Le mariage et la famille, avec le cardinal Barbarin
(RV) Entretien - Une lettre du Pape François aux familles sera publiée ce mardi.
La pastorale du mariage et de la famille était au cœur des réflexions et des débats
ces jours-ci au Vatican. D’abord au cours d’un consistoire extraordinaire qui a réuni
l’ensemble du collège cardinalice jeudi et vendredi dernier, puis, en ce début de
semaine, au cours de la réunion du Conseil du Synode des évêques qui s’est penché
sur les réponses au questionnaire envoyé aux Conférences épiscopales et aux dicastères
de la Curie.
Ces réponses doivent permettre de préparer le document de travail
du prochain synode sur la famille qui aura lieu en octobre prochain. Le Vatican a
constaté beaucoup de souffrance chez ceux qui se sentent exclus ou abandonnés par
l’Eglise, car ils ne vivent pas conformément à la doctrine. Selon le cardinal Baldisseri,
secrétaire général du Synode des évêques, il y a urgence à renouer le dialogue avec
ceux qui se sont éloignés de l’Église. Un chemin de confiance s’est ouvert.
La
question de la place, dans l’Église catholique, des personnes divorcées et remariées
a d’ailleurs largement dominé le consistoire extraordinaire la semaine dernière. L’idée
d’un chemin de pénitence a été évoquée. Hélène Destombes a rencontré le cardinal
Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Il revient sur le contenu des échanges
:
Je résumerais
bien l’ensemble du travail sur « amour et vérité se rencontrent ». Évidemment, aujourd’hui,
la situation du mariage dans le monde a beaucoup changé. Donc, la parole de l’Église
doit beaucoup se renouveler en demandant à Dieu la grâce d’arriver à faire opérer
cette rencontre entre l’amour et la vérité. Du coup, le cadeau, comme dit l’onction,
ce sera la justice et la paix. Plutôt que d’aller butter sur « Est-ce qu’on va enfin
donner la permission à ceux qui sont divorcés remariés d’aller communier ? C’est une
injustice qu’on ne la leur donne pas ». Si vous buttez immédiatement sur le problème
dans son point ultime, ça se cabre. Donc, moi je pense qu’il faut reprendre les choses
profondément en amont et après, montrer aux gens que c’est un appel à leur liberté
et non pas un règlement qu’on leur fait tomber dessus. Dans leur réponse libre à cette
parole de Dieu, ils donneront un très beau témoignage et leur amour grandira.
Vous
avez donc évoqué la question des divorcés remariés, une question délicate et sensible
qui a été abordée. Il y avait là différents points de vue. Comment les discussions
se sont-elles déroulées ? C’était 80-90% des interventions qui touchaient la
question des divorcés remariés. On voit bien qu’aujourd’hui, c’est la question la
plus difficile et la plus douloureuse .Et il ne suffit pas de dire « moi, je suis
rigoriste, moi, je suis laxiste ». C’est une impasse ce genre de discussion . Ce qui
est important, c’est de dire « il y a incontestablement une parole de vérité qui vient
de la Bible et il y a incontestablement un amour de Dieu pour tous les hommes, quel
qu’ils soient et quel que soit leur situation ». C’est pour cela que si vous vous
situez uniquement du point de vue réglementaire, c’était interdit et maintenant, ça
va être permis. « Oui, l’Église s’ouvre, elle devient enfin attentive à nos vies,
à nos conditions, elle renonce à ces vieux principes, etc.. ». C’est absurde parce
ce qui est quelque chose de conjoncturel dans la vie de l’Église peut changer. Mais
quelque chose qui vient directement de la parole de Dieu et qui touche les situations
de vie ne va pas tellement changer, c’est-à-dire qu’on sait que le mystère de l’alliance
entre l’homme et la femme est directement greffé, si je puis dire, à l’histoire de
l’alliance avec l’humanité. Alors, il y a des pistes possibles. Par exemple, le Pape
a dit lui-même, il y a déjà assez longtemps, qu’ on pourrait regarder comment font
les orthodoxes . Mais pour la majorité des catholiques, lorsqu’ils regardent les catholiques,
ils disent : vous voyez les orthodoxes, ils peuvent se remarier ». On sait bien que
non. Si vous connaissez les orthodoxes, vous savez que chez les orthodoxes, quand
il y a un remariage, on les reçoit, on les bénit. La célébration est pénitentielle,
vous n’avez pas été fidèle à la parole de Dieu mais rassurez-vous, Dieu vous aime
quand même. Et ce n’est pas un sacrement . On peut trouver les manières, ça dépend
de la liberté qu’on laisse. Par exemple, on peut dire aux gens : « voilà quelle est
la doctrine de l’Église et ce n’est pas à nous d’entrer jusque dans les détails de
tout. Que chacun voit avec son père spirituel, avec son curé, avec son évêque.
Il
y a sur ce thème comme sur les autres thématiques abordées durant les discussions
un consensus ou le regard est très différent que l’on vienne du continent européen,
africain, asiatique ? Vous pouvez avoir un consensus et un regard très différent.
Je pense qu’au fond, il y a un consensus. C’est pour cela que je l’ai résumé avec
cette phrase du psaume 84. Le consensus, c’est que la charité est première. Notre
mission à nous, c’est de faire comprendre aux hommes que l’amour de Dieu leur est
toujours offert, que l’amour de Dieu les suit et les poursuit toujours, dans quelque
périphérie où il se trouve, comme dirait le Pape François. Ça, c’est vraiment le point
fondamental. Et la parole de vérité qui est dite et qui parfois, est difficile à avaler
pour nous est encore une marque d’amour et non pas un châtiment, une punition, une
sanction, etc.. Alors ça, c’est difficile parce que dès ça se dégrade un tant soit
peu, en règlement, comme je le disais là toute à l’heure, du coup,c’est perçu comme
une sanction. Or, là où nous avons à trouver les mots, c’est de dire que « cette parole-là,
je te le promets, est un chemin d’amour pour toi , un chemin d’amour de Dieu dans
ton cœur. Laisse-le faire. Fais-lui confiance. Ça va batailler un peu en toi. Bon,
ça arrive mais tu peux être certain que ce sera un chemin de croissance d’amour ou
un chemin de vérité ». Alors, là-dessus, c’est vrai que les perspectives étaient très
différentes et quand c’est les Philippines qui parlent, ce n’est pas tout à fait comme
lorsque c’est Ouagadougou qui parle. Le fait que les points de vue soient très différents,
ne veut pas dire une majorité et une minorité. Je pense que dans une rencontre comme
celle que nous venons de vivre, il y a à la fois consensus et un son incroyable.
Donc, c’est vrai qu’il y a quelque chose d’extraordinairement varié.
Quel
a été le climat de ce consistoire ? Comment le définiriez-vous ? C’est un
moment fraternel et en même temps, on est un peu frustré parce que chacun parle 5-6-7
minutes, ça fait 80 interventions les unes après les autres. Il n’y a pas vraiment
de discussions entre nous. On parle avec les proches, avec celui qui est devant, celui
qui est derrière mais c’est vrai que cela manque de contacts fraternels. Il y a les
petites pauses café : on a un truc à dire à quelqu’un donc on fonce sur lui, on lui
dit « tu sais que…j’ai envie de te dire que… » mais c’est un petit peu lourd dans
une après-midi, d’écouter 25 interventions. On fait attention à tout le monde, il
y en a beaucoup qui ont des idées nouvelles et intéressantes donc on prend des notes
mais c’est quand même encore une formule qui ne s'est pas encore trouvée ou qui doit
encore se chercher. Donc, le climat est bon et fraternel, il n’y a pas de doutes là-dessus.
On est d’une certaine manière content de se revoir. On a aussi besoin de ces contacts
fraternels, on a des choses à se dire, on s’invite mutuellement,.. Enfin, c’est vrai
qu’il y a une certaine fraternité.
Photo : le cardinal Barbarin, le
2 février, à la manif pour tous à Lyon