C’est LE grand rendez-vous sportif de cette année 2014, et il se rapproche à grands
pas : la coupe du monde de football, qui se tiendra au Brésil, du 12 juin au 13 juillet.
Le pays se prépare donc à accueillir cet évènement planétaire, malgré les retards
pris dans les divers travaux en cours, malgré les polémiques de toutes sortes qui
ont fait surface, malgré la colère populaire contre les dépenses faramineuses du gouvernement
de Dilma Rousseff, désireux de réaliser « la Coupe du monde des Coupes du monde
».
Un état d’esprit que critique sévèrement l’Eglise brésilienne. Dans
un message publié en mars, les évêques exprimaient leur solidarité avec les manifestants,
déplorant qu’aucune mesure de lutte contre la pauvreté n’ait été prise. « Le sport
est nécessaire, il ne devrait jamais être négligé », affirment encore les évêques,
à condition que le désir de succès et d’argent ne prenne pas le dessus.
Rappelons
enfin que ces mêmes évêques ont choisi de consacrer leur campagne de Carême à la traite
des êtres humains et à l’exploitation sexuelle, un fléau très répandu au Brésil, et
qui risque de s’accentuer à l’occasion du Mondial.
Nous avons joint Mgr
Eugène Rixen, évêque de Goias au Brésil, d’origine belge. Il était de passage
en Belgique en mars.
C’est vrai
que les pauvres au Brésil n’auront pas l’occasion d’assister aux jeux dans les stades
mais seulement à la télévision. Les entrées sont extrêmement chères et au dessus des
moyens de la plupart de la population brésilienne. De fait, moi-même, j’ai vu les
stades et le gouvernement a dépensé énormément d’argent. Ce qu’on entend de la part
de la population, c’est que parfois les hôpitaux n’ont pas de médicaments, les gens
sont très mal soignés. Ils doivent parfois attendre des mois et des mois avant d’être
reçu pour une opération. Donc, il y a une certaine révolte de la population sur le
fait qu’on investit tellement d’argent dans la coupe du monde alors que pour la santé
et l’éducation aussi, ils ont investi relativement peu. Un autre problème qui préoccupe
pas seulement l’Église mais aussi le gouvernement, c’est le tourisme sexuel que la
coupe du monde va amener dans les grandes villes touristiques où il y a les stades
de football au Brésil. On est en train de faire des campagnes dans ce sens là aussi.
En quoi consistent ces campagnes ? Alors, il y a la question de
la protection des jeunes contre le tourisme sexuel. Le gouvernement a fait des pamphlets
dans les aéroports, avertit la population et c’est surtout au niveau de la conscientisation.
Donc, l’État agit de son côté. J’imagine que l’Église également essaye
de jouer un grand rôle dans la conscientisation des personnes ? L’Église
a un rôle très grand parce que l’Église catholique est un des organismes qui a le
plus de crédibilité au Brésil. Quand l’Église parle, généralement les gens croient
ce qu’elle dit. L’Église, à travers ses moyens de communication (nous avons plusieurs
télévisions et des radios,) et par les messes on peut bien sur conscientiser les gens
et les aider à prendre conscience de la réalité.
L’Église a donc un rôle
de conscientisation. Elle a aussi un rôle de critique. On l’a bien vu avec cette lettre
que les évêques brésiliens ont adressée aux autorités. Ce que l’Église critique,
c’est le modèle de société que le gouvernement est en train d’implanter au Brésil.
Un gouvernement qui accroit les inégalités. Il fait beaucoup d’œuvres de prestige.
Et là, il n’y a pas que les stades. Il y a aussi les grands barrages qui détruisent
pas mal de terres, qui détruisent des populations entières, principalement les populations
indiennes qui se voient tout d’un coup loin de leurs terres d’origine et on sait que
pour les indiens, la terre où sont enterré les morts a une extrêmement grande valeur.
Paraît-il que le gouvernement ne prend pas fort conscience de cela.
L’Église
catholique au Brésil s’est dite solidaire des manifestants. Doit-elle également agir
de concert avec eux dans la rue ? Je pense que oui. Je rappelle toujours la
phrase de Jésus « il ne sert à rien de dire Seigneur, Seigneur si on ne s’engage pas
non plus à faire sa volonté. Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui
entreront dans le règne de Dieu mais ceux qui font la volonté de mon père. Et la volonté
de mon père, c’est justement construire le règne de Dieu ». Et le règne de Dieu consiste
en quoi ? C’est que tous puissent avoir une vie la plus digne possible et une vie
en abondance comme le demande Jésus. Donc, cet engagement vis-à-vis des pauvres, cet
engagement pour conscientiser les gens, pour qu’il n’y ait plus d’inégalités entre
les gens. Je pense que c’est extrêmement important.
Dans la perspective
de ce mondial, l’Église catholique brésilienne a voulu centrer sa campagne de Carême
sur la traite des êtres humains. Alors, il y a le trafic humain. On critique
très fort le travail esclave qui continue d’exister, surtout dans les grandes fermes
où les gens sont réellement exploités. Mais aussi, le vol d’organes humains. Par exemple,
on connait des cas de gens qui ont été tués pour pouvoir leur enlever un rein ou un
foie qui après, sont vendus pour faire des opérations pour des gens qui ont les moyens
financiers. C’est assez cruel mais malheureusement, ça existe. Je n’ai pas connu de
cas concrets mais il semble aussi qu’il y ait des gens qui adoptent des enfants, ici
en Europe, afin d’en profiter pour faire le trafic d’organes humains. Je voudrais
que les gens prennent conscience du problème de trafic de personnes et que personne
ne puisse être utilisé comme un objet mais que la personne doive être respectée dans
sa dignité et que chaque être humain ait ses droits. Nous avons tous le souffle divin
en nous et l’être humain ne peut jamais être utilisé comme un objet à son profit
mais être respecté profondément dans sa dignité comme nous le rappelle les droits
humains et toutes les pages de la Bible, principalement l’Évangile.