C’est un anniversaire qui passerait presque inaperçu, à trois semaines d’élections
européennes qui pourraient voir triompher des partis hostiles à la construction de
l’Union européenne. Mais voici déjà 10 ans que l’Union européenne s’est élargie à
10 nouveaux Etats.
L’Union Européenne accueillait en son sein, le 1er mai
2004, 8 pays d’Europe centrale et Orientale : la Pologne, les Etats baltes, la République
tchèque, la Slovaquie et la Hongrie, auxquels s’ajoutaient un Etat issu de l’ex-Yougoslavie
: la Slovénie. Et deux petits Etats du sud de l’Europe : Malte et Chypre.
A
l’occasion de cet anniversaire, le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et
président de la Comece, la Commission des épiscopats de la communauté européenne,
appelle à la poursuite du chantier de la réunification de l’Europe. « 10 ans après
l’élargissement à l’Est de l’Union européenne, nous devons continuer à travailler
à rapprocher les différentes parties de l’Europe.» La déclaration du cardinal
Marx remet le rêve européen au cœur d’une actualité doublement morose, alors que les
élections européennes qui s’approchent ne passionnent visiblement ni les peuples de
l’Est, ni ceux de l’Ouest, et que la crise en Ukraine ramène l’Europe dans un climat
de guerre froide que tout le monde croyait avoir surmonté depuis 25 ans.
Où
est passé l'enthousiasme d'il y a 10 ans ?
L’élargissement à l’Est de l’Union
européenne avait pourtant suscité confiance et enthousiasme en 2004. En cette année
qui marque aussi le 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin, le cardinal Marx
rappelle que « les bouleversements de 1989 et l’élargissement de l’Union européenne
en 2004 ont parachevé l’histoire du 20e siècle, marqué par les conséquences de la
Première et de la Seconde Guerres mondiales. »
L’Europe devait se reformer
après des décennies de division, cet élargissement n’était donc pas seulement une
mesure technique ou administrative, mais un moment d’espérance pour l’Europe et pour
les pays de l’Est « qui ont dû se battre pour gagner leur liberté de devenir membres
de la communauté politique des peuples européens. »
Pour le cardinal Marx,
« la réconciliation et la réunification sont la raison d’être et le moteur historique
principal de l'intégration européenne.» Il y voit aussi un enjeu œcuménique :
« les Eglises de toutes confessions en Europe se trouvent devant l’obligation particulière
de contribuer à la communauté des peuples.» Et la canonisation récente de Jean-Paul
II, le grand Pape polonais qui avait tant œuvré pour le rapprochement entre le poumon
occidental et le poumon oriental de l’Europe, doit aider les Européens à reprendre
confiance en la construction d’une Europe unie et réconciliée.
Message
du cardinal Marx : L’élargissement de l’UE en 2004 – la véritable réunification
de l’Europe
Lorsque l'élargissement à l'Est de l'Union européenne a eu
lieu 1er mai 2004, on a beaucoup évoqué une «réunification de l'Europe. » En effet,
cet élargissement a constitué un précédent par son ampleur – jamais par le passé autant
de pays n’avaient adhéré d’un seul coup à l’Union – mais aussi par sa dimension historique.
En un sens, cette adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne
aura été la conséquence de la révolution pacifique menée dans les anciens pays communistes
en 1989. Cet évènement n'est pas seulement important pour l'Europe, mais il l’est
pour l'histoire mondiale, car nous allons célébrer cet automne le 25e anniversaire
de cette révolution pacifique de 1989. Les bouleversements de 1989 et l’élargissement
de l’UE en 2004 ont pour ainsi dire parachevé l’histoire du 20e siècle, marqué par
les conséquences de la Première et de la Seconde Guerres mondiales.
Lorsque,
il y a 10 ans, les premiers Etats d’Europe centrale et orientale ont rejoint l'Union
européenne, cela ne relevait pas d’une simple demande d’adhésion formulée par des
peuples libres, comme ce fut le cas dans les élargissements précédents. Bien au contraire,
ces pays ont d’abord dû se battre pour gagner leur liberté de devenir membres de la
communauté politique des peuples européens. Les pays d'Europe occidentale avaient
toujours promis aux peuples derrière le rideau de fer qu'ils les accueilleraient volontiers
dans leur communauté. Après la révolution pacifique de 1989, cette promesse a représenté
un défi très concret, aussi bien pour l’ouest que pour l’est de notre continent. L'Europe
devait se reformer après des décennies de division. Voilà pourquoi l'élargissement
de l'UE en 2004 a représenté une véritable réunification de l'Europe.
Néanmoins,
le défi d'approfondir la communion entre l'Est et l'Ouest dans l'Union européenne
reste d’actualité. Certes, les différences dans notre vécu continuent de façonner
nos modes de pensée et nos opinions. Mais la réconciliation et la réunification sont
la raison d’être et le moteur historique principal de l'intégration européenne. C’est
pourquoi nous avons toujours, dix ans après l'élargissement, le devoir de continuer
à travailler au rapprochement en Europe. En particulier les Eglises de toutes confessions
en Europe se trouvent devant l’obligation particulière de contribuer à la communauté
des peuples.
La canonisation du Pape Jean-Paul II le week-end dernier, nous
invite à tourner notre attention vers la contribution du grand Pape polonais à l'effondrement
du communisme, à la fin de la division de l'Europe et à l'adhésion des pays d'Europe
centrale et orientale à l'Union européenne. Jean-Paul II parlait des deux poumons
de l'Europe, que sont l’Est et l’Ouest. Europe orientale et occidentale sont donc
deux différentes parties, qui ne sont pas identiques et qui ont leurs caractéristiques
propres, mais elles font partie intégrante du même organe vital et dépendent l’une
de l’autre. L'héritage de Saint Jean-Paul II exhorte l'Eglise et le monde politique
à poursuivre, dans l'Est et dans l'Ouest, le chemin nécessaire pour parvenir à une
véritable unité de l’Europe.
Bruxelles, 1er mai 2014 Cardinal Reinhard
Marx Président de la COMECE
Photo : les festivités du 10e anniversaire
de l'élargissement de l'Union européenne, le 1er mai 2014 à La Valette, capitale de
Malte.