Le Père Spadaro, impressions sur un an de pontificat de François
(RV) Entretien - La rencontre, voilà bien ce qui est au cœur du magistère du
Pape François qui souhaite ardemment une Église « qui sorte » : voilà en résumé
l’idée développée par le Père Antonio Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica,
dans un entretien accordé à Isabella Piro, journaliste de Radio Vatican, pour commenter
le premier anniversaire de l’élection du Pape François.
Pour le Père Spadaro,
le Pontife a une vision missionnaire de l’Église : il travaille et travaillera à une
transformation missionnaire de l’Église, ce qui veut dire une Église absolument tournée
vers le monde, ouverte au monde, dans l’idée que l’Évangile soit annoncé à tous, quelle
que soit sa situation de vie. « Et donc, le langage de François est un langage
naturel, ordinaire, je dirais normal. Son objectif est d’atteindre tout le monde »,
déclare le Père Spadaro.
Le Pape François, un homme pragmatique
Cette
année écoulée nous aura montré un Pape très préoccupé par la dimension pastorale et
évangélique de l’Eglise, par la réforme aussi de la Curie, les rapports avec les autres
Églises. Et rien n’indique, selon le directeur de la Civiltà Cattolica quels
seront les autres dossiers où il imprimera un « changement ». « On ne le
sait pas, et lui non plus peut-être, car il n’a pas à l’esprit des idées abstraites
à plaquer à la réalité, en la modelant selon sa propre vision. En réalité, le Pape
procède pas après pas, en ayant en tête l’histoire, en accompagnant les processus
en cours dans l’Église, et bien évidemment en tenant compte de la vie du monde. Cela
signifie que le plus important pour lui est de bien suivre ce qui se passe et de considérer
le processus de réforme comme un réforme de l’intérieur. »
Un point essentiel,
selon le Père Spadaro, est qu’aujourd’hui l’Église est très liée, dans son développement,
aux Églises plus jeunes, ce qui entraîne un changement de perspective et de vision.
« La prophétie présente dans la vie des Eglises plus jeunes est en train d’entrer
pleinement dans la vie ordinaire de l’Eglise, également à travers ses représentants
dans les sphères plus centrales ».
Franciscain dans la spiritualité
ignacienne
A la question de savoir quels traits de Saint Ignace et de Saint
François on trouve dans le pontificat de Jorge Bergoglio, le Père Spadaro commence
par rappeler que la formation à la spiritualité de Saint Ignace dès l’enfance du Pape.
« Je dirais que sa manière d’agir, de voir, de considérer la réalité est absolument
liée à cette spiritualité. Une spiritualité évangélique, qui vise surtout à la présence
du Seigneur dans le monde. Ce n’est pas une spiritualité optimiste – un terme qui
n’a pas les faveurs du Pape – mais certainement remplie d’espérance. » De nous
expliquer alors que pour le Pape « le Seigneur agit déjà dans le monde, et donc
nous arrivons toujours après Lui et nous devons reconnaître sa présence. Voilà le
discernement. Je parlerais donc avant tout d’un Pontificat de discernement sur l’action
du Seigneur dans le monde, et en ce sens il est profondément ignacien et jésuite.
»
« Le Pape est franciscain également dans le sens plus ignacien du
terme, parce que la spiritualité franciscaine est vécue à l’intérieur de la spiritualité
ignacienne. Ce qui amène le Pape à l’attention énorme pour la pauvreté et l’essentialité
; mais il ne faut pas oublier cette autre dimension très présente chez Saint François,
celle de la reconstruction. La reconstruction de l’Eglise. L’image de ‘l’hôpital
de campagne’, de situations où la reconstruction est nécessaire, est très présente
dans le pontificat de François ».
Le fil rouge du pontificat, la rencontre
Face
à l’agenda des prochains mois, avec la double canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul
II en avril, le voyage en Terre Sainte en mai et en août en Corée du Sud, le Père
Spadaro y voit le fil rouge de la ‘catégorie-clé’ du Pontificat de François, à savoir
la rencontre. « La rencontre avec l’histoire, avec les grandes figures du passé
récent, et le rapprochement très intéressant entre ces deux Papes, deux grands Papes,
même s’ils sont très différents entre eux. Et toujours la rencontre, avec la réalité
du Proche-Orient, extrêmement problématique, et enfin la rencontre, encore, avec la
Corée et avec les jeunes du continent asiatique puisque c’est pour les JMJ asiatiques.
Rencontre avec un continent aux grandes énergies, aux grandes potentialités également
pour la vie de l’Eglise. »
Le Père Spadaro ne cache pas que « probablement
le Pape aura rencontré pas mal de difficultés durant cette première année de pontificat
». « Ce qui me frappe, - et j’en ai parlé avec lui lors de l’interview qu’il m’a
accordée en août dernier -, c’est que le Pape est bien conscient des problèmes, mais
il a en lui une grande sérénité. Il l’a déclaré lui-même : il dort bien et mange bien,
il ressent une grande paix intérieure qui lui permet aussi d’affronter toutes les
difficultés avec grande simplicité, et immédiateté. » Cette nouveauté de style,
reconnaît le Père Spadaro, « n’est pas sans créer quelque difficulté chez certains,
alors qu’elle se veut un exemple de vie évangélique. »
Etre devant
le Pape, et l'écouter
Si l’occasion se représentait demain matin au Père
Spadaro d’interviewer à nouveau le Pape François, il ne saurait précisément aujourd’hui
que lui demander, « car le rencontrer, et l’interviewer, a représenté une grande
expérience spirituelle, une expérience totalement ouverte. Et donc je me mettrais
devant lui et je commencerais par ce que lui désire dire. Et cela serait pour moi
la chose la plus intéressante. »