2014-03-20 16:53:20

Les débats de société pèsent-ils dans les municipales ?


(RV) Entretien - Les Français se rendent aux urnes dimanche, pour le premier tour des élections municipales. Dans une déclaration publiée il y a quelques mois, le Conseil permanent de la conférence des évêques, souligne l’importance d’une vie locale harmonieuse surtout dans les périodes marquées par le chômage et la précarité. La commune est souvent le premier garant du lien social, avec les services aux personnes âgées, aux personnes fragiles ou en situation de handicap.

Les évêques condamnent les discours populistes répandant la suspicion contre toute représentation politique et exhortent les élus à mettre en œuvre, au niveau local, une vive attention à toutes formes de pauvretés. Ces municipales interviennent dans un climat politique alourdi par différentes affaires. Dans le cas de l’électorat catholique, on peut se demander si les débats de société comme le mariage pour tous, s’inviteront dans le bulletin de vote ?

Nous avons posé la question à Gilles Rebêche, délégué épiscopal à la solidarité du diocèse de Toulon. RealAudioMP3

Moi, il me semble que les élections municipales, ce sont les dernières élections qui sont proches du territoire. J’ai du mal à imaginer que ces élections vont être un lieu de débat d’idées. Autant le débat public à l’échelle nationale ou cantonale sont propices à des thèmes pour faire avancer des idées, autant pour les municipales, c’es toujours un vote de proximité. La fonction de maire, c’est une des rares mandatures que l’on peut évaluer concrètement. Par exemple le débat sur la famille, le débat sur la fin de vie, ce sont des débats qui traversent à peu près toutes les listes. Je crains plutôt que certaines listes qui n’ont pas de compétences dans la gestion des affaires à l’échelle d’une ville qui se présentent trop comme cathos risquent de se crédibiliser.

Est-ce que l’Église a un rôle à jouer dans les municipales ?
Bien sûr, l’Église est là pour aider à éclairer les consciences. La première chose, c’est d’aider des chrétiens à s’engager à prendre des responsabilités à l’échelle locale, dans le sens du bien commun. Et c’est vrai pour la gouvernance d’une ville et maintenant, pour la participation aux communautés de communes, puisqu’aujourd’hui les municipales sont fortement marquées par la réflexion autour des communautés de commune, des communautés d’agglomérations. Et d’un lieu où la doctrine sociale de l’Église peut être mise en œuvre de façon très concrète. L’Église doit encourager tous ceux qui ont des responsabilités, qui prennent le risque de s’exposer dans la chose publique.

Sur des sujets comme la pauvreté, le travail, est-ce que l’Église sensibilise, touche les politiques ?
Bien sur, ce sont parfois des sujets qui fâchent. Mais aujourd’hui, par exemple dans l’aménagement du territoire, dans l’organisation des communautés de commune, la question de la solidarité est rarement prise en compte. On continue à l’aborder de manière compassionnelle ou très technique. Or, aujourd’hui, on voit bien que quand une communauté de communes se met en place, il faudra arriver à trouver une intercommunalité pour les centres communaux d’actions sociales, une intercommunalité pour la prise en charge de l’hôtellerie sociale, de l’accès aux droits des plus démunis, de la vie dans les cités, dans les banlieues. On se rend bien compte que la question sociale demeure au cœur de l’aménagement du territoire. Mais le social est souvent abordé au moment des élections municipales plutôt dans un champ clientéliste.

Comment vous abordez les municipales dans votre diocèse de Toulon ?
Dans le Var et à Toulon, les questions importantes sont autour des mouvements d’extrême-droite qui sont très militants. Et il y a toute la question autour de la fonction d’hospitalité. Nous sommes des régions où l’hospitalité est pratiquée aisément dès que l’autre a les moyens, c’est ce qu’on appelle le tourisme. Dès que sont des personnes en précarité, on parle d’immigration. Il y a beaucoup de débats autour de cette question de la manière de pratiquer l’hospitalité sur un territoire béni comme le nôtre. Il y a aussi tout le débat sur la pratique de la gouvernance pour tout ce qui touche la corruption ou des systèmes claniques. Donc, on a besoin d’avoir une transparence. Et encore une fois, l’Église ne peut qu’encourager à tout ce qui est la lisibilité, la subsidiarité, la répartition des rôles, la façon de gouverner un territoire.

Comment faites-vous face à ces deux sujets ?
Dans le diocèse de Fréjus-Toulon, le fait qu’une pastorale sociale soit bien organisée à travers la diaconie diocésain. Le diocèse est reconnu comme un partenaire de la société civile puisqu’il a une expertise des institutions qui sont implantées sur l’ensemble du territoire. Donc, c’est vrai qu’à l’occasion des différents débats pour les municipales, plusieurs d’entre nous sont consultés à titre personnel par des candidats aux élections qui viennent demander des clefs de discernement, de droite et de gauche. Et puis nous participons aussi à certains débats comme l’aménagement des territoires et l’organisation des communautés d’agglomération et des communautés de communes. Et moi, je suis plutôt impressionné de voir qu’il y a autour de ces municipales, encore beaucoup de gens très passionnés par la chose publique, la chose sociale. Après les élections, en particulier dans les villages où parfois il y a quatre ou cinq listes, il reste à faire œuvre de réconciliation pour que les gens ne se jettent pas des anathèmes et que le vivre ensemble devienne impossible.


Photo: préparation des urnes pour les municipales







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