Mgr Giraud en "visite pastorale" au festival de Cannes
(RV) Entretien – C’est une figure inattendue qui est attendue sur la Croisette.
Parmi les stars de cinéma qui fouleront le tapis rouge et graviront les marches du
festival de Cannes, mercredi soir, à l’occasion de l’ouverture du 67ème festival,
Mgr Hervé Giraud, évêque de Soissons, fera ses premiers pas de membre du jury œcuménique.
C’est la première fois, depuis la création de ce jury il y a quarante ans, qu’un évêque
en fait partie. Le prix qu’il décerne récompense des œuvres dans lesquelles sont reconnues
bien sûr des qualités artistiques, mais aussi des valeurs humaines et évangéliques.
Mgr Giraud explique à Antonino Galofaro les raisons de sa présence à Cannes
«Cela
signifie que l’Église s’intéresse à la culture, aux arts, à l’art cinématographique
en particulier et que de fait, il y a une connivence entre l’Église et le cinéma.
L’Église aime le cinéma. On se souvient du film « Cinema Paradiso » qui raconte cet
enfant de cœur le matin. On a vu cela dans nos campagnes en France pendant très longtemps.
Il y avait parfois de la censure du côté du curé sur telle ou telle scène qui ferait
sourire aujourd’hui mais en tout cas, cela veut dire qu’il y a toujours eu cet amour
de cette démarche. Je pense que l’Église a tout intérêt à être aussi présente dans
toutes les cultures et notamment, le cinéma. Donc, ma simple présence est un signe
de l’attention que prête l’Église à ce monde qui comprend beaucoup de professionnels,
pas simplement des réalisateurs mais des acteurs, des scénaristes, tous ceux qui écrivent.
Que
peut apporter votre voix et celle de l’Église dans le jury et au festival ?
On
a un jury de six membres. Donc, avec une double parité : trois catholiques et trois
protestants ; trois hommes et trois femmes. Déjà, il y a cette pluralité et de plusieurs
continents parce qu’il y a le Canada, l’Équateur, la France, la Belgique et l’Allemagne.
C’est le fait d’être ensemble, de rediscuter des films ensemble qui fait que chacun,
avec son point de vue, permet de dire quel est le film dont la qualité artistique
nous parait importante à souligner ou le message évangélique, la responsabilité humaine
aujourd’hui, une créativité, une dimension plus universelle ou en tout cas un film
qui fasse peut-être réfléchir et qui soit peut-être le miroir de la société actuelle,
qui entraîne une question et qui anticipe celle de demain. Mon regard sera celui d’un
simple spectateur parce que je ne suis pas un professionnel du cinéma, je ne suis
pas un grand cinéphile. Je me situe presque comme un spectateur ordinaire. En même
temps, j’y serais vraiment comme évêque. Et donc, j’apporterai tout simplement mes
impressions, mes réflexions avec tous les autres pour qu’on ait une sorte de conscience
commune pour décerner le prix du jury œcuménique.
Quel film illustre les
valeurs et le regard que vous apportez ?
Moi, je suis plus intéressé par
des films comme par exemple, Tarkovsky ou Kieślowski. C’est vrai que des films comme
« le décalogue » ou « la double vie de Véronique », des films qui donnent à penser,
qui font réfléchir et surtout, qui dépayse. J’aime beaucoup les films qui me font
changer d’air, qui me mette en sortie. On parle de la sortie d’un film ou on sort
au cinéma. Le Pape parle de l’Église en sortie. Je trouve que le plus important pour
moi, c’est si ça me fait sortir un peu de mes questions habituelles, si ça me déplace,
si ça me dérange peut-être aussi pour bien essayer de comprendre les questions qui
sont posées en société. Le cinéma est encore une fois un miroir de ces questions sociales
ou sociétales.
Pourquoi l’Église s’intéresse de si près au cinéma ? Est-ce
une manière d’évangéliser ?
L’Église a toujours le souci d’apporter le
message essentiel de l’Évangile et donc, du Christ. Mais, en même temps, cela ne nous
appartient pas tout à fait. C’est-à-dire que Dieu s’y prend d’une manière que lui
seul connait, à travers un film, une rencontre, des acteurs peut-être pour délivrer
un message qui va toucher le cœur. Donc, l’Évangélisation ne se décide pas comme une
stratégie, elle s’accueille. Le but, c’est d’être vraiment présent et à l’occasion
d’un festival, à l’occasion d’un jury œcuménique, on rencontre des personnes, on voit
des films et on est interrogé. Il peut se passer des choses qui vont peut-être conduire
à une évangélisation plus explicite ou peut-être pas. Mais, il s’agit d’y être, comme
le Christ était un peu au milieu de son peuple. Il va parfois chez les pharisiens,
il va parfois près des lépreux. C’est la vraie vie. Pour moi, c’est comme une visite
pastorale. Dans mon diocèse, j’ai fait 43 visites de paroisses. Je considère presque
que c’est ma 44ième visite pastorale mais dans ce monde de la communication
et notamment du septième art, l’art du cinéma.