Le P. Mario Vergara, prêtre missionnaire de l'Institut pontifical pour les Missions
Etrangères (PIME), et Isidore Ngei Ko Lat, catéchiste birman, assassinés tous deux
en 1950, seront béatifiés le 24 mai prochain.
Le 26 juin 2011, l’Eglise de
Birmanie (Myanmar) avait déjà fêté avec « beaucoup de joie et d’espérance » la béatification
du P. Clemente Vismara, lui aussi prêtre italien PIME, qui devenait ainsi le premier
bienheureux de son pays de mission, où il avait passé 65 ans de sa vie.
A partir
du 24 mai prochain, la communauté catholique de Birmanie comptera désormais son premier
« bienheureux martyr » autochtone. Le P. Mario Vergara, prêtre PIME, et Isidore
Ngei Ko Lat, laïc et catéchiste, tous deux tués en « haine de la foi », à Shadaw,
dans le diocèse de Loikaw, le 25 mai 1950, ont été déclarés martyrs le 9 décembre
2013 par le pape François, ouvrant ainsi la voie à leur béatification. Leur cause
en béatification avait été introduite en 2003 par Mgr Sotero Phamo, évêque de Loikaw.
La
cérémonie de béatification du P. Mario Vergara et du jeune catéchiste Isidore Ngei
Ko Lat sera célébrée dans la cathédrale d’Aversa, en Italie, le 24 mai prochain. Elle
sera présidée par le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes
des saints, et le supérieur général des PIME, a rapporté AsiaNews, agence de cette
congrégation missionnaire. Le P. Vergara deviendra le 19ème PIME à être proclamé martyr
et le 5ème à être élevé à la gloire des autels.
La vie du père Vergara,
toute consacrée à la mission
Le P. Mario Vergara est né le 16 novembre
1910 à Frattamaggiore (Naples) dans le diocèse d’Aversa. Ordonné prêtre au sein de
la société des PIME en 1934, il est envoyé la même année au service du diocèse de
Toungoo, en Birmanie, alors protectorat britannique.
Dès son arrivée, le P.
Vergara se met à l’étude des langues locales puis, très vite, se voit confier le district
de Citacio, où vivent les Soku, l'une des tribus de l’ethnie karen. Le missionnaire
« se tue à la tâche », rapportent les témoins ; malgré de fréquents accès de
paludisme, il parcourt son district où sont éparpillés quelque 29 villages catholiques,
se faisant tout à tour « prêtre, éducateur, médecin, administrateur et parfois
même juge ».
Avec la deuxième guerre mondiale, les missionnaires italiens
en Birmanie, considérés comme appartenant à une nation ennemie, sont poursuivis et
internés par les Britanniques dans leurs camps de prisonniers en Inde. Le P. Vergara
y restera de 1941 à 1944. A sa libération, le missionnaire ne peut cependant retourner
encore sur son lieu de mission et devra patienter en Inde jusqu’en 1946. Très fragilisé
par cette longue période d’attente et de détention au cours de laquelle il a subi
l’ablation d’un rein, le prêtre PIME accepte pourtant avec enthousiasme la nouvelle
mission qui lui est confiée par son évêque. Il s’agit d’évangéliser une région à l’est
de Toungoo où vivent des tribus isolées, dont une majorité de villages suivant la
« religion traditionnelle » (un mélange de bouddhisme et d’animisme) et quelques
missions baptistes.
Le P. Verdata, après avoir rapidement appris le dialecte
local, s’intègre dans sa nouvelle communauté avec une facilité qui irrite les baptistes.
Ces derniers, qui forment l’élite sociale des villages, s’inquiètent du soutien apporté
par le missionnaire aux populations pauvres et sous-développées de la région.
Les
premières menaces, accompagnées de campagnes de calomnie contre le P. Verdata, suivent
de près le déclenchement de la guerre civile, lors de l’accession à l’indépendance
de la Birmanie en 1948. Les tribus locales rebelles, dont le nationalisme a été exacerbé
par les suites décevantes de la seconde guerre mondiale, sont désormais convaincues
que les catholiques sont les « héritiers » de l’ancien gouvernement colonial
et les espions du nouveau régime. La guérilla, soutenue par les baptistes, s’attaque
désormais aux missionnaires catholiques qui, comme le P. Vergara lors de l’occupation
de Toungoo par les milices rebelles, dénoncent les conséquences de la guerre civile
sur les populations, les réquisition de vivres pour les troupes et les taxes qui oppriment
les villageois.
Cette même année 1948, un jeune missionnaire PIME, le P. Pietro
Galastri, est envoyé pour aider le P. Vergara ; ensemble, ils commencent à construire
écoles, églises, orphelinats et dispensaires.
En janvier 1950, Loikaw tombe
aux mains des troupes gouvernementales. La mission des Pères PIME est alors coupée
en deux et les missionnaires contraints à traverser fréquemment les lignes ennemies
pour rejoindre, de leur résidence de Shadaw encore aux mains des rebelles, les autres
villages situés sur le territoire reconquis par les troupes régulières, s’attirant
menaces, perquisitions et de nombreuses accusations d’espionnage de la part des chefs
de la guérilla.
Le 24 mai 1950, le P. Vergara se rend dans le centre de Shadaw
avec son catéchiste Isidore Ngei Ko Lat, afin de convaincre le chef de district, Tiré,
qui dirige les milices locales, de relâcher un autre catéchiste, James Colei, récemment
arrêté.
Mais le rendez-vous est un guet-apens : les deux catholiques se retrouvent
face à d’autres chefs de la guérilla et sont soumis à un interrogatoire à l’issue
duquel ils sont ligotés et emmenés dans la jungle. Après avoir marché toute la nuit,
le P. Vergara et Isidore Ngei Ko Lat sont fusillés à l’aube du 26 mai. Leurs corps,
enfermés dans des sacs, puis jetés dans la rivière Salween (Salouène), ne seront jamais
retrouvés.
Le P. Galastri est tué de la même manière, après avoir été enlevé,
également le 24 mai, alors qu’il priait avec les orphelins dans la chapelle de la
mission de Shadaw. Le jeune missionnaire PIME a été reconnu serviteur de Dieu et martyr.
Qui
était Isidore Ngei Ko Lat ?
Quant au futur bienheureux birman, les lettres
du P. Vergara et les témoignages de ses contemporains dressent de lui le portrait
d’un « apôtre zélé », animé de la volonté forte de « se mettre au service des
autres et de l’Evangile ». Issu d’une famille de paysans convertis par le bienheureux
P. Paolo Manna, Isidore a été baptisé par le P. Dominic Pedreotti, PIME, en 1918 dans
son village de naissance, Taw Pon Athet, situé ans le diocèse de Toungoo. Ayant perdu
ses parents à l’adolescence, il est élevé avec son frère par l’une de ses tantes.
Lors
de l’enquête de béatification, un cousin d’Isidore a certifié que depuis son plus
jeune âge le jeune Birman passait le plus clair de son temps avec les missionnaires,
« les suivant partout ». C’est sans surprise que sa famille apprend qu’il désire devenir
prêtre. Il entre au petit séminaire de Toungoo où il se fait remarquer pour son attitude
« humble, sérieuse et honnête », son ardeur missionnaire, ainsi que pour ses « remarquables
aptitudes » pour l’étude et l’apprentissage des langues comme le latin et l’anglais,
qu’il maîtrise parfaitement.
Souffrant malheureusement d’une santé fragile
(il est asthmatique), le jeune Isidore Ngei Ko Lat doit quitter le séminaire et retourner
dans sa famille. N’ayant pas pu réaliser son rêve de devenir prêtre, il ne renonce
pas cependant à « se consacrer au Seigneur ». Faisant vœu de célibat, il ouvre alors
dans le village de Dorokho une école privée où il enseigne aux enfants le birman et
l’anglais, donne des cours de catéchisme, de musique et de chant. Selon tous les témoins
de cette partie de sa vie, il entretenait de bonnes relations avec tous et était très
aimé.
En 1948, il rencontre le P. Vergara à Leiktho qui lui demande s’il veut
devenir catéchiste. Le jeune Birman accepte avec enthousiasme et suit le missionnaire
à Shadaw. Isidore, qui travaille étroitement avec le P. Vergara pour améliorer le
quotidien de la population locale, joue également le rôle d’interprète pour le P.
Galastri.
C’est sans hésitation qu’il soutient le P. Vergara dans sa lutte
pour défendre les populations opprimées par la guérilla, s’attirant la même haine
et les mêmes menaces que les missionnaires. C’est également sans hésitation qu’il
accompagnera le missionnaire dans la tentative périlleuse de libération du catéchiste
James Colei, une démarche qui lui vaudra de subir à ses côtés le martyre « in odium
fidei ».
Les évêques de l’Eglise de Birmanie ont défini la béatification du
P. Vargara et d’Isidore comme « un fort encouragement donné à toute la communauté
catholique au Myanmar pour vivre sa foi plus en accord avec l’Evangile et témoigner
d’une manière courageuse et héroïque, en suivant l’exemple du catéchiste Isidore qui
n’a pas hésité à offrir sa vie pour l’Evangile, avec le P. Vergara ».