Syrie, 3 ans après : « nous sommes des réfugiés à l’intérieur de nos maisons »
(RV) Témoignage - Il y trois ans débutait la guerre civile en Syrie. Depuis
près de 140 000 personnes ont été tuées, plus de 2 millions sont réfugiées hors des
frontières du pays et ceux qui ont choisi de rester font face à des attaques quotidiennes.
A quelques jours de cet anniversaire dramatique, les évêques catholiques de Syrie
se sont réunis au Liban, à cause de la difficulté de circuler à l'intérieur de la
Syrie. Ils ont notamment discuté des initiatives mises en place par la Caritas pour
prendre en compte les souffrances et les tragédies subies par le peuple syrien.
Et parmi les membres de l’assemblée il y avait Monseigneur Boutros Marayati.
L’archevêque arménien catholique d’Alep revient sur les différents points qu’ils
ont abordés, comme l’aide dont ont besoin les fidèles qui sont restés dans le pays.
Il est interrogé par Audrey Radondy :
Vous
avez affirmé dans cette déclaration que vous êtes solidaires de votre « pays bien
aimé, la Syrie, peuple et gouvernement ». Est-ce que vous faites référence à ce gouvernement
? S’il y a un peuple, il y a toujours un gouvernement. Nous n’avons pas dit
« ce gouvernement », nous avons dit que la Syrie doit être gouvernée. Quel que soit
le gouvernement qui arrive, la Syrie doit être gouvernée. Alors, ce n’est pas seulement
un peuple qui n’a pas de tête mais un peuple avec des institutions. Et c’est le dialogue
qui se fait à Genève, où nous cherchons une issue, pour trouver une méthode ou quelque
chose pour reconstruire avec un gouvernement. Et ce gouvernement peut être un gouvernement
de passage à condition que le terrorisme s’arrête. Ce que nous avons le plus demandé
c’est un cessez-le-feu. Sans cessez-le-feu, rien ne vaut plus.
Au-delà de
cette déclaration, quels ont été les points abordés lors de cette rencontre ? On
a discuté tous ensemble sur la façon dont on peut travailler avec Caritas et les autres
organisations internationales de bienfaisance. Et comment aider nos fidèles, surtout
ceux qui sont restés sur place afin dqu'ils puissent vivre dignement. Il n’y a pas
seulement des réfugiés qui ont quitté le pays et qui vivent sous les tentes mais il
y aussi les réfugiés chrétiens sont maintenant réfugiés dans leurs maisons. Nos fidèles
qui restent à Alep sont des réfugiés car ils sont sans électricité, sans eau, sans
nourriture, dans le froid. Nous, nous sentons que nous sommes vraiment des réfugiés
à l’intérieur de nos maisons. Ces citoyens ont besoin maintenant d’une aide spéciale,
surtout que les médicaments, les médecins et les hôpitaux manquent. Ce ne sont pas
seulement les réfugiés qui ont quitté le pays mais les gens qui restent et nous voulons
qu’ils restent. C’est pourquoi nous avons voulu que cette déclaration soit un appel
d’espérance pour garder ce petit troupeau qui reste encore.
Quelles sont
donc les initiatives pour aider le peuple syrien ? Comme chrétiens et comme
Église, nous avons nos petites sociétés de bienfaisance, nos jeunes, nos organisations
et nous essayons avec l’aide de Caritas d'aider nos fidèles. Nous avons organisé de
l’aide sur quatre niveaux. D’abord pour ce qui est de la nourriture, il y a chaque
jour un repas chaud qui est distribué dans les Églises. Le deuxième ce sont les écoles,
il faut payer des professeurs et il faut aussi un peu d’aide sur ce niveau d’instruction.
Le troisième point, c’est tout ce qui est hôpitaux, opérations, ça devient très cher
de trouver des médicaments, des hôpitaux. Nous aidons aussi des malades ou ceux qui
ont été touchés par des bombes ou autre chose. Le quatrième point, c’est d’aider les
gens à reconstruire leurs maisons si elles ont été touchées par des obus. C’est sur
ces niveaux que nous avons organisé des collectes de don pour les distribuer, selon
des critères, aux plus démunis.
Cela fait aujourd’hui trois ans que le
conflit en Syrie a commencé. Si vous deviez lancer un appel ? Ça fait trois
ans en Syrie mais ça fait deux ans à Alep et malheureusement elle a été l'une des
villes les plus touchées. Notre appel c’est toujours de dire à ceux qui sont des ennemis
que ça ne sert à rien et que tous nous allons sortir perdants, personne ne va gagner.
Alors, pourquoi continuer à détruire un pays ? Il faut bien s’arrêter, dialoguer et
trouver une issue pour reprendre une vie et recommencer à reconstruire ce pays pour
un avenir meilleur pour nos enfants.
Photo : des réfugiés syriens
dans le camp de Bab Al-Salam à Azaz, à 50km de la ville syrienne Alep