Le combat de l'Eglise pakistanaise contre les viols d'enfants
Depuis le viol, le jour de Pâques, de Saira, une petite fille chrétienne âgée de 7
ans, par quatre musulmans, l’Eglise catholique pakistanaise multiplie les assemblées
de prière et les manifestations contre les violences sexuelles envers les mineures,
qui deviennent de plus en plus fréquentes dans le pays. L'Eglise catholique au Pakistan
a consacré la journée du dimanche 27 avril à la prière contre les violences sexuelles
et les viols envers les enfants, un phénomène dont elle a souligné l’effrayante ampleur.
Dans toutes les paroisses du pays ont eu lieu des veillées et des processions aux
flambeaux à l’intention des jeunes victimes et pour que justice leur soit rendue.
Saira
Masih, fillette de 7 ans violée par quatre hommes musulmans dans son village du Pendjab
le 20 avril dernier, est devenue le symbole de la situation dramatique que vit la
communauté chrétienne à travers ses membres les plus vulnérables, les femmes et les
enfants et tout particulièrement les petites filles. Le Pendjab, où se concentre la
majorité des deux millions de chrétiens que compte le Pakistan, reste la province
la plus touchée par le phénomène, suivie par le Sind, le Khyber-Pakhtunkhwa et enfin
le Balouchistan.
Dans cette province où les chrétiens appartiennent le plus
souvent à des familles pauvres soumises aux abus de propriétaires terriens musulmans,
trois viols de fillettes ont été enregistrés pour la seule semaine dernière. Outre
Saira, une petite fille de 6 ans a été violée le 26 avril à Faisalabad (son état est
considéré comme très critique par les médecins) et, dans le district de Jhang, une
fille de 9 ans a été tuée après avoir été victime de violences sexuelles « d’une grande
barbarie ».
Recrudescence des agressions sexuelles contre les enfants
Les
milieux chrétiens et les ONG locales confirment l’actuelle recrudescence des agressions
sexuelles contre les enfants, soulignant que ces quelques cas médiatisés ne représentent
que le haut de l’iceberg, la plupart des familles subissant d’importantes pressions
pour ne pas dénoncer les agresseurs et porter plainte.
Le P. John Ayub, qui
lutte pour la protection des mineurs au Pakistan, interpelle régulièrement le gouvernement
sur son inaction. Citant une étude récente réalisée par les ONG Masihi Foundation
et Life for All Pakistan, il rapporte que pour l’année 2013, ont été recensés 370
cas de viols dont 185 étaient collectifs, plus de 1 600 « crimes d’honneur », 2 133
« violences diverses envers les femmes », 406 mariages forcés parmi lesquels étaient
impliquées 176 mineures, 220 femmes exécutées pour adultère et 887 cas de femmes torturées
par la police. Selon les auteurs du rapport, seuls 10 % des cas de violence figureraient
dans ces statistiques.
« Le silence de la société sur ce drame barbare est
inquiétant : une enfant de ce pays a été brutalement violée et les autorités gardent
le silence », a dénoncé le 26 avril dans une déclaration Life For All Pakistan.
Comme le souligne de son côté Me Sardar Mushtaq Gill auprès de l'agence Fides, «
les abus contre les femmes et les fillettes par des hommes de religion musulmane sont
représentatifs de la façon dont les minorités au Pakistan sont soumises à la peur
constante de la persécution ».
Le viol de très jeunes filles, préliminaire
aux mariages forcés
Les quelques rares cas de viols d’enfant médiatisés
récemment au Pakistan démontrent l’extrême difficulté pour les victimes issues des
minorités à obtenir de l’aide, notamment de la police, qui se range généralement du
côté des agresseurs, tentant de dissuader les victimes de porter plainte, ainsi que
la quasi-impossibilité d’obtenir une condamnation pour viol auprès des tribunaux.
Les
viols de très jeunes filles issues des minorités ou castes inférieures peuvent être
également le préliminaire à un mariage forcé. Des abus qui ne sont pratiquement jamais
sanctionnés non plus, les familles des victimes étant contraintes au silence par les
agresseurs. Selon un récent rapport du Mouvement pour la Solidarité et la Paix, chaque
année, ce sont quelque mille jeunes filles appartenant à des minorités religieuses
chrétiennes et hindoues qui sont « enlevées, violées et contraintes à contracter
un mariage islamique ».
Faut-il y voir un lien de cause à effet ? C’est
dans ce contexte de protestation des mouvements de défense des droits des droits de
l’homme et des communautés chrétiennes que les députés de la province du Sind ont
voté à l’unanimité lundi dernier, 28 avril, une loi interdisant les mariages d’enfants,
une pratique encore extrêmement répandue dans tout le pays. La Sindh Child Marriage
Restraint Bill était très attendue depuis de nombreuses années mais sans cesse repoussée.
Le mariage de mineurs (moins de 18 ans) est désormais puni de trois ans de prison
pour le fiancé si celui-ci a l’âge légal ainsi que pour les parents du futur couple.
La
ministre des Affaires sociales du Sind, Rubina Sadat Qaimkhani, qui a soutenu le projet
de loi, a parlé « d’avancée historique » pour la province qui compte l’un des taux
les plus importants de mariages d’enfants au Pakistan (30 % des filles du Sind seraient
mariées avant l’âge de 18 ans). Mais, souligne Abdul Rahim Moosvi, coordinateur
provincial du groupe Adolescent Girls Empowerment, le vote de la loi n’est qu’une
première étape, le plus difficile étant de la faire appliquer dans les régions rurales
où ces pratiques sont très ancrées et mises en place par les « conseils de village
» eux-mêmes. (Eglises d'Asie)