(RV) Entretien - C'est un appel à l'aide lancé par les frères maristes d'Alep,
la deuxième ville syrienne. Depuis une dizaine de jours, les rebelles qui combattent
les forces loyalistes ont coupé l'eau qui alimente la cité. Et la population commence
à souffrir de la soif. Ce mardi, les maristes ont lancé dans un appel un cri d'alarme
pour sensibiliser le monde sur leur situation, alors que la Syrie, en guerre depuis
plus de trois ans, disparaît des écrans radars de l'actualité, par lassitude. Le frère
Georges Sabe vit à Alep. Au micro d'Olivier Bonnel, il raconte la dramatique
situation des civils et en appelle au Pape, pour remobiliser les consciences :
«Nous
avons passé onze jours sans électricité dans la ville d’Alep. Maintenant, ça fait
plus de dix jours que nous n’avons plus aucune goutte d’eau dans nos robinets. On
a coupé l’eau à toute la ville d’Alep. La population se rend dans les Églises et les
Mosquées qui ont fait des projets de forage de puits. On prend l’eau du puits pour
faire le forage nécessaire. Avec cette eau-là, on essaye de boire, mais ce n’est pas
une eau soumise à une bonne analyse. Donc, on craint certaines maladies. Voilà, ça
c’est la réalité, c’est le pain quotidien que nous menons ici, dans la ville d’Alep,
depuis deux ans. Mais en plus de cela, on n’a jamais souffert autant que depuis une
vingtaine de jours dans la ville d’Alep! Ça, c’est très grave. Les gens s’arrangeaient
en ce qui concerne l’électricité mais avec l’eau, on ne peut pas s’en accommoder.
Ce n’est pas possible qu’une population soit punie uniquement parce qu’elle vit dans
une ville et qu’elle n’a pas fait de choix ni pour l’un ni pour l’autre, que l’on
nous punisse en nous coupant l’eau.
Père Georges, est-ce que vous savez
d’où viennent ces coupures d’électricité et surtout, ces coupures d’eau ?
L’eau
de la ville d’Alep arrive du fleuve, l’Euphrate. Elle passe par des stations de pompage.
La dernière station de pompage se trouve à l’intérieur de la ville d’Alep. Et cette
station est entièrement électronique. Les rebelles ont occupé cette station. Ils l’occupaient
depuis longtemps et maintenant, ils ont décidé de couper l’eau, peut-être pour des
raisons militaires, je ne sais pas, mais la réalité, c’est que la population est en
train de souffrir. On veut punir la population, elle en a ras-le-bol! Si je vous racontais
la misère dans laquelle vivent les gens déplacés, dans des souterrains, dans des immeubles.
Ce n’est pas admissible qu’on puisse encore aggraver la situation en leur coupant
l’eau! Couper l’eau, ça veut dire augmenter le nombre de possibilités de maladies,
augmenter le nombre de souffrances de cette population sans aucune raison.
Aujourd’hui,
vous lancez un véritable cri d’alarme...
On ne peut pas se taire! Moi,
j’ai demandé et j’adresse une demande à travers vous, au Saint-Père, au Pape François
que je suis régulièrement, avec tout ce qu’il déclare, et je sais toute son amitié
et tout son amour pour le peuple syrien. Je lui demande spécialement, au nom de toute
cette population syrienne, indifféremment de la religion, que ce soit chrétien ou
musulman, de lancer un appel urgent à toutes les instances politiques et les organismes
internationaux humanitaires pour que l’eau revienne. C’est un crime contre l’humanité!
Aujourd’hui, on n’a pas le droit de se taire contre une punition imposée à la population
dans cette ville meurtrie d’Alep. Nous comptons sur la Providence, nous comptons sur
la solidarité entre les gens. Il y a des exemples extraordinaires de cette solidarité
dans la population. Nous avons besoin que les médias bougent. Nous avons besoin qu’il
y ait une pression sur les autorités politiques dans les grandes puissances pour que
cette guerre sale puisse s’arrêter en Syrie. Nous ne pouvons plus supporter toutes
les atrocités dans cette ville. Voilà, je ne sais pas si vous avez entendu mais tout
près de chez nous, il y a mortier qui vient de tomber...
Photo : des
enfants d'Alep, récoltant de l'eau sale