Au Sénégal, des accouchements à domicile sont sujets à drames
Les accouchements à domicile et sans assistance médicale, souvent mortels, font le
lit de drames au Sénégal. A Ndiaganiao, une zone situé au centre-ouest du Sénégal,
qui focalise 39 villages totalisant 50.000 habitants, la majorité des femmes accouchent
à domicile. De nombreuses femmes des zones rurales de cette région sont ainsi obligées
d'accoucher à domicile faute de moyens de déplacement notamment. «Quand je commence
à ressentir des maux de ventre, c'est souvent la nuit. Je n'ai pas toujours une charrette
ou un autre véhicule pour aller dans une structure de santé» affirme Diakhère Ndong,
une mère de famille d’une localité de la région de Thiès à l’ouest du pays, où six
de ses sept enfants sont nés à la maison. «Pour mon septième enfant, l'infirmier m'a
internée quand je suis venue me soigner de paludisme. J'ai accouché deux heures après»
poursuit cette femme menue de 40 ans enceinte de son huitième enfant.
C’est
un drame que nous ne souhaitons plus revivre
Adja Oumou Anne, une sage
femme à Notto-Diobass dans un village proche de Ndiaganio a indiqué que la structure
de santé locale a enregistré en janvier quinze naissances, par quinze femmes dont
dix ont accouché à domicile. "Les drames proviennent de ces accouchements à domicile.
Il est arrivé que des femmes meurent d'hémorragie. C'est un drame que nous ne souhaitons
plus revivre", a déclaré Amadou Bèye, unique infirmier de Ndiaganiao, lors d'un forum
sur la santé mercredi 12 mars dernier. Le forum dans le cadre du programme de
lutte contre la mortalité maternelle et infantile en Afrique, s'est tenu en présence
de responsables de l'Association pour la médecine et la recherche en Afrique (Amref),
une ONG africaine de santé publique, et de la Fondation Sanofi Espoir basée en France.
Selon l'Amref et la Fondation Sanofi Espoir, citant des chiffres officiels, le taux
de mortalité maternelle a été réduit au cours des 20 dernières années au Sénégal.
Mais avec 392 pour 100.000 naissances vivantes, ce taux demeure toujours élevé. Quant
à la mortalité néonatale, elle a régressé de 35 à 26% entre 2005 et 2012, mais reste
toujours élevée. Elle représente à elle seule 40% de la mortalité infantile.
Les
risques liés à l’accouchement à domicile
Selon l'infirmier Bèye, sur 263
accouchements en 2013 à Ndiaganiao, 61 l'ont été à la maison, soit près de 25%. Des
femmes accouchent à domicile et se font ensuite examiner mais d'autres ne viennent
pas. Il y en a qui ne font pas de consultations prénatales et souffrent après d'hémorragies,
d'anémies et d'infections précise t il.
Des facteurs culturels expliquent
les accouchements à domicile
Les belles-mères prennent presque toutes
les décisions en milieu rural. Elles disent à leurs belles-filles qu'une brave femme
accouche à la maison. Ami Sène, une habitant de Ndiaganiao, confirme: «Nos mamans
nous encouragent à accoucher à domicile mais le coût élevé des frais médicaux explique
que beaucoup de femmes ne vont pas voir l'agent de santé ». Ce coût, accouchement
et frais médicaux compris, varie entre 8.000 et 9.000 FCFA (entre 12 et 13,7 euros)
dans le public. Il monte à 20.000 FCFA (30,4 euros) dans le dispensaire privé du village.
Pour le chef d'un village voisin de Ndiaganiao, un autre problème est lié aux femmes
qui cachent leur grossesse et ne vont pas voir l'agent de santé. Selon des croyances
populaires, annoncer sa grossesse peut faire perdre le bébé.
Awa Diouf, une
responsable locale d’organisations de femmes, résume la situation: «Nous souffrons
d'un déficit en structures de santé et les difficultés sont dues à la pauvreté. Les
routes sont mauvaises et nous sommes dans une zone enclavée. Des villages n'ont aucune
structure de santé». Et enfin, l'Amref et la Fondation Sanofi veulent dans leur programme
en Afrique de l'Ouest, dont le Sénégal est un pays pilote, accroître le nombre de
sages-femmes et renforcer leurs capacités.
Les accoucheuses traditionnelles
Par ailleurs, dans le cadre de référence sur les accoucheuses traditionnelles,
selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) la moralité maternelle représente
actuellement encore plus de 1/6ème des décès des femmes dans le pays en
voie de développement. En 2007, 54% des femmes d’Afrique dont 94% en Ethiopie accouchent
encore à domicile. On estime à 4 millions par an le nombre de décès néonataux, maximum
au cours de la première semaine, dont 99 % dans les pays en voie développement. En
effet, en 2009, on estime le taux décès néonatal à 88 sur 1000 en Afrique et le nombre
d’enfant morts nés s’élève également à 4 millions par an. Comme pour la mortalité
maternelle, la majorité de ces décès ont une origine curable. Ainsi la prématurité
(28%), les infections (26%) et l’hypoxie néonatale (23%) en sont les causes principales.
Ces décès sont par ailleurs fortement corrélés à l’état de santé et aux complications
maternelles. Devant ce constat inquiétant, la communauté internationale a décidé de
faire de la santé materno-infantile une priorité de santé publique.