La vieille ville de Homs évacuée de ses rebelles : le témoignage d'un jésuite sur
place
(RV) Entretien- En Syrie les derniers rebelles retranchés dans la vieille ville
de Homs ont enfin pu être évacués. Ils ont été emmenés en bus plus au nord de la ville,
dans la localité de Dar al-Kabira, avec l’autorisation de prendre une arme légère.
En tout, plus de 2000 personnes se sont retirées, parmi lesquelles des civils blessés.
Selon les rebelles, l'accord s'est également traduit par la libération de
40 alaouites -communauté à laquelle appartient le président Bachar al-Assad-, une
Iranienne et 30 soldats syriens. Après ce retrait de la vieille ville, il ne restera
plus de rebelles dans la cité de Homs que dans le quartier de Waer (au nord-ouest)
où vivent plusieurs centaines de milliers de personnes, mais des négociations sont
également en cours pour leur départ.
Ce retrait de la rébellion de cette ville
symbole est un moment important dans la guerre civile qui ronge le pays. C'est à Homs
en effet qu'a été lancée l'insurrection armée après la répression par le régime du
mouvement de contestation populaire pacifique lancé le 15 mars 2011 Il montre que
localement des solutions peuvent être négociées.
Ce déblocage est même une
lueur d’espoir pour l’avenir du pays selon le père jésuite Ziad Hilal. Il est
actuellement dans la vieille ville de Homs et a assisté à l’évacuation des dernier
rebelles. 23 chrétiens sont encore présent sur place dans la résidence des jésuites.
(Avec AFP)
En tant que
religieux, il nous a demandé d’accompagner les rebelles de la sortie de la vieille
ville jusqu’au nord de Homs qu’on appelle Dar al-Kabira. Chaque bus était rempli de
40 rebelles accompagnés par un prêtre et aussi par la communauté des Nations-Unies.
Le personnel de l’ONU n’était pas dans le bus. Seuls les prêtres y étaient. Le contrat,
c’était d’évacuer tous les rebelles de la vieille ville avec une arme légère.
On
a parlé de rebelles mais on a aussi parlé de civils blessés. Est-ce que vous confirmez
cette information ? C’est ce que j’ai moi-même vu car j’étais tout le temps
là-bas. Il y avait 6 femmes et des enfants comme civils. Il y avait également quelques
blessés mais je ne sais pas si ce sont des civils ou des rebelles. Ils étaient à peu
près 9 personnes.
Tous les rebelles ont été évacués maintenant ? Tout
à fait. Il n’y en a plus dans les vieilles villes. La vieille ville est vide. Il reste
quelques civils. Il y a 23 chrétiens qui ont décidé de rester, surtout qu’ils sont
dans notre résidence, la résidence du père jésuite ou le père Frans a été assassiné.
Dans
quel état d’esprit et de santé sont les 23 chrétiens qui sont restés dans votre résidence
? Ils sont très contents car ce matin, les évêques de France et les religieuses
sont venus accompagnés de quelques civils. Hier, pour la première fois, ils ont vu
du pain depuis plusieurs années, c’est-à-dire plus de deux ans et demie. C’est la
première fois qu’ils ont vu de la nourriture. Ca fait plus d’un an qu’ils n’ont pas
gouté de viande. Ils mangent seulement les herbes qui sont plantées à dans les maisons.
Ils étaient dans la joie de trouver quelqu’un de l’extérieur qui vienne chez eux.
Père
Ziad, est-ce que vous avez l’espoir que quelques chrétiens reviennent dans la vieille
ville de Homs ? Depuis hier, le téléphone n’a pas cessé de sonner. La plupart
des chrétiens voulaient vraiment revenir mais le problème maintenant, c’est qu’il
y a des maisons, des portes et des voitures piégées. Donc, la situation est très délicate.
D’abord, il faut que les ingénieurs spéciaux entrent pour nettoyer les ordures de
la guerre. Ensuite, les civils pourront rentrer. Mais malheureusement, ce qu’on a
vu ce matin, c’est le désordre général. Il y a plein de gens qui sont venus à droite
et à gauche. Il y a des voyous qui rentrent pour voler les maisons. Il y a du pillage.
Les Églises sont détruites. Pas complètement, on peut les restaurer mais ça va couter
beaucoup d’argent et beaucoup de temps.
Père Ziad, est-ce que vous avez
l’espoir qu’après cet accord entre le régime et les rebelles à Homs, que d’autres
situations sur le terrain se débloquent localement et que du coup, un espoir d’une
solution négociée puisse petit à petit s’installer dans le pays ? C’est ce
que le Père Frans Van der Lugt a espéré. Il disait toujours « ce n’est pas la force
ni les armes qui vont parler. Ce sont les accords ». Ca veut dire la réconciliation.
Il n’y a pas d’autres chemins pour nous. Nous l’avons vu, ça fait deux ans et demi
à peu près qu’il y a le combat à Homs, dans la vieille ville. Cela ne peut se terminer
que par un accord. C’est la seule solution, non seulement pour Homs mais aussi pour
toute la Syrie.
Au-delà de cet accord, est-ce que vous avez le sentiment
que les deux camps sont prêts à faire de concessions et sont fatigués de cette guerre
? L’image qu’on a vu hier à propos des frontières entre les rebelles et l’armée
officielle, c’était une belle image. Ils se parlent entre eux. Il y a même quelqu’un
de l’armée qui donne à manger aux rebelles. Nous ne sommes qu’un seul peuple. Il faut
trouver un moyen pour construire la paix. Il y a des ponts à remettre dans ce pays.
C’est ça qui est très important à nos yeux et les deux camps sont fatigués. Ils ont
perdu tant d’hommes, de femmes et d’enfants à cause de la guerre.
Selon
vous, est-ce que cette évacuation de la vieille ville de Homs est un tournant dans
la guerre et une porte qui s’ouvre vers un avenir meilleur ? Oui, bien sûr
parce que c’est grâce à l’intervention de l’ONU, à l’intervention des religieux et
à l’intervention de la Communauté Internationale pour cesser de délivrer les armes
aux mains des syriens. Et j’ai moi-même vu des enfants, des rebelles enfants qui portent
des armes. Ça veut dire que si on revient trois ans en arrière, ils avaient quoi ?
13-14-15 ans. Ils ne savent rien. Ils ne savent pas pourquoi ils sont là ni qui ils
combattent. Ils ont des idées intégristes. C’est très difficile.
Quel va
être désormais l’avenir pour ces rebelles qui ont été évacués ? Le problème,
c’est qu’ils sont allés au nord. Le nord, c’est aussi le combat où ils vont dire qu’il
faut avoir un accord avec le gouvernement ou ils vont continuer la guerre jusqu’au
bout. Ça veut dire plus d’armes, plus de cadavres et plus de destruction. En même
temps, je voudrais vraiment faire un appel à la Communauté Internationale, surtout
aux Églises dans le monde afin de reconstruire les Églises et les maisons des gens
dans la vieille ville. Ça fait trois ans que l’on voyage à droite et à gauche. On
a fait plusieurs rencontres et il y avait toujours cette idée d’aider les syriens,
les chrétiens à reconstruire les Églises et les maisons. Et le moment est venu ».
On se souvient que de Homs était parti le début de la guerre, la contestation
au pouvoir. C’est de Homs que va pouvoir se reconstruire la Syrie ? C’est
le premier pas. Donc, il ne faut pas avoir peur. Il faut commencer le chemin et marcher.
Photo: les rebelles évacuant le vieux Homs, le 8 mai