2014-03-28 17:42:56

Arabie Saoudite : réorganisation du pouvoir à la veille de la visite de Barack Obama


(RV) Entretien- Réorganisation au sein de la monarchie saoudienne : le Roi Abdallah, 90 ans, a désigné son demi-frère, Moqren, 69 ans, comme prochain prince héritier, ouvrant ainsi la voie à son accession au trône. Par cette décision inédite, Abdallah voudrait assurer une succession sans encombre au sein de la famille, dans un contexte régional très instable.

Cette annonce est survenue la veille de la visite de Barack Obama ce 28 mars à Ryad. Cette seconde visite du dirigeant américain, -la première avait eu lieu en 2009-, intervient sur fond de divergences entre les deux pays. L’alliance historique entre Washington et Ryad est en effet mise à mal depuis 2011, les autorités saoudiennes reprochant à Obama son non-interventionnisme en Syrie, et son ouverture vers l’Iran.

Certains spécialistes estiment que cette visite devrait donc contribuer à assainir le climat, même si aucune risque de rupture n’est à envisager.

Analyse de la réorganisation interne du pouvoir saoudien et enjeux de la visite de Barack Obama avec Olivier Dalage, journaliste, et auteur de la Géopolitique de l’Arabie saoudite, aux Editions Complexes : RealAudioMP3

Il l’a prise pour assurer la position de Mouqrin puisque normalement, c’est le roi qui désigne son prince héritier. Là, on est dans un phénomène tout à fait inédit. En effet, le roi désigne non seulement son prince héritier mais aussi le prince héritier du prince héritier, tout simplement parce que le numéro 2 dans l’ordre de succession qui est le prince Salman, pourrait choisir quelqu’un d’autre. Visiblement, Abdallah souhaite garantir l’accession au pouvoir de Mouqrin. Ça tient plutôt aux équilibres internes à la famille régnante et aussi pour priver le prince Salman, l’actuel prince héritier, d’une marge de manœuvre pour désigner celui qui pourrait lui succéder. On dit beaucoup également que Salman pourrait ne jamais régner. Après tout, l’actuel roi qui a plus de 90 ans, a déjà enterré deux de ses princes héritiers.

Le prince Moqren est le plus jeune des 35 fils d’Abdelaziz, le fondateur du royaume. Que sait-on de lui exactement ?
Il est le plus jeune et il est plus jeune que certains de ses neveux parce que les fils les plus âgés des frères encore en vie du roi, donc les oncles et les neveux de Moqren sont plus vieux que lui. Moqren est le fils d’une concubine ou d’une esclave yéménite, ce qui fait que certains de ses demi-frères ne le considèrent pas avec beaucoup d’estime. Cependant, c’est quelqu’un qui a exercé de très importantes responsabilités : il a été pilote de F15 et il a été directeur des services de renseignement du royaume. C’est donc quelqu’un qui a été associé de très près à l’exercice du pouvoir.

Est-ce que par cette décision inédite, le roi ne cherche pas également à adresser un message aux États-Unis puisque Washington avait notamment émis le souhait que l’Arabie Saoudite face un peu rajeunir sa classe dirigeante vieillissante ?
Franchement, je ne crois pas parce que les questions de succession du royaume sont des décisions purement internes et aucun étranger ne peut s’immiscer dans ce processus et les préoccupations sont vraiment internes. En revanche, on traite au roi actuel l’intention de faire déclarer le prince Salman qui est l’actuel prince héritier qui a 77 ou 78 ans mais qui a de sérieux problèmes de santé comme inapte à régner par une commission médicale prévue par les statuts. Et donc, Mouqrin deviendrait ipso facto le prochain prince héritier. Et on peut toujours imaginer (il y a beaucoup de rumeurs) que le roi actuel pourrait abdiquer en sa faveur ou pas. En tout cas, il serait assuré d’être le prochain roi.

Alors, cette décision intervient la veille de la visite de Barack Obama à Riyad. Aujourd’hui, quel est l’enjeu de cette visite, sachant que la relation, l’alliance historique entre Ryiad et Washington n’est pas au beau fixe ?
Précisément, l’enjeu est de se réconcilier autant qu’il est possible compte tenu des très nombreux malentendus et des accords qui ont opposé les deux pays. Cela dit, qu’il y ait des accords entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis, ce n’est pas une nouveauté. Depuis que les deux pays ont noué un partenariat stratégique en 1945, il y a eu de très nombreuses crises. C’est vrai que celle que l’on connait depuis 2011 est profonde mais il ne faut pas oublier que dans la foulée des attentats du 11 septembre, il y avait également eu une crise très grave entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis. Donc, ils vont essayer de renouer le dialogue, de limiter l’ampleur de leur désaccord et de gérer ce partenariat difficile, sachant que ni l’un ni l’autre n’a véritablement le choix de son partenaire et qu’il est hors de question qu’ils rompent cette relation.

Le risque d’une rupture est donc à exclure pour le moment ?

Il ne peut pas y avoir de rupture. Ce n’est pas que les États-Unis adorent l’Arabie Saoudite ou que les saoudiens adorent les États-Unis mais il n’y a pas d’alternatives. Les saoudiens ont besoin des États-Unis pour leur sécurité et les États-Unis ne peuvent pas imaginer de laisser la place à d’autres et d’abandonner par exemple la fourniture des hydrocarbures de la péninsule arabique dont dépendent non pas les États-Unis qui n’en n’ont plus besoin mais leurs alliés européens, des acteurs qui seraient éventuellement malveillants.
Donc, de toute façon, les États-Unis resteront les garants de la sécurité des régimes du golfe, même si ceux-ci ont pu en douter. Donc, il s’agit de les rassurer. Inversement, l’Arabie Saoudite ne va pas changer d’alliance. De toute façon, il n’y a pas de solution de remplacement. Ce ne serait évidemment pas les russes, ni davantage les chinois.



Photo : Barack Obama accueilli ce matin à Ryad par l'actuel Prince héritier Salman.







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