Les débats de société pèsent-ils dans les municipales ?
(RV) Entretien - Les Français se rendent aux urnes dimanche, pour le premier
tour des élections municipales. Dans une déclaration publiée il y a quelques mois,
le Conseil permanent de la conférence des évêques, souligne l’importance d’une vie
locale harmonieuse surtout dans les périodes marquées par le chômage et la précarité.
La commune est souvent le premier garant du lien social, avec les services aux personnes
âgées, aux personnes fragiles ou en situation de handicap.
Les évêques condamnent
les discours populistes répandant la suspicion contre toute représentation politique
et exhortent les élus à mettre en œuvre, au niveau local, une vive attention à toutes
formes de pauvretés. Ces municipales interviennent dans un climat politique alourdi
par différentes affaires. Dans le cas de l’électorat catholique, on peut se demander
si les débats de société comme le mariage pour tous, s’inviteront dans le bulletin
de vote ?
Nous avons posé la question à Gilles Rebêche, délégué épiscopal
à la solidarité du diocèse de Toulon.
Moi,
il me semble que les élections municipales, ce sont les dernières élections qui sont
proches du territoire. J’ai du mal à imaginer que ces élections vont être un lieu
de débat d’idées. Autant le débat public à l’échelle nationale ou cantonale sont propices
à des thèmes pour faire avancer des idées, autant pour les municipales, c’es toujours
un vote de proximité. La fonction de maire, c’est une des rares mandatures que l’on
peut évaluer concrètement. Par exemple le débat sur la famille, le débat sur la fin
de vie, ce sont des débats qui traversent à peu près toutes les listes. Je crains
plutôt que certaines listes qui n’ont pas de compétences dans la gestion des affaires
à l’échelle d’une ville qui se présentent trop comme cathos risquent de se crédibiliser.
Est-ce
que l’Église a un rôle à jouer dans les municipales ? Bien sûr, l’Église est
là pour aider à éclairer les consciences. La première chose, c’est d’aider des chrétiens
à s’engager à prendre des responsabilités à l’échelle locale, dans le sens du bien
commun. Et c’est vrai pour la gouvernance d’une ville et maintenant, pour la participation
aux communautés de communes, puisqu’aujourd’hui les municipales sont fortement marquées
par la réflexion autour des communautés de commune, des communautés d’agglomérations.
Et d’un lieu où la doctrine sociale de l’Église peut être mise en œuvre de façon très
concrète. L’Église doit encourager tous ceux qui ont des responsabilités, qui prennent
le risque de s’exposer dans la chose publique.
Sur des sujets comme la pauvreté,
le travail, est-ce que l’Église sensibilise, touche les politiques ? Bien sur,
ce sont parfois des sujets qui fâchent. Mais aujourd’hui, par exemple dans l’aménagement
du territoire, dans l’organisation des communautés de commune, la question de la solidarité
est rarement prise en compte. On continue à l’aborder de manière compassionnelle ou
très technique. Or, aujourd’hui, on voit bien que quand une communauté de communes
se met en place, il faudra arriver à trouver une intercommunalité pour les centres
communaux d’actions sociales, une intercommunalité pour la prise en charge de l’hôtellerie
sociale, de l’accès aux droits des plus démunis, de la vie dans les cités, dans les
banlieues. On se rend bien compte que la question sociale demeure au cœur de l’aménagement
du territoire. Mais le social est souvent abordé au moment des élections municipales
plutôt dans un champ clientéliste.
Comment vous abordez les municipales
dans votre diocèse de Toulon ? Dans le Var et à Toulon, les questions importantes
sont autour des mouvements d’extrême-droite qui sont très militants. Et il y a toute
la question autour de la fonction d’hospitalité. Nous sommes des régions où l’hospitalité
est pratiquée aisément dès que l’autre a les moyens, c’est ce qu’on appelle le tourisme.
Dès que sont des personnes en précarité, on parle d’immigration. Il y a beaucoup de
débats autour de cette question de la manière de pratiquer l’hospitalité sur un territoire
béni comme le nôtre. Il y a aussi tout le débat sur la pratique de la gouvernance
pour tout ce qui touche la corruption ou des systèmes claniques. Donc, on a besoin
d’avoir une transparence. Et encore une fois, l’Église ne peut qu’encourager à tout
ce qui est la lisibilité, la subsidiarité, la répartition des rôles, la façon de gouverner
un territoire.
Comment faites-vous face à ces deux sujets ? Dans
le diocèse de Fréjus-Toulon, le fait qu’une pastorale sociale soit bien organisée
à travers la diaconie diocésain. Le diocèse est reconnu comme un partenaire de la
société civile puisqu’il a une expertise des institutions qui sont implantées sur
l’ensemble du territoire. Donc, c’est vrai qu’à l’occasion des différents débats pour
les municipales, plusieurs d’entre nous sont consultés à titre personnel par des candidats
aux élections qui viennent demander des clefs de discernement, de droite et de gauche.
Et puis nous participons aussi à certains débats comme l’aménagement des territoires
et l’organisation des communautés d’agglomération et des communautés de communes.
Et moi, je suis plutôt impressionné de voir qu’il y a autour de ces municipales, encore
beaucoup de gens très passionnés par la chose publique, la chose sociale. Après les
élections, en particulier dans les villages où parfois il y a quatre ou cinq listes,
il reste à faire œuvre de réconciliation pour que les gens ne se jettent pas des anathèmes
et que le vivre ensemble devienne impossible.