Le Saint-Siège, médiateur dans la crise vénézuélienne
(RV) Entretien - Le Pape a écrit vendredi aux deux parties en présence : le
gouvernement du président Nicolas Maduro et l’opposition, dirigée par Enrique Capriles.
L’opposition a fini par accepter la proposition du pouvoir de s’asseoir autour
d’une table pour tenter de mettre fin à la crise politique née depuis plus d’un mois.
Le Souverain pontife, dans sa lettre, exhorte les acteurs à dialoguer afin de redécouvrir
une base commune qui permette de dépasser le conflit actuel et la polarisation qui
blessent profondément le Venezuela. François invite pouvoir et opposition à l’héroïsme
du pardon et de la miséricorde qui libère du ressentiment et de la haine, une voie
longue et difficile qui demande de la patience et du courage.
Représentant
du Pape en tant que médiateur, le nonce apostolique au Venezuela, Mgr Aldo Giordano
considère que ces négociations devenaient urgentes, comme il l’a expliqué à Antonino
Galofaro
Comment
s’est déroulée cette première réunion ? Il faut tout essayer pour éviter que
ne coule plus de sang, éviter plus de violence. Il est clair que ce n’était qu’une
première rencontre, mais j’espère qu’elle a ouvert un chemin, et que ce chemin se
poursuive. Cela a été avant tout une occasion de se parler, de se parler avec beaucoup
de sincérité, mais avec des moments aussi très critiques et difficiles. Je crois qu’il
est important de se parler, de s’asseoir à la même table.
Nous avons fait
une analyse de la situation et nous avons mis sur le tapis des réflexions que je pense
utiles : sur la crise économique, sur l’utilisation de la violence, sur la criminalité,
très diffuse, et aussi sur le thème de la liberté. Naturellement, la rencontre a laissé
en suspens encore quelques interrogations, sur la situation problématique du pays,
et aussi sur les rapports entre le gouvernement et l’opposition. Il est clair que
le pays est polarisé : entre ceux qui ont espoir en la proposition chaviste et ceux
qui voient en elle l’origine des problèmes.
Nous voyons selon les analyses
qu’il ne faut exclure un retour à plus de violence, à une situation avec plus de sang.
Reste la question de la présence des étudiants : les étudiants, les jeunes, au fond
sont les vrais protagonistes des manifestations dans la rue. Ils n’étaient pas présents
: nous nous interrogeons sur la façon dont ils pourront entrer dans un processus de
dialogue.
Comment la lettre du Pape a-t-elle été accueillie ? Elle
a été accueillie comme quelque chose de très précieux par toutes les parties. Elle
a été citée de nombreuses fois et elle a suscité de l’espoir, car elle indiquait que
la voie de la violence n’a pas de futur et elle demandait le courage et la force,
la patience de dialoguer, rappelant également quelques éléments du dialogue : le respect
et la reconnaissance de l’autre.
Le Pape a ensuite parlé de la nouveauté du
pardon comme capable d’ouvrir des voies vraiment nouvelles. Il a donc indiqué une
perspective qui se trouve un peu au-delà de la polarisation et des problématiques,
indiquant la lumière.
Et les salutations envoyées par le Secrétaire d’Etat,
le cardinal Pietro Parolin ont également été accueillies avec grande joie et tendresse.
Il est clair qu’ici, au Venezuela, le secrétaire d’État est considéré comme un ami
cher et nous espérons qu’il soit présent à Caracas dans ce moment du chemin de la
réconciliation. En réalité, ici au Venezuela, l’Église est très considérée et tout
le monde reconnait qu’elle joue un rôle fondamental, même dans le processus de paix
Que peut apporter le Saint-Siège dans ces négociations ? Quel est son rôle
? Je crois que ce que le Pape a indiqué dans son message constitue un peu
le cœur de la présence et de la contribution du Saint-Siège. C’est-à-dire indiquer
que la voie de la violence est une voie sans issue, indiquer qu’un dialogue est toujours
possible, nonobstant toutes les difficultés réelles et indiquer qu’il y a aussi une
autre dimension ; celle de l’intervention de Dieu, de l’appel au cœur du message évangélique.
Et comme nous sommes au Venezuela et qu’ici, il y a une religiosité, une foi commune
en Dieu, aussi bien les membres du gouvernement que les membres de l’opposition déclarent
dans leur majorité leur foi en Dieu et leur référence à l’Évangile.
Le Saint-Siège
veut donc rappeler cette base commune pour pouvoir dépasser les graves tensions qui
existent en ce moment. Le Saint-Siège rappelle qu’au fond, il y a une bonne volonté
commune, il y a un amour de base pour le peuple, il y a une volonté de sauver la richesse
et la beauté de ce pays. Et sur cette base commune, le Saint-Siège peut diriger le
Venezuela vers des sentiers de réconciliation.
Photo : le nonce apostolique
au Venezuela, Mgr Aldo Giordano, lors de la rencontre avec le gouvernement vénézuélien
et l'opposition, le 10 avril