2014-02-21 19:41:28

Le premier Consistoire du Pape François a lieu ce samedi


(RV) Entretien - Coup d’envoi à 11 heures ce samedi 21 février du premier consistoire du Pape François. Ils seront 18 à se voir remettre, dans la basilique Saint-Pierre, la barrette cardinalice des mains du Pape. Un 19°évêque, l’ancien secrétaire de Jean XXIII, Mgr Loris Francesco Capovilla, sera créé cardinal plus tard, le 1er mars prochain à Sotto il Monte, une église symbolique à ses yeux puisque le « bon Pape » en posa la première pierre.

Qui recevra donc la barrette rouge ce samedi ? Comme Mgr Capovilla, deux des futurs cardinaux ont dépassé les 80 ans et ne seront pas électeurs en cas de conclave. Il s’agit de deux archevêques émérites de Castries à Sainte Lucie et de Pampelune en Espagne.

Les seize autres prélats à revêtir la pourpre cardinalice ce samedi œuvrent, pour certains, au sein de la Curie comme le nouveau Secrétaire d'Etat, Mgr Pietro Parolin ou encore Mgr Gerhard Ludwig Müller, le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Les autres sont des hommes de terrain comme Mgr Chibly Langlois, l’archevêque des Cayes en Haïti, Mgr Jean-Pierre Kutwa, l’archevêque d’Abidjan en Côte d’Ivoire ou encore Mgr Philippe Ouédraogo du Burkina Faso.

L’archevêque de Ouagadougou et futur cardinal burkinabé nous raconte comment il a vécu la nouvelle quand le Pape a cité son nom dans la listes des futurs cardinaux lors de l’Angélus du 12 janvier dernier RealAudioMP3

J’avoue que cette nomination est une surprise. J’étais à mon travail de pasteur ordinaire. J’étais au sanctuaire marial de Yagma, en périphérie de Ouagadougou avec tous les catéchistes du diocèse (...) ce 12 février. Après la messe, j’ai eu un entretien avec eux sur Evangelii Gaudium et un peu avant midi, je me suis excusé pour retourner à l’archevêché et entreprendre un voyage (...) à 380km de Ouagadougou pour assister à l’Assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Burkina Faso. Chemin faisant, un journaliste italien me téléphone pour me féliciter. Alors je tombais des nues : « Vous ne vous êtes pas trompé d’adresse par hasard ? » Il m’a dit : « mais c’est bien vous l’archevêque de Ouagadougou ? » et j’ai dit « oui, présentement. C’est moi. » « Eh bien, je viens d’entendre de la bouche du Saint-Père votre nom parmi les néo-cardinaux ».

Voilà comment j’ai reçu la chose. C’était pour moi une surprise. Je suis étonné de l’enthousiasme avec lequel les Burkinabés ont accueilli la nouvelle, aussi bien les chrétiens que les non chrétiens. J’ai reçu beaucoup de félicitations, de coups de fil et des lettres de la part des chrétiens, mais aussi du gouvernement, des frères musulmans, d’imams, des chef coutumiers, des pasteurs... C’est dire que le peuple de Dieu et les Burkinabés en général ont accueilli cette nouvelle avec joie et enthousiasme et, je crois, avec espérance.

Le Pape, paternellement, a envoyé une lettre à tous les futurs cardinaux où il dit l’essentiel de cette mission. Il rappelle que ce n’est pas une promotion, un honneur, une décoration. C’est un service, et comme dirait saint Augustin : « c’est un service d’amour ». Et pour s’acquitter de cette mission, le Pape lui-même nous conseille de revêtir les vertus et les sentiments de Jésus Christ et il termine en nous invitant à l’humilité et en nous proposant la Vierge Marie comme modèle par excellence d’une telle mission. Voilà, c’est l’essentiel.

C’est pourquoi, j’ai tenu avant le Consistoire à avoir un temps de silence et de retraite à Assise et à Sasso Vivo, un monastère foucauldien, car je suis de cette sensibilité. Je fais partie de la Fraternité sacerdotale Jésus Caritas depuis que je suis prêtre. Alors je me suis retrouvé chez les Petits Frères de Jésus de Sasso Vivo et, de là, j’ai fait un séjour à Assise où j’ai eu à célébrer et à prier dans la basilique Saint-François d’Assise et en la basilique Sainte-Claire avec les clarisses.
Alors, nous croyons à la communion des Saints, j’espère que ces trois saints, saint François d’Assise, sainte Claire et le bienheureux Charles de Foucauld, intercèderont pour moi et si les choses se passent mal, c’est qu’ils n’auront pas fait leur travail ! En tout cas, je rends grâce au Seigneur pour ce temps spirituel qui me permet d’aborder avec sérénité cette nouvelle mission à laquelle le Pape a bien voulu m’associer, même si je ne me sens pas digne d’une telle mission. Je ne suis rien d’autre qu’un être humain quelconque de la sollicitude du Saint-Père qui a voulu considérer avec bienveillance, notre famille de Dieu au Burkina Faso.

Vous êtes très attentif à la situation des plus vulnérables, des plus pauvres. Cette attention a-t-elle été une des raisons pour lesquelles vous allez être créé cardinal ? Et pensez-vous que c’est une des priorités dans laquelle vous pouvez avoir un rôle particulier en tant que cardinal ?

Non, comme prêtre ou comme évêque, je n’ai jamais travaillé pour obtenir une récompense quelconque. Dans l’Evangile, le serviteur fait son travail et rien d’autre. Moi, je n’ai jamais rêvé d’être un évêque. On m’a appelé à l’épiscopat et ce n’est rien d’autre qu’un service. J’ai été un évêque aux confins du Mali, pendant douze ans et demi, et je me suis vu transféré à Ouagadougou, la capitale, il y a cinq ans, en 2009, sans avoir rêvé d’être évêque dans ces diocèses, et encore moins cardinal. Je me demande pourquoi le Seigneur a permis tant de choses dans ma petite existence de chrétien et de pasteur. Alors j’essaie, à la suite de Charles de Foucauld, d’accueillir les choses avec abandon. Vous connaissez la prière d’abandon de Charles de Foucauld que je prie chaque jour ? C’est une confiance totale, en demandant au Seigneur de faire de moi un instrument utile, un collaborateur indéfectible du Saint-Père dans sa mission pastorale pour l’Eglise universelle.

Qu’est-ce-qui changera concrètement dans votre vie au quotidien maintenant que vous êtes cardinal ?

Je suis né d’une famille très modeste, dans un village de la savane africaine, donc je suis très sensible à ceux qui n’ont pas eu la chance d’émerger du point de vue de l’école. Dans mon village, il y a beaucoup de camarades qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école. C’était avant l’indépendance en 1960. A peine 20 à 25 % des enfants allaient à l’école à l’époque, donc je suis un privilégié. Je suis donc très sensible à ceux qui sont des laissés pour compte, les défavorisés, les démunis. Dès que j’ai pris possession de mon siège d’archevêque de Ouagadougou, mes premières visites ont été aux prisonniers, à des femmes qui vivent dans un centre pour marginalisés à cause de la sorcellerie, etc. C’est un exemple de ce que je porte en moi. Je pense qu’à la suite du Pape qui donne le ton dans ce sens, je ne saurai que chercher à intensifier cette attention, cette écoute, cette présence, cette proximité par rapport à tous, et notamment aux plus petits et aux plus pauvres.

Quels sont les défis aujourd’hui de l’Eglise au Burkina Faso ?

Dans Ecclesia in Africa, l’exhortation post-synodale, le Pape Jean-Paul II rappelle les fils et filles d’Afrique, que tous les baptisés sont appelés à la sainteté et à la mission. Voilà deux pôles auxquels je suis très sensible. J’essaie d’œuvrer et d’aider dans ce sens et d’aider les chrétiens à œuvrer dans ce sens et à aller au large dans ce sens.
La sainteté : vivre de l’Evangile, une famille une bible, un chrétien une bible (c’est fondamental), la parole de Dieu, les sacrements, l’amour de Dieu, l’amour des frères : voilà des thèmes majeurs évangéliques que nous essayons de développer, allant dans le sens de Sa Sainteté.
Concernant la mission : tous les baptisés y sont appelés. Nous sommes une terre de première évangélisation. Le catéchuménat a été très développé. A Pâques dernier, nous avons baptisé près de six mille adultes. Notre souci est de faire prendre conscience à tous les baptisés, y compris les catéchumènes, leur rôle irremplaçable d’être des témoins de Jésus dans le quotidien de la vie. Les baptisés sont missionnaires par leur prière, par le don de leur personne, au niveau des communautés chrétiennes de base, au niveau des paroisses et des diocèses, par le don de leurs biens aussi. Nous œuvrons beaucoup dans le sens de l’auto-prise en charge. Ce sont de grands défis de notre Eglise. L’offrande de ses souffrances à la manière de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, contribue à une valeur rédemptrice et contribue efficacement à l’avancée de la mission.
Nous devons aussi privilégier l’être par rapport au faire et la force de nos Eglises particulières résidera non dans le faire mais dans l’être. Comme le disait Charles de Foucauld, « si nous ne vivons pas l’Evangile, Jésus ne vit pas en nous ». Et si Jésus ne vit pas en nous, nous ne sommes pas Eglise en Jésus Christ.


Deux synodes sur la famille ont été annoncés. En Europe, on parle beaucoup des divorcés remariés. Des thématiques qui existent chez vous ? Quelles sont les espoirs de la famille au Burkina ou leurs difficultés?

L’avenir de l’humanité et de l’Eglise réside dans le mariage et la famille. C’est capital. Malheureusement, nous voyons qu’aujourd’hui la famille est agressée, éprouvée dans tous les sens. Il y a une crise énorme, essentiellement anthropologique : « qu’est-ce que l’homme, le sens de la vie ? » On a perdu le sens du mariage. A Rio de Janeiro, le Pape dénonçait les idoles dont nous sommes esclaves : le pouvoir, l’avoir, le sexe, le plaisir, la sainte liberté (...). Alors face à tous ces défis, la famille est certainement éprouvée et nous souhaiterions que ce synode puisse apporter une lumière, un éclairement nouveau à partir de l’Ecriture, de la Révélation et l’enseignement du Concile pour un renouveau de la famille.
Les débats au Consistoire sont très intéressants et nous voyons que selon les zones géographiques, les défis pastoraux ne sont pas toujours les mêmes. C’est sûr que la question du divorce/remariage concerne tout le monde, mais selon les contextes, émergent d’autres défis. Je prends par exemple, le défi de la polygamie. Ici, on est préoccupé de l’acceptation et de l’admission des divorcés remariés à la table eucharistique. De notre côté, en Afrique ou en Asie, il y a le problème de l’admission des polygames traditionnels, selon la coutume locale. Je ne parle pas des chrétiens qui retombent dans la polygamie, mais des gens qui ont honnêtement vécu selon leur coutume, qui sont polygames et qui demandent le baptême. Donc, la praxis depuis le XVIème siècle, c’est la séparation des époux pour être baptisé, ce qui ne va pas sans problème. Donc, nous souhaitons que ce Synode sur la famille prenne dans sa globalité et dans sa complexité ce problème de la famille. Qu’on ne se focalise pas sur un seul défi pastoral, propre à certaines Eglises par rapport à d’autres. Et que vraiment ce Synode apporte un éclairage nouveau, aussi étendu que possible, par rapport aux nombreux défis auxquelles les familles sont confrontées de nos jours.







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