Saint Siège et convention contre la torture : note du père Lombardi
(RV) Sévèrement et injustement épinglé au mois de janvier dernier par le Comité de
l’Onu sur les droits de l’enfant, le Saint-Siège a décidé cette fois-ci de prendre
les devants. En tant qu’Etat signataire de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Saint-Siège sera auditionné,
les 5 et 6 mai, par un Comité de dix experts indépendants chargé de vérifier l’application
de cette Convention.
Attention aux pressions idéologiques
Dans
une longue note explicative, le Bureau de presse du Saint-Siège n’hésite pas à mettre
en garde contre les pressions idéologiques exercées par des ONG sur ces comités et
sur l’opinion publique. En réaffirmant son ferme engagement contre toute forme de
torture, il souhaite, en vue du rendez-vous des 5 et 6 mai, un dialogue serein et
objectif dans les limites des Conventions et de leurs buts. Faute de quoi, ces mêmes
Conventions finiront par être dénaturées et les comités onusiens par perdre leur crédibilité,
alors qu’ils sont censés être des instruments de progrès et de promotion des droits
de la personne.
L'engagement concret du Saint Siège
Le Saint-Siège,
qui a adhéré en 2002 à la Convention contre la torture, a présenté son premier rapport
en 2010. Sa responsabilité juridique quant à l’application de cette Convention, concerne
le territoire et les compétences de l’Etat de la Cité du Vatican. Depuis, explique
encore la note, la réforme de la législation pénale du Vatican a été achevée et de
nouvelles lois sont entrées en vigueur en 2013. Cette réforme en profondeur visait
à rendre la législation Vaticane conforme aux différentes conventions internationales
auxquelles le Saint-Siège a adhéré au fils des années. La note souligne enfin
que par les enseignements du Magistère de l’Eglise, et par la place accordée par les
médias du Vatican aux thématiques liées à la torture et aux traitements inhumains,
le Saint-Siège offre à la diffusion des principes contenus dans la Convention onusienne,
une contribution qui va bien au-delà des engagements pris en tant qu’Etat signataire.
L’audience du Saint-Siège en début de semaine prochaine s’inscrit dans le cadre
des procédures habituelles. Réuni à Genève du 28 avril au 23 mai, le Comité de l’ONU
est chargé d’examiner les rapports de huit pays, dont celui du Saint-Siège, et présentera
ses observations conclusives en conférence de presse le 23 mai. Mais le Saint-Siège
de toute évidence redoute de nouvelles manipulations.
Ci-dessous,
la note en intégralité du père Federico Lombardi :
La
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, à laquelle adhère de nombreux états, est un des principaux documents des
Nations-Unies. Sur mandat de leurs adhérents, la vérification des progrès dans l'application
des conventions est confiée à des comités indépendants d'experts. Les états membres
leur remettent périodiquement leurs rapports. Lors des sessions (à Genève) chaque
comité entend les diverses délégations pour discuter leurs rapports sur la mise en
oeuvre de la convention correspondante, y compris d'éventuelles questions d'interprétation
du traité. Dans cette procédure ouverte, la société civile peut intervenir par le
biais de commentaires ou recommandations d'ONG.
Le Saint-Siège, qui a adhéré
en 2002 à la Convention contre la torture de 1984, spécifiquement pour le compte de
l'Etat de la Cité du Vatican, a présenté son premier rapport en décembre 2010. Le
Comité relatif à ce traité, qui se compose de dix membres tient sa 52 session depuis
le 28 avril et jusqu'au 23 mai, au cours de laquelle il examinera les rapports de
la Thaïlande, de la Sierra Leone, de la Guinée, du Montenegro, de Chypre, de la Lituanie
et du Saint-Siège. La délégation du Saint-Siège sera entendue les 5 et 6 mai. Le 5,
elle commentera brièvement son rapport, avant de répondre le 6 aux questions posées
la veille, ainsi qu'à d'autres éventuelles questions des membres du Comité. Après
sa conférence de presse conclusive du 23 mai, le Comité publiera ses Observations,
auxquelles les états entendus pourront répondre formellement.
Pour évaluer
l'importance de l'audition et la nature du dialogue entre la délégation et le comité,
et vue la nature de la convention (qui touche principalement à la matière pénale ou
carcérale, aux rapports judiciaires internationaux, etc) il importe de préciser au
premier chef que le Saint-Siège a adhéré pour le compte exclusif de l'Etat du Vatican.
Sa responsabilité juridique quant à l'application de la convention ne s'applique donc
qu'au territoire et compétences de l'Etat vatican et non à l'Eglise catholique de
par le monde. Bien entendu, le Saint-Siège propose un enseignement notable quant à
la torture et aux autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de
grande importance pour la diffusion des principes de la convention et de son application.
Ainsi présente-t-il dans son rapport un vaste éventail de citations du Magistère et
des activités des organismes vaticans en la matière, qui dépassent largement le domaine
des engagements pris par le Saint-Siège pour le seul territoire de l'Etat du Vatican.
Le
rapport de décembre 2012 met en évidence les points importants de la révision de la
législation pénale de l'Etat de la Cité du Vatican, et en particulier des lois du
11 juillet dernier (entrées en vigueur en septembre 2013) qui la rend effective en
conformité à la Convention. Comme l'a expliqué les 11 et 12 juillet 2013 Mgr.Mamberti,
Secrétaire pour les relations avec les états, il s'est agi d'une profonde révision
ayant permis l'adaptation de la législation vaticane aux diverses conventions internationales
auxquelles le Saint-Siège a adhéré, non seulement contre la torture mais aussi contre
la criminalité économique et financière, contre la discrimination raciale ou la tutelle
des mineurs.
Par ailleurs, dans le cadre de ses discussions avec les états
signataires les comités des Nations-Unies formulent souvent des questions qui ne sont
pas directement liées au cadre strict de la convention correspondante, mais à une
interprétation extensive du texte. C'est par exemple ce qui s'est produit en janvier
lors de l'audition devant le Comité pour la Convention sur la protection des mineurs.
Ce genre d'intervention découle généralement des pressions exercées par des ONG fortement
orientées idéologiquement dans l'opinion publique ainsi que sur les comités des Nations-Unies.
En l'occurrence on avait agi dans les médias pour que les abus sexuels sur
mineurs soient débattus lors de l'examen du Comité sur la torture alors que cela relève
à l'évidence de celui sur les Droits de l'enfance. Il s'agissait à l'évidence d'une
manoeuvre et d'une manipulation. Les experts des comités étant engagés dans le domaine
global des droits humains ont par ailleurs une tendance naturelle à élargir leur champ
d'intérêt. Cette tendance doit cependant être rééquilibrée par une interprétation
correcte des normes juridiques, de manière à ce que le dialogue, pluraliste et pluri-culturel,
reste constructif et favorise le consensus international dans la protection réelle
des valeurs fondamentales de la dignité humaine.
Il faut donc espérer dialoguer
de manière sereine et objective dans les limites des conventions et de leurs buts,
afin que ces dernières ne soient pas dénaturées que que leurs comités ne perdent pas
de leur autorité sous quelque pression idéologique. De fait ils doivent rester instruments
de progrès dans le respect et la promotion des droits de la personne. C'est ce que
le Saint-Siège espère en vue du rendez-vous des 5 et 6 mai, en réaffirmant son ferme
engagement contre toute forme de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants.