(RV) Entretien - Notre dossier est aujourd’hui consacré à la Birmanie, à la
tête cette année de l’Association des Nations de l’Asie du sud-est, l’Asean. Ce samedi
s’ouvre pour deux jours à Naypyidaw la capitale birmane, le 24ème sommet de l’Association.
Et c’est la première fois que la Birmanie l’organise. En 2006 elle avait dû renoncer
à la présidence de l’Asean sous la pression de la communauté internationale. La Birmanie
était alors l’un des pays les plus isolés de la planète par des décennies de junte
militaire.
Alors ce sommet marque-t-il le retour de ce pays sur la scène diplomatique
? David Camroux professeur à Sciences Po et chercheur au CERI, le Centre d’études
et de recherches internationales, parle lui d’une véritable consécration.
Les possibilités
de présider l’Asean étaient un peu un cadeau offert au régime militaire pour ses transformations.
Par ricochet, cela montre que la Birmanie est devenue un pays « normal ». Ce qui est
important, à la fois pour recevoir de l’aide au développement et également des investissements.
Donc, tout ça va contribuer indirectement au processus de démocratisation très compliqué
qui est en cours.
Au niveau des relations avec ses voisins, quelle conséquence
ça peut avoir ? Ça va aider la Birmanie à continuer à prendre une certaine
distance par rapport à la Chine parce que pendant la période du régime militaire,
le seul allié du régime était la Chine qui lui a fourni plus d’un milliard de dollars
d’armement. Et le régime a empêché le processus de démocratisation. Cela permet justement
de prendre un peu de distance par rapport à la Chine. Donc, en se liant avec l’Asean,
ça va permettre à la Birmanie de se consolider par rapport à la Chine et par rapport
à l’Inde. On est vraiment un peu dans les symboles. La Birmanie a accueilli les jeux
de l’Asie du sud-il y a quelques mois. C’est comme les jeux olympiques. C’est un peu
le symbole qu’on est devenu un pays normal, un grand pays sur la scène internationale.
Vous parlez donc plus de symboles pour montrer d’une certaine manière que
la Birmanie est un pays « normal ». Dans le fond, ce n’est pas du tout le cas. Il
y a encore beaucoup de choses à régler. Il y a toute la question d’un contrat
social pour savoir quel système fédéral on va mettre en place dans ce pays. Il y a
le problème des minorités. Il y a toujours des conflits sur l’État Kachin. Mais vous
savez, les transitions démocratiques sont toujours extrêmement longues, compliquées
et parfois, au moins dans un premier temps, violentes. Ce fût le cas en Thaïlande.
Ca a pris six ans. La démocratisation en tant que telle ne va pas résoudre toutes
les questions de développement d’un système consensuel et fédéral pour gérer un parti
multiracial, multiethnique et multi-religieux.
On peut dire que ça marque
le retour sur la scène diplomatique de la Birmanie. Mais est-ce qu’on peut dire que
tous ces symboles sont aussi un signe encourageant pour la démarche d’aller vers quelque
chose de plus démocratique ? Oui, je crois que c’est encourageant à condition
que ça soit accompagné par les véritables changements au niveau local. C’est-à-dire
que la Birmanie est un pays atrocement riche. C’était l’un des pays les plus riches
de l’Asie du Sud-est avant la deuxième guerre mondiale. Elle était plus riche que
la Thaïlande. Ils ont beaucoup de matières premières, du pétrole, du gaz, des minerais.
Il manque d’une main d’œuvre qualifiée. Un véritable défi pour la Birmanie, c’est
la formation des jeunes, une réforme du système éducatif et du système de santé qui
sont dans un état lamentable. Je crois qu’on peut être optimiste pour l’avenir.