2014-03-11 08:23:01

Centrafrique : loin de Bangui, la médiation d'un évêque


(RV) Entretien- Un calme précaire est revenu en Centrafrique mais c’est une situation en trompe l’œil. Les tensions sont toujours bien présentes. Si les violences baissent, c’est surtout parce que la quasi-totalité des musulmans a fui le pays, étant devenus les cibles des milices anti-balakas. A Kaga-Bandoro, ville située à 350 km au Nord de Bangui, les cortèges de camions remplis de ressortissants musulmans traversent la ville en direction du Tchad. A 5 km de l’entrée de la ville, les anti-balakas restent aux aguets.

Kaga-Bandoro est donc un carrefour inévitable pour les différents acteurs du conflit en cours en Centrafrique. L’évêque de la ville, Mgr Albert Vanbuel tente tant bien que mal de jouer les médiateurs, alors qu’il n’y a plus aucune autorité publique sur place RealAudioMP3


Les anti-Balaka ne sont pas des milices chrétiennes, c’est clair ! Ce sont des gens qui veulent réagir contre la mort de leurs proches. Ils ont vu des exactions et ils ont réagi en tuant beaucoup de gens. L’erreur ,c’est qu’ils ont pensé que les Séléka sont des musulmans et que donc, tous les musulmans doivent partir, sinon on les tue. Et ça, c’est aussi une erreur fatale pour le pays. Il y a beaucoup de bons musulmans qui sont là à faire le marché, qui nous aident à vivre. On a toujours vécu ensemble et maintenant, tous les musulmans doivent fuir. Chez nous, ils sont seulement de passage et il y a de nombreux camions qui vont au Tchad. Nous avions eu des rencontres avec les Imams pour voir comment était la situation, comment arriver à une solution mais ces mêmes Imams sont partis. Donc, nous avons tous les problèmes du monde pour dire aux anti-Balaka qui sont à 5km « S’il vous plait, n’entrez pas dans la ville ». On a dit la même chose aux Séléka. Jusqu’à maintenant, ils nous ont écouté mais le grand problème, c’est qu’il n’y a aucune sécurité, aucune autorité : il n’y a pas de police, il n’y a pas de gendarmes et il n’y a pas de tribunal.

À votre niveau, comment arrivez-vous à jouer les médiateurs en tant qu’évêque du diocèse ?
Je crois que c’est important pour la population le fait que nous sommes restés pour suivre la situation. Quand il se passe quelque chose, on va chercher le chef de la Séléka ou le chef anti-Balaka pour parler car en ce moment, nous sommes les seuls médiateurs. Nous sommes la seule possibilité car les forces internationales sont des tchadiens. La population n’a aucune confiance en ces tchadiens puisqu’ils travaillent avec les Séléka. On ne peut arriver à une solution si ce sont seulement des intermédiaires qui n’ont pas d’autorité politique qui doivent régler les choses, c’est impossible ! Dans tout l’arrière-pays, il faut des forces de sécurité qui osent se lever pour la paix et non pas pour tuer des gens.

Vous avez des contacts directs avec les anti-Balaka. Quel est le message que vous pouvez leur faire passer ? Est-ce qu’à votre échelle, vous pouvez les raisonner ?
À Kaga-Bandoro, avec l’aide de Ocha et Unicef, nous avons rencontré trois ou quatre fois les anti-Balaka qui étaient en train d’arriver. Ils écoutent ce que nous disons, ils racontent leurs problèmes. Ils disent « Il y a des barrières partout, nous ne pouvons même pas aller au marché ».Nous leur disons : « Il faut au moins vous cantonner, et hors de ce cantonnement, vous ne pouvez pas marcher avec des armes ». Donc, il faut beaucoup de temps mais le premier point, c’est de ne pas les mettre ensemble car ce serait très grave pour le pays. Ensuite, avoir le plus vite possible des forces qui soient capables de les convaincre « Il faut laisser vos armes et on va vous aider à survivre » car si l’on dit « Donnez vos armes et partez », qu’est-ce qu’ils vont faire ?

Mais vous restez confiant ?
J’étais très content avec l'arrivée de la nouvelle présidente mais je vois que c’est très compliqué. Déjà, si on ne peut pas maîtriser Bangui, ça va être beaucoup plus difficile de maîtriser Bouar, Alindao, Bangassou, Kaga-Bandoro. Maintenant, avec le départ de Djotodia, je crois que les Séléka doivent partir mais on doit les aider à partir. Alors, les anti-Balaka n’auront plus de sens et il faut chercher des militaires centrafricains, des autorités centrafricaines qui prennent toute la situation en main mais ne pas croire que dans trois mois, il y aura de nouvelles élections.



Photo: des civils musulmans fuyant le pays, à Kaga-Bandoro, 6 février 2014







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