2014-03-24 19:23:41

Que retenir du premier tour des municipales en France ?


(RV) Entretien - Nouvelle poussée du Front national et le plus fort taux d’abstention pour une élection de ce type (38,72 %) : ce sont les deux principaux enseignements du premier tour des élections municipales en France dimanche. Le parti d’extrême-droite a même déjà remporté la ville d’Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, et est qualifié pour le second tour dans 229 villes de plus de 10 000 habitants, parmi lesquelles Perpignan ou Avignon, où il est arrivé en tête.

Une nouvelle percée du parti de Marine Le Pen, mais qui n’est pas une première pour une élection municipale, comme nous l’explique Pierre Mathiot, le directeur de Sciences Po Lille, interrogé par Antonino Galofaro. RealAudioMP3


Une percée du Front National est-elle quelque chose de nouveau ?
En 1995, le Front National avait remporté trois villes. Il avait été présent dans plus d’une centaine de triangulaires au deuxième tour. Il y avait donc déjà eu un premier surgissement du Front National dans le paysage des élections municipales en 1995. C’est un ressurgissement qui prend une ampleur plus importante puisqu’il y aura encore plus de villes dans lesquelles le FN pourra être présent : il sera au deuxième tour dans plus de 220 villes. Il est en tête dans 17 villes de plus de 10.000 habitants. La donne a changé, c’est-à-dire que c’est un retour, mais dans une position encore plus forte qu’en 1995. Cela s’apparente de plus en plus à un vote d’adhésion avec cette idée qu’après tout, on a essayé la gauche, on a essayé la droite traditionnelle, pourquoi ne pas essayer le Front National ?

Le Front National se positionne déjà bien en vue des élections européennes du mois de mai ?
C’est clair. Si l’un des angles d’analyse est de savoir si ces élections municipales préfigurent d’un score important du Front National aux élections européennes, il va de soi que dans la dynamique qui est en train de s’enclencher pour le FN aux municipales, on peut faire l’hypothèse qu’aux élections européennes, le Front National réalisera un score élevé. On peut même considérer que beaucoup de conditions sont réunies pour que le Front National arrive en tête lors des élections européennes en France.

La gauche, elle, s’en sort beaucoup moins bien. C’était attendu vu la basse popularité de François Hollande et de son Premier ministre. Le parti au pouvoir est toujours sanctionné lors d’élections intermédiaires et notamment d’élections locales. En 2008, l’UMP avait été très fortement sanctionné lors des élections municipales, le plus souvent en faveur du Parti Socialiste. Donc, ce n’est pas complètement inexplicable, ce qu’il se passe pour le PS.

Mais a contrario, on peut penser aussi, comme beaucoup d’enquêtes d’opinion le montraient, que les électeurs n'allaient pas faire de leur vote un vote national. Et cela avait fait percer une zone d’espérance chez les socialistes qui avaient évoqué la possibilité de gagner Marseille, etc. sur des enjeux très locaux. On constate finalement que ce vote de premier tour est aussi un vote sanction de ce qui se passe au niveau national, ce qui explique que le PS se retrouve dans une situation avant le deuxième tourplus dégradée que ce qu’ils pensaient.

Est-ce que cela explique aussi le fort taux d’abstention ?
On a encore une augmentation de 4.5 points d’absention par rapport aux dernières élections municipales. Depuis le début des années 80, l’abstention aux municipales ne cesse d’augmenter en France. D’ailleurs, c'est une tendance pour toutes les élections sauf aux élections présidentielles. L’abstention était un outil de mesure d’un désintérêt pour la politique, d’un dégoût pour la politique, du sentiment pour les électeurs que la « politique ne change plus la vie » pour reprendre une expression de François Mitterrand. Selon moi, l’abstention croissante montre qu’un écart de plus en plus important existe entre une partie des citoyens et l’offre politique, quel qu’elle soit d’ailleurs, puisque dans ce cas-là, le Front National est également concerné.



Photo : Marine Le Pen, présidente du Front National, le 17 mars 2014







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