2014-04-01 18:57:12

John Kerry en Terre Sainte : le père Khader ne croit pas aux négociations


(RV) Entretien - Visite éclair au Proche-Orient pour John Kerry. Le secrétaire d’État américain a rencontré mardi, pour la deuxième fois en 24 heures, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Il sera mercredi à Ramallah, la capitale de l'Autorité palestinienne. John Kerry tente de sauver les négociations de paix israélo-palestiniennes. Elles ont été mises à mal après le refus d’Israël de libérer, comme c'était prévu, un quatrième contingent de prisonniers palestiniens.
La direction palestinienne quant à elle réclame toujours « un arrêt complet de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ». Et si elle ne l’obtient pas, elle ne prolongera pas les pourparlers au-delà du 29 avril, date de l’échéance.

Sur le terrain, les populations assistent impuissantes à ces aller-retours diplomatiques. Et comme l’explique le père Jamel Khader, le recteur du séminaire du Patriarcat latin de Jérusalem, ils ne comprennent pas l’utilité de cette énième visite du secrétaire d’État américain. Il répond aux questions d'Audrey Radondy : RealAudioMP3

Que pensez-vous de cette nouvelle visite de John Kerry?
John Kerry est déjà venu plusieurs fois. Depuis huit ou neuf mois, il est en train de guider les négociations entre Palestiniens et Israéliens mais nous ne voyons pas de résultats. Ce que John Kerry voudrait maintenant, c’est de poursuivre les négociations pour une autre période. Ce que nous voyons, c’est que cela revient à faire des négociations pour faire des négociations sans but. Nous ne voyons pas de changements, nous ne voyons pas de perspectives pour la paix. Et nous ne voyons pas pourquoi John Kerry continue sur cette voie où l’on ne voit pas le but de ces négociations. C'est-à-dire une seule solution juste et pacifique entre Palestiniens et Israéliens.

Pourquoi s’obstine t-il à vouloir sauver ces négociations ?
J’ai peur qu’il s’obstine pour sauver sa réputation, mais le vrai problème ce n’est pas la personne de John Kerry, ce n’est pas la volonté américaine d’arriver à une solution, c’est le manque de volonté politique de la part d’Israël de reconnaitre un État palestinien, de reconnaître les Palestiniens comme un peuple avec des droits nationaux. Ce que nous voyons sur le terrain, c’est la colonisation des territoires palestiniens, c'est l’occupation militaire et la volonté de continuer l’occupation. Alors le plan que John Kerry a apporté il y a quelques semaines, c’est de reformuler l’occupation et non pas de mettre fin à l’occupation. L’administration américaine a voulu continuer les négociations mais nous les Palestiniens, nous avons négocié pendant plus de 17 ans sans résultats. L’unique résultat est un résultat négatif : c’est la colonisation des territoires palestiniens.

Et donc, on voit bien qu’il y a un fossé qui se creuse entre ce qui se passe d’un côté entre les politiciens et sur ce que vous vivez sur le terrain ?
Pour Israël faire des négociations, c’est donner l’impression de parler avec les Palestiniens mais en fait, c’est l’occupation qui continue avec force, surtout avec la démolition des maisons des Palestiniens. C’est une affaire de tous les jours avec la colonisation, avec le mur qui continue et avec des mesures de restriction pour le peuple palestinien. Et voilà pourquoi les Palestiniens ne croient pas à la paix quand ils voient sur le terrain des faits tout à fait opposés à une volonté de paix.

Et justement, vous sur le terrain, comment vivez-vous cette situation ?
Sur le terrain, nous voyons que le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu n’a pas une volonté politique. Alors, nous n’attendons pas une solution prochaine du conflit et nous ne voyons pas que les négociations vont permettre une solution juste. C’est pourquoi les Palestiniens ont commencé à perdre l’espoir dans les négociations et en même temps, ils cherchent une autre voie pour faire pression économiquement sur Israël par le boycottage, par exemple, des produits des colonies, en allant vers les organisations des Nations Unies pour être reconnus par le monde entier comme un État. C’est la voie de la pression diplomatique, c’est la voie de la résistance non-violente. Il y a de plus en plus de Palestiniens qui croient en cette voie. Ce n’est plus la violence, ce ne sont plus les négociations mais il faut trouver un autre moyen pour mettre fin à l’occupation. Mais les négociations tenues en ce moment avec l’administration américaine n'ont pas de but, elles mènent nulle part.

Quel futur envisagez-vous réellement ?
Ou bien on arrive à une solution où les Palestiniens auront un État viable et indépendant ou prochainement, les Palestiniens verront que ce n’est plus possible, alors, ils choisiront la solution d’un seul État, mêmê si je sais que plusieurs ne sont pas d’accord avec cette solution. Mais même si nous voulons un État palestinien, ce n’est plus possible d’avoir un État viable et indépendant avec la présence de plus de 600 000 colons palestiniens avec le mur. Peut-être que prochainement, les Palestiniens vont demander non pas un État indépendant mais leurs droits civils. Dans ce cas, cela ne sera plus un problème d’occupation mais un problème de droits civils et peut-être une situation d’apartheid entre Palestiniens et Israéliens.

Et pour terminer, voulez-vous ajouter quelque chose ou avez-vous un appel à lancer ?
Ce n’est pas un appel, c’est plutôt l’espoir que nous portons, nous les Palestiniens et surtout nous les chrétiens. Nous avons cette mission de raviver un peu l’espoir, surtout chez les jeunes, parce que sans espoir, nous ne pouvons pas continuer. C’est pourquoi nous continuons toujours à travailler pour une paix juste pour tous. Nous continuerons à travailler pour mettre fin à l’occupation et ainsi, tous les Israéliens et les Palestiniens vont vivre en paix. Nous continuerons dans cette voie non-violente pour une solution juste. C’est notre vocation en tant que chrétiens ici en Terre Sainte. C’est pourquoi l’appui de la communauté internationale, des Églises, de tous pour une solution juste afin que la Terre Sainte vive en paix et que cela soit une paix juste pour tous les habitants de la Terre Sainte, chrétiens, musulmans et juifs.


Photo : le secrétaire d'État américain John Kerry et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou








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