2014-03-27 17:28:47

L'unité libanaise menacée par la crise syrienne


(RV) Entretien - A l’occasion de la 6ème édition de la « Nuit des témoins », organisée par l’Aide à l’Eglise en détresse pour rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie par fidélité au Christ, de grands témoins de Syrie, d’Irak ou encore de la Centrafrique, rencontrent les fidèles de quatre grandes villes de France pour partager avec eux la situation des chrétiens dans leur pays.

Parmi eux, il y a le père Samer Nassif, originaire du Liban, prêtre catholique de rite maronite. Le Liban, où se sont réfugiés plus d’un million de syriens depuis le début de la guerre civile dans leur pays il y a trois ans. Début mars, le président libanais Michel Sleimane, chrétien maronite, a averti : l'afflux de réfugiés syriens dans son pays constitue un « danger existentiel qui menace l'unité libanaise ». Un avis partagé par le père Samer Nassif. Il souligne notamment le rôle indispensable des chrétiens pour garantir cette unité. Il répond à Audrey Radondy : RealAudioMP3

Il y a plus de non-libanais au Liban que de libanais. Et ces non-libanais sont syriens, palestiniens, irakiens et on a aussi 60.000 égyptiens. Dans nos villages chrétiens, il y a plus de musulmans sunnites de Syrie que de chrétiens libanais. C’est grave pour la stabilité du Liban qui est un pays de 19 communautés religieuses. Il y a une harmonie et une stabilité entre communautés religieuses que peut perturber ces réfugiés qui viennent chez nous. Ça fait trois ans. Est-ce que ca va encore durer deux ou trois ans ? On ne sait pas et c’est très lourd pour le Liban. On craint beaucoup que le Liban soit déstabilisé.

Quelles sont donc les tensions entre les différentes communautés ?

Les grandes tensions au Liban sont surtout entre sunnites et chiites. Et les chrétiens jouent un rôle politique primordial à tel point que c’est le seul pays en Orient où les chrétiens sont vraiment libres, où le président est chrétien, catholique dans un pays arabe. Ça calme un peu le jeu. Ça veut dire que les chrétiens jouent un rôle modérateur entre chiites et sunnites. Ce qui fait dire que les chrétiens sont là pour apaiser, pour essayer que ces communautés religieuses différentes puissent vivre ensemble en paix. Chaque fois, il faut des chrétiens. Les druzes vivent uniquement avec les chrétiens. Pour les sunnites et les chiites, c’est la même chose. C’est ça la beauté du Liban et la beauté de l’Orient, cette mosaïque de confessions religieuses différentes. Frapper les chrétiens au Liban, en Syrie et en Irak, c’est créer des minis-États confessionnels. Sans les chrétiens, il est impossible de vivre. Au Liban, on a une tension énorme et la guerre peut éclater.

Face à cette situation et à ces tensions, quelles sont pour vous les raisons d’espérer ?

La première chose, c’est qu’on a fêté il n’y a pas longtemps, le 25 mars, l’Annonciation. Depuis six ans, cette fête est célébrée au Liban par des musulmans et des druzes comme fête nationale et fériée. C’est un miracle pour moi. Les musulmans, les imams, même les femmes voilées sont ensemble autour de Marie. C’est elle qui nous unit, qui fond notre amitié autour d’elle. C’est important pour moi, c’est une grande espérance.

La seconde chose, c’est qu’on ne peut jamais tuer la volonté des chrétiens de ne pas vivre avec des communautés non-chrétiennes. On vit ensemble depuis 1400 ans. La preuve est qu’au Liban, cette convivialité entre les confessions religieuses n’est pas une chose obligée pour nous, les libanais mais c’est une chose qu’on veut vivre ensemble. Et malgré la guerre, on a prouvé que cette vie ensemble est possible et on veut en tout point la faire vivre pour donner un exemple. Comme a dit le Pape Jean-Paul II « un message de liberté, de convivialité entre différentes communautés religieuses : c’est le Liban. C’est plus qu’un pays, c’est un message ».

Avec votre témoignage pendant cette sixième édition de la nuit des témoins, qu’attendez-vous des chrétiens français ?

Vous savez, en Orient, on compte beaucoup sur l’aide des français et de la France car il y a une histoire très ancienne entre le Liban et la France et entre la Syrie et la France. Comme on me l’a toujours dit pendant mon enfance, le salut du Liban, de la Syrie et de l’Orient vient quand la France est sauvée d’abord. Ma grand-mère priait chaque jour pour la France. Mes parents m’ont appris à prier pour la France. On sait bien que cette chère France qui souffre aujourd’hui énormément a besoin du salut et que le salut de la France dépend aussi du salut des chrétiens d’Orient. Mais ce que j’aimerais demander aux français, c’est qu’il ne suffit pas d’écrire en un français impeccable en pleurant ses martyrs et ses chrétiens d’Orient. Mais qu’est-ce que fait vraiment l’Église en France ? Depuis un an, je n’ai pas entendu une voix s’élever en France pour défendre les chrétiens persécutés en Syrie au Liban et en Irak. Bientôt les évêques vont se réunir ensemble dans un colloque.

Espérons qu’ils vont lancer une voix forte pour les communautés chrétiennes, pour prier sans cesse pour nous, pour nous fournir une grande aide et pour qu’ils disent aux autorités européennes qu’il ne faut pas laisser ces chrétiens à leur sort. Il faut travailler pour la paix. Ça nous énerve qu’on a vu ce qu’il s’est passé avec les chrétiens en Irak et qu’on n’ait pas bougé. On vide la Syrie des chrétiens, on ne bouge pas. Il faut aussi éveiller les consciences et pas seulement les chrétiens de France mais tous les français doivent s’intéresser du sort de ces chrétiens orientaux.









All the contents on this site are copyrighted ©.