un lieu de prison. C’est un mot un peu difficile à prononcer parce que ce n’est pas tout à fait exact. C’est une prison à l’air libre. C’est une prison parce que c’est fermé, parce que les pêcheurs ne peuvent pas pêcher à plus de quelques mètres de la rive. C’est une prison parce que depuis le déploiement égyptien, on ne peut pas en sortir. C’est une prison aussi parce que les Israéliens contrôlent absolument toutes les entrées et toutes les sorties et que les hommes qui ont un âge compris entre vingt et quarante ans ne peuvent pas circuler du tout. Une chose très difficile dans ce lieu, par exemple, sont les enfants qui apprennent des métiers qu’ils ne pourront pas exercer. Encore cette fois-ci, j’ai rencontré des gens qui faisaient des travaux manuels, qui faisaient des fauteuils ou des choses comme cela et qui disaient « je n’aurai pas de quoi les vendre ». Ils apprennent des métiers alors qu’ils ne peuvent pas l’exercer parce que c’est fermé. C’est tragique mais je n’insisterai pas seulement sur cet aspect. J’insisterai aussi sur l’immense volonté de vivre. Beaucoup de gens nous ont dit « ne parlez pas trop de nos conditions de vie », « montrez que l’on vit », « montrez que notre meilleure résistance, c’est d’être capable de vivre dans ces conditions horribles ». C’est nous qui trouvons que les conditions sont horribles, ils le trouvent aussi mais je me souviens encore d’une femme à la frontière égyptienne qui était sourde et muette et qui nous disait « Mais racontez notre vie ».

Que voudriez-vous ajouter pour conclure cet entretien par rapport à cette visite ?
Je pense que le Pape croit et nous croyons avec lui, à la vertu de la prière. Je crois que le Pape croit à la vertu de l’amitié et de la main tendue. Je pense qu’il ne faut pas du tout minimiser, même pour la paix publique, cet appel à la prière œcuménique et il me semble que ce qui va se passer au Saint-Sépulcre est peut-être pour moi le point majeur de cette visite très importante. Il faut que nous nous joignions partout dans le monde à cette prière intense. Je crois que la prière est efficace, en tout cas le Pape veut le montrer et je crois qu’il va le montrer.


Photo : une oeuvre peinte par l'artiste Banksy sur le mur érigé à Bethléem








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