La ville de Bossangoa, en Centrafrique, désertée par les musulmans
(RV) Dans le nord de la Centrafrique, la ville Bossangoa a été deserté par les musulmans
qui y étaient encore, retranchés notamment à l’école coranique Liberté. Pour échapper
aux violences des milices antibalaka, ils ont fui la ville lundi. Direction la ville
de Gorée au Tchad.
L’Abbé Aurélien Arthur Ngaya est le chancelier du diocèse
de Bossangoa. Il se confie à Marie Duhamel
Dernièrement,
j’ai travaillé avec une équipe de la Caritas qui s’occupe de la distribution de vivres.
Donc, on a eu l’occasion de croiser certains musulmans. Beaucoup regrettent le fait
qu’il y ait cette situation parce que beaucoup sont nés ici, précisément au sud de
Bossangoa. Il y en a qui sont nés à Bossangoa. Pratiquement, ils ne connaissent pas
le Tchad. Alors, ils ne savent pas dans quelle situation ils vont se retrouver là-bas.
Beaucoup regrettent de partir au Tchad.
Est-ce qu’ils comprennent ce qui
leur arrive ? Est-ce qu’ils comprennent que d’autres centrafricains s’en prennent
à eux ? Oui mais c’est une situation très étalée sur le temps. Au départ,
ils n’avaient pratiquement pas de problèmes lorsque la rébellion Séléka s’était emparée
du pays. Seulement quelques musulmans peut-être plus véreux que les autres se sont
joints au groupe Séléka et ce sont ceux-là qui ont rendu la vie difficile aux autochtones.
Après, les milices (habituellement je n’aime pas dire les milices chrétiennes parce
que tous ne sont pas chrétiens) de non-musulmans se sont mélangés aux musulmans.
De
votre coté, en tant qu’Église catholique mais aussi protestante, vous regrettez cette
situation ? Oui car jusqu’au dernier moment, il y avait une cohabitation,
une certaine entente entre les musulmans et les autochtones. Ils sont cantonnés au
niveau d’une école mais ils se ravitaillent grâce aux produits livrés que leur vendent
les autochtones. Et puis, certains musulmans qui ont encore quelques articles le vendent
assez facilement aux autochtones. Donc, il y avait encore une certaine entente qui
était quand même une lueur d’espoir. Comme la décision est arrivée, on ne peut pas
faire autrement mais je crois qu’essentiellement, on le regrette.
Maintenant
qu’il n’y a plus la Séléka et qu’il n’y a plus les musulmans, il n’y a plus tellement
de raisons d’agir pour les milices anti-Balaka. Est-ce que ça veut dire que la sécurité
est revenue à Bossangoa ? Oui, maintenant que les tchadiens de la MISCA sont
partis avec le reste de la population musulmane, il y a effectivement des militaires
de l’opération Sangaris qui sont arrivés hier à Bossangoa. Il faut dire que dans la
ville même de Bossangoa, on peut parler de sécurité mais dans les périphéries, il
y a encore des inquiétudes parce qu’il y a certain éléments de la Séléka qui sont
évanouis dans la nature. Ils se sont alliés aux Peuls. Ils continuent à brûler des
villages et à tuer des gens. Cela s’est passé à 80km de Bossangoa. Ils se sont rendus
dans ce village, ils l’ont brûlé et ils s’en sont pris à la population. Dernièrement,
ils ont tué sept personnes.
Ce genre de situation est très récurrente. C’est ce que nous craignons pour l’instant.
Les tchadiens s’en vont, les soldats tchadiens s’en vont, avec eux, les musulmans.
Est-ce que vous avez l’impression que les milices anti-Balaka continuent de grandir
?
Pour l’instant, on ne peut pas dire qu’ils continuent de grandir parce que
la situation commence maintenant à se stabiliser. Dès lors qu’il n’y a plus de Séléka,
il n’y a plus de raison pour que ces milices sévissent encore dans les villes comme
bien avant. Donc, ils attendent peut-être d’être désarmés, cantonnés. Il revient maintenant
au gouvernement de faire le reste, peut-être avec l’appui de la Communauté Internationale.
Peut-être l’appel qu’il faut lancer est celui à la Communauté Internationale pour
qu’elle puisse apporter une aide consistante pour que la situation puisse se stabiliser
le plus rapidement possible.