Equateur : regard d'un prêtre sur le revers électoral du président Correa
(RV) Entretien - Le président équatorien Rafael Correa, figure emblématique
de la gauche en Amérique latine, vient de subir un véritable revers. Après neuf victoires
électorales d´affilée, son mouvement a en effet perdu du terrain lors des élections
municipales et locales de dimanche dernier. L´opposition l’a en effet emporté dans
plusieurs grandes villes du pays, à commencer par la capitale, Quito où Mauricio Rodas,
un jeune avocat de 39 ans, a largement devancé le maire sortant Augusto Barrera, un
proche du président. A Guayaquil, seconde ville et important port industriel, l'opposition
a aisément conservé son bastion.
Comment expliquer cette défaite cinglante
? Nous avons posé la question au père Pierre Riouffrait, en Equateur depuis 1976.
Il travaille dans des secteurs populaires avec les communautés ecclésiales de bases
Le président
ne laisse pas beaucoup de place aux autres et en particulier, il n’arrive pas à travailler
avec les mouvements sociaux. Donc, il y a un certain rejet de sa politique et je pense
que cela se marque par les élections dans les grandes villes, surtout dans la capitale.
Le président est aussi très agressif vis-à-vis des opposants, en particulier des dirigeants
d’organisations sociales, de syndicats. Il fait avancer aussi une politique d’exploitation
du pétrole et des mines qui va détruire l’environnement. Donc, le président a un langage
intéressant pour changer les choses. Mais la réalité est différente. Le résultat
de cette élection témoigne également d’un essoufflement de sa révolution citoyenne
? « La révolution citoyenne » , c’est un grand mot parce qu’on est
dans des changements, dans des améliorations matérielles. Citoyenne : Il n’y a pas
de participation des gens, il faut le reconnaître. Les gens reçoivent beaucoup de
petites aides, des prêts pour beaucoup de choses. Mais en fait, les gens ne deviennent
pas les artisans de leur changement. Donc, je pense aussi que c’est un rappel au président,
qu’une politique de gauche, comme il dit vouloir mener, c’est mettre les gens en marche
et faire en sorte que ce soit eux qui essayent de résoudre avec lui, avec beaucoup
d’autres institutions les problèmes qui tombent car la pauvreté est encore à 40% de
la population et l’emploi, c’est comme même assez catastrophique, spécialement pour
les jeunes ! Cette victoire de la droite dans les trois principales villes et
notamment Quito, c’est plus un avertissement-comme vous venez de l’évoquer- au président
pour une politique plus participative ou c’est un véritable souhait d’alternance ? Je
pense que les élections de dimanche marquent plus un avertissement au président que
de vouloir le destituer. Je pense qu’il y a des alliances à faire avec les partis
et avec les organisations sociales qui veulent un changement pour la révolution et
la participation des citoyens. Maintenant, je pense aussi qu’au niveau international,
il y a certainement les États-Unis, comme c’est actuellement le cas au Venezuela,
qui cherchent à déstabiliser le gouvernement, ça c’est certain ! D’ailleurs, le maire
qui a été élu à Quito a peut-être des contacts réguliers (on ne sait pas très bien)
avec Capriles , donc, l’opposant au régime de Maduro au Venezuela. Il y a certainement
une déstabilisation internationale qui est en route et qui se manifeste de cette façon-là
aussi. Le financement de beaucoup de groupes et de beaucoup d’ONG vient de l’extérieur
et spécialement des États-Unis, ça, c’est évident ! Maintenant, le pays au niveau
économique, vit une certaine prospérité. Donc, je pense que de là vient aussi une
certaine stabilité.