2014-02-25 10:19:55

Qui est vraiment Ioulia Timochenko ?


(RV) Entretien - Condition d'un accord de partenariat, finalement rejeté avec l'Union européenne, sa libération était devenue l’une des revendications de l’opposition pendant les 3 mois de crise politique en Ukraine. Ioulia Timochenko est revenue sur le devant de la scène à la faveur du départ du président Ianoukovitch le week-end dernier. Après deux ans de prison, celle qui fut la principale opposante au chef de l'état en fuite, est malade, se fera soignée en Allemagne, sans pour autant avoir perdu de son énergie. Sa présence sur l'estrade installée place Maïdan l'a montré. Pourtant face à elle, dans la foule, des critiques: elle est loin de faire l’unanimité.

Ioulia Timochenko a occupé le poste de Premier Ministre à deux reprises après la Révolution orange de 2004 et sa gestion du pays a été difficile. L’origine de sa fortune, rendue possible grâce au gaz, fait toujours l’objet de soupçons de corruption.

Anne de Tinguy, professeur à Sciences Po Paris et à l’Inalco, spécialiste de l’Ukraine, décrypte la figure de Ioulia Timochenko : RealAudioMP3

Madame Timochenko est un personnage politique de premier plan puisqu’elle a eu de très nombreuses responsabilités politiques en Ukraine, notamment pendant les années dites « oranges » entre 2004 et 2010. Elle a été l'un des premiers ministres du président Youchenko. C’est une personnalité qui est à la fois charismatique et contestée. Contestée parce qu’on s’est souvent interrogé sur l’origine de sa fortune. Elle a longtemps été surnommée « la princesse du gaz » et je dirais aussi, peut-être encore plus important aujourd’hui, elle a été directement responsable pendant les années oranges du maigre bilan de l’équipe au pouvoir, notamment parce qu’elle a eu des relations très conflictuelles avec le président Youchenko et qu’en définitive, ce sont deux personnalités dont les querelles incessantes ont été une source d’instabilité politique pendant ces années oranges.

Comment est-elle perçue et appréciée dans le pays ?
Je constate que pendant tous ces évènements, depuis trois mois, elle n’a que très peu été une référence à Maidan. Bien sûr, il y a eu un mouvement pour sa libération depuis longtemps mais ça n’a pas été une des principales figures de référence parmi les contestataires depuis trois mois. Un autre point qui est assez caractéristique, c’est qu’elle n’a pas de mauvaises relations avec la Russie. Et ça, c’est un point qui peut être important, qui peut jouer à la fois contre elle mais aussi en sa faveur parce que la Russie, aujourd’hui, est sous le choc. La Russie a fait l’erreur, comme en 2004, de prendre position en faveur de Monsieur Ianoukovitch, résolument contre l’opposition.

Ça veut dire qu’aujourd’hui, Moscou manque d’interlocuteurs à Kiev. Or, Moscou est un interlocuteur nécessaire. Et donc, il est possible que Moscou cherche à contacter Madame Timochenko mais en fait, on ne voit pas encore très bien dans quel sens. Moscou est très discrédité à cause du soutien qu’il a apporté à la politique de répression de monsieur Ianoukovitch. Madame Timochenko n’est pas une personnalité politique neuve, elle fait même partie de ce personnel politique honni par les manifestants qui sont dans la rue depuis trois mois et qui ont fait cette révolution. Il n’en reste pas moins qu’elle est une personnalité qui compte et elle a des soutiens au sein de l’opposition.

Elle a refusé le poste de Premier ministre. Est-ce qu’une candidature à la présidentielle est une hypothèse plausible ?
C’est une hypothèse. Dans tous les sondages qui ont été faits ces dernières semaines et mois, elle n’apparaissait pas du tout comme l’une des premières personnalités. Mais bon, il est difficile de savoir après le séisme que l’Ukraine vient de vivre, comment les choses vont évoluer. Je dirais, en principe, qu'elle ne devrait pas revenir sur le devant de la scène parce que justement, elle fait partie de ce passé qui est refusé par l’opposition ukrainienne. L’homme neuf, c’est Vitali Klitschko, ce n’est pas madame Timochenko.


Photo : Rassemblement le 23 février dernier, place de l'Indépendance à Kiev








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