2014-04-09 19:36:05

Elections législatives en Indonésie : vers un renouvellement des élites ?


(RV) Entretien- De Papouasie à Java, soit sur un territoire de plus d’1 900 000 km2, couvrant 3 fuseaux horaires, quelque 186 millions d’Indonésiens étaient appelés aux urnes ce mercredi pour choisir parmi 230 000 candidats à des mandats parlementaires, provinciaux et locaux.

Ces élections sont capitales : seuls les partis qui remporteront plus de 20 % des sièges ou 25 % des voix pourront présenter un candidat à la présidentielle, prévue dans trois mois, le 9 juillet.
Selon un premier décompte, le principal parti d’opposition, le PDI-P (parti démocratique indonésien de la lutte) serait en tête, tandis que le parti démocratique du Président Yudhoyono serait promis à une déroute historique.

Coup de projecteur sur ce scrutin, ses enjeux et ses acteurs avec Eric Frécon, coordinateur de l’observatoire sur l’Asie du Sud-Est à l’Asia Centre : RealAudioMP3

« La spécificité du parti démocratique indonésien de la lutte, le PDI-P, c’est qu’il est le parti qui avait justement mené la chute de l’autocrate sortant en 1998. Et aujourd’hui, c’est un parti qui a plutôt la fibre nationaliste et laïque, c’est-à-dire qui aurait moins tendance à se compromettre avec des partis religieux.

Une autre caractéristique qu’ils essayent de mettre en avant – mais est-ce avéré, on ne sait pas –c’est aussi tout ce qui tourne autour de la corruption. Le parti au pouvoir, le parti démocrate, tournait essentiellement autour de son fondateur, le président Yudhoyono. Le parti démocrate est en train de s’embourber dans des affaires de corruption. Et donc, le PDI-P joue là-dessus et surtout, il a un joker qu’il a réussi à trouver suite aux dernières élections municipales à Djakarta : Jokowi, sur lequel le parti porte tous ses espoirs.

Jokowi, une figure intéressante. C’est un ancien vendeur de meubles, c’est le jeune gouverneur de Djakarta. Et il fait un peu figure de défenseur des déshérités et des laisser pour compte ?
Oui, beaucoup de choses ont été écrites parce qu’on ne savait pas comment le considérer. Certains émettaient quelques doutes. Alors, certes, notre Jokowi est sympathique. Il a fait beaucoup de choses. Avant, il était en poste à Surabaya. Mais le problème est double. Déjà, il n’a pas de soutien au niveau des grands conglomérats d’affaires, des grands hommes d’affaire, de ceux qui tirent un peu les ficelles de l’économie indonésienne parce que tout tourne quand même autour de certains réseaux d’affaire. Jokowi est un peu novice, il est un peu frais, pas très mur en termes d’expérience politique politicienne, même dans les réseaux de Djakarta.

Et puis le second point, c’est qu’il est très centré sur Djakarta. Certes, l’île de Java sur laquelle est située Djakarta, c’est 60% à la louche de la population indonésienne. C’est là que se concentre l’essentiel de l’économie. Mais quand même, l’Indonésie, c’est 13’000 îles. D’Est en Ouest, l’Indonésie, c’est l’équivalent de Dublin à Téhéran, ce qui n’est quand même pas négligeable. Et la question est de savoir si Jokowi va pouvoir se montrer aussi convaincant auprès des populations reculées du fin fond de Sumatra ou de la Papouasie occidentale. C’est une vraie question.

Jokowi manquerait donc d’envergure nationale et internationale, c’est ce que vous êtes en train de nous dire. N’est-ce pas un problème au vu des immenses chantiers qui attendent le futur président de l’Indonésie ?
Si et c’est très intéressant. Pour avoir été là-bas et en France, le discours est très différent. En France, on voit l’Indonésie comme le futur Bric (donc Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ces pays émergeants. Et quand vous êtes là-bas, le discours est radicalement différent. Certes, il y a une croissance assez constante et assez solide, autour de 6%. Mais en ce qui concerne l’économie réelle et non plus les indicateurs macro-économiques mais micro-économiques, il en va tout autrement. Et donc, la population demande justement à bénéficier de ces fruits de la croissance. Donc, il y a des chantiers au niveau de l’inflation, de la valeur de la roupie, de la gestion d’une mine qui pose problème, de la gestion des ressources naturelles et évidemment, de la corruption.

La question est de savoir si toute cette population disséminée sur l’archipel aura confiance en Jokowi. Ce n’est pas impossible parce que d’un autre coté, ce qui est sa faiblesse, à savoir sa nouveauté, peut être un atout. Il n’est pas compromis avec le système. On aura cherché un qui sorte de nulle part, c’est peut-être lui et peut-être est-il différent des autres. »


Photo : Quelque 186 millions d'Indonésiens appelés aux urnes ce mercredi 9 avril.







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