Le premier Consistoire du Pape François a lieu ce samedi
(RV) Entretien - Coup d’envoi à 11 heures ce samedi 21 février du premier consistoire
du Pape François. Ils seront 18 à se voir remettre, dans la basilique Saint-Pierre,
la barrette cardinalice des mains du Pape. Un 19°évêque, l’ancien secrétaire de Jean
XXIII, Mgr Loris Francesco Capovilla, sera créé cardinal plus tard, le 1er mars prochain
à Sotto il Monte, une église symbolique à ses yeux puisque le « bon Pape » en posa
la première pierre.
Qui recevra donc la barrette rouge ce samedi ? Comme Mgr
Capovilla, deux des futurs cardinaux ont dépassé les 80 ans et ne seront pas électeurs
en cas de conclave. Il s’agit de deux archevêques émérites de Castries à Sainte Lucie
et de Pampelune en Espagne.
Les seize autres prélats à revêtir la pourpre
cardinalice ce samedi œuvrent, pour certains, au sein de la Curie comme le nouveau
Secrétaire d'Etat, Mgr Pietro Parolin ou encore Mgr Gerhard Ludwig Müller, le Préfet
de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Les autres sont des hommes de terrain
comme Mgr Chibly Langlois, l’archevêque des Cayes en Haïti, Mgr Jean-Pierre Kutwa,
l’archevêque d’Abidjan en Côte d’Ivoire ou encore Mgr Philippe Ouédraogo du
Burkina Faso.
L’archevêque de Ouagadougou et futur cardinal burkinabé nous
raconte comment il a vécu la nouvelle quand le Pape a cité son nom dans la listes
des futurs cardinaux lors de l’Angélus du 12 janvier dernier
J’avoue que
cette nomination est une surprise. J’étais à mon travail de pasteur ordinaire. J’étais
au sanctuaire marial de Yagma, en périphérie de Ouagadougou avec tous les catéchistes
du diocèse (...) ce 12 février. Après la messe, j’ai eu un entretien avec eux sur
Evangelii Gaudium et un peu avant midi, je me suis excusé pour retourner à
l’archevêché et entreprendre un voyage (...) à 380km de Ouagadougou pour assister
à l’Assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Burkina Faso. Chemin faisant,
un journaliste italien me téléphone pour me féliciter. Alors je tombais des nues :
« Vous ne vous êtes pas trompé d’adresse par hasard ? » Il m’a dit : « mais
c’est bien vous l’archevêque de Ouagadougou ? » et j’ai dit « oui, présentement.
C’est moi. »« Eh bien, je viens d’entendre de la bouche du Saint-Père votre
nom parmi les néo-cardinaux ».
Voilà comment j’ai reçu la chose. C’était
pour moi une surprise. Je suis étonné de l’enthousiasme avec lequel les Burkinabés
ont accueilli la nouvelle, aussi bien les chrétiens que les non chrétiens. J’ai reçu
beaucoup de félicitations, de coups de fil et des lettres de la part des chrétiens,
mais aussi du gouvernement, des frères musulmans, d’imams, des chef coutumiers, des
pasteurs... C’est dire que le peuple de Dieu et les Burkinabés en général ont accueilli
cette nouvelle avec joie et enthousiasme et, je crois, avec espérance.
Le Pape,
paternellement, a envoyé une lettre à tous les futurs cardinaux où il dit l’essentiel
de cette mission. Il rappelle que ce n’est pas une promotion, un honneur, une décoration.
C’est un service, et comme dirait saint Augustin : « c’est un service d’amour ».
Et pour s’acquitter de cette mission, le Pape lui-même nous conseille de revêtir les
vertus et les sentiments de Jésus Christ et il termine en nous invitant à l’humilité
et en nous proposant la Vierge Marie comme modèle par excellence d’une telle mission.
Voilà, c’est l’essentiel.
C’est pourquoi, j’ai tenu avant le Consistoire à
avoir un temps de silence et de retraite à Assise et à Sasso Vivo, un monastère foucauldien,
car je suis de cette sensibilité. Je fais partie de la Fraternité sacerdotale Jésus
Caritas depuis que je suis prêtre. Alors je me suis retrouvé chez les Petits Frères
de Jésus de Sasso Vivo et, de là, j’ai fait un séjour à Assise où j’ai eu à célébrer
et à prier dans la basilique Saint-François d’Assise et en la basilique Sainte-Claire
avec les clarisses. Alors, nous croyons à la communion des Saints, j’espère que
ces trois saints, saint François d’Assise, sainte Claire et le bienheureux Charles
de Foucauld, intercèderont pour moi et si les choses se passent mal, c’est qu’ils
n’auront pas fait leur travail ! En tout cas, je rends grâce au Seigneur pour ce temps
spirituel qui me permet d’aborder avec sérénité cette nouvelle mission à laquelle
le Pape a bien voulu m’associer, même si je ne me sens pas digne d’une telle mission.
Je ne suis rien d’autre qu’un être humain quelconque de la sollicitude du Saint-Père
qui a voulu considérer avec bienveillance, notre famille de Dieu au Burkina Faso.
Vous êtes très attentif à la situation des plus vulnérables, des plus pauvres.
Cette attention a-t-elle été une des raisons pour lesquelles vous allez être créé
cardinal ? Et pensez-vous que c’est une des priorités dans laquelle vous pouvez avoir
un rôle particulier en tant que cardinal ?
Non, comme prêtre ou comme évêque,
je n’ai jamais travaillé pour obtenir une récompense quelconque. Dans l’Evangile,
le serviteur fait son travail et rien d’autre. Moi, je n’ai jamais rêvé d’être un
évêque. On m’a appelé à l’épiscopat et ce n’est rien d’autre qu’un service. J’ai été
un évêque aux confins du Mali, pendant douze ans et demi, et je me suis vu transféré
à Ouagadougou, la capitale, il y a cinq ans, en 2009, sans avoir rêvé d’être évêque
dans ces diocèses, et encore moins cardinal. Je me demande pourquoi le Seigneur a
permis tant de choses dans ma petite existence de chrétien et de pasteur. Alors j’essaie,
à la suite de Charles de Foucauld, d’accueillir les choses avec abandon. Vous connaissez
la prière d’abandon de Charles de Foucauld que je prie chaque jour ? C’est une confiance
totale, en demandant au Seigneur de faire de moi un instrument utile, un collaborateur
indéfectible du Saint-Père dans sa mission pastorale pour l’Eglise universelle.
Qu’est-ce-qui
changera concrètement dans votre vie au quotidien maintenant que vous êtes cardinal
?
Je suis né d’une famille très modeste, dans un village de la savane
africaine, donc je suis très sensible à ceux qui n’ont pas eu la chance d’émerger
du point de vue de l’école. Dans mon village, il y a beaucoup de camarades qui n’ont
pas eu la chance d’aller à l’école. C’était avant l’indépendance en 1960. A peine
20 à 25 % des enfants allaient à l’école à l’époque, donc je suis un privilégié. Je
suis donc très sensible à ceux qui sont des laissés pour compte, les défavorisés,
les démunis. Dès que j’ai pris possession de mon siège d’archevêque de Ouagadougou,
mes premières visites ont été aux prisonniers, à des femmes qui vivent dans un centre
pour marginalisés à cause de la sorcellerie, etc. C’est un exemple de ce que je porte
en moi. Je pense qu’à la suite du Pape qui donne le ton dans ce sens, je ne saurai
que chercher à intensifier cette attention, cette écoute, cette présence, cette proximité
par rapport à tous, et notamment aux plus petits et aux plus pauvres.
Quels
sont les défis aujourd’hui de l’Eglise au Burkina Faso ?
Dans Ecclesia
in Africa, l’exhortation post-synodale, le Pape Jean-Paul II rappelle les fils
et filles d’Afrique, que tous les baptisés sont appelés à la sainteté et à la mission.
Voilà deux pôles auxquels je suis très sensible. J’essaie d’œuvrer et d’aider dans
ce sens et d’aider les chrétiens à œuvrer dans ce sens et à aller au large dans ce
sens. La sainteté : vivre de l’Evangile, une famille une bible, un chrétien une
bible (c’est fondamental), la parole de Dieu, les sacrements, l’amour de Dieu, l’amour
des frères : voilà des thèmes majeurs évangéliques que nous essayons de développer,
allant dans le sens de Sa Sainteté. Concernant la mission : tous les baptisés
y sont appelés. Nous sommes une terre de première évangélisation. Le catéchuménat
a été très développé. A Pâques dernier, nous avons baptisé près de six mille adultes.
Notre souci est de faire prendre conscience à tous les baptisés, y compris les catéchumènes,
leur rôle irremplaçable d’être des témoins de Jésus dans le quotidien de la vie. Les
baptisés sont missionnaires par leur prière, par le don de leur personne, au niveau
des communautés chrétiennes de base, au niveau des paroisses et des diocèses, par
le don de leurs biens aussi. Nous œuvrons beaucoup dans le sens de l’auto-prise en
charge. Ce sont de grands défis de notre Eglise. L’offrande de ses souffrances à la
manière de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, contribue à une valeur rédemptrice et
contribue efficacement à l’avancée de la mission. Nous devons aussi privilégier
l’être par rapport au faire et la force de nos Eglises particulières résidera non
dans le faire mais dans l’être. Comme le disait Charles de Foucauld, « si nous
ne vivons pas l’Evangile, Jésus ne vit pas en nous ». Et si Jésus ne vit pas en
nous, nous ne sommes pas Eglise en Jésus Christ.
Deux synodes sur la
famille ont été annoncés. En Europe, on parle beaucoup des divorcés remariés. Des
thématiques qui existent chez vous ? Quelles sont les espoirs de la famille au Burkina
ou leurs difficultés?
L’avenir de l’humanité et de l’Eglise réside dans
le mariage et la famille. C’est capital. Malheureusement, nous voyons qu’aujourd’hui
la famille est agressée, éprouvée dans tous les sens. Il y a une crise énorme, essentiellement
anthropologique : « qu’est-ce que l’homme, le sens de la vie ? » On a perdu
le sens du mariage. A Rio de Janeiro, le Pape dénonçait les idoles dont nous sommes
esclaves : le pouvoir, l’avoir, le sexe, le plaisir, la sainte liberté (...). Alors
face à tous ces défis, la famille est certainement éprouvée et nous souhaiterions
que ce synode puisse apporter une lumière, un éclairement nouveau à partir de l’Ecriture,
de la Révélation et l’enseignement du Concile pour un renouveau de la famille. Les
débats au Consistoire sont très intéressants et nous voyons que selon les zones géographiques,
les défis pastoraux ne sont pas toujours les mêmes. C’est sûr que la question du divorce/remariage
concerne tout le monde, mais selon les contextes, émergent d’autres défis. Je prends
par exemple, le défi de la polygamie. Ici, on est préoccupé de l’acceptation et de
l’admission des divorcés remariés à la table eucharistique. De notre côté, en Afrique
ou en Asie, il y a le problème de l’admission des polygames traditionnels, selon la
coutume locale. Je ne parle pas des chrétiens qui retombent dans la polygamie, mais
des gens qui ont honnêtement vécu selon leur coutume, qui sont polygames et qui demandent
le baptême. Donc, la praxis depuis le XVIème siècle, c’est la séparation des époux
pour être baptisé, ce qui ne va pas sans problème. Donc, nous souhaitons que ce Synode
sur la famille prenne dans sa globalité et dans sa complexité ce problème de la famille.
Qu’on ne se focalise pas sur un seul défi pastoral, propre à certaines Eglises par
rapport à d’autres. Et que vraiment ce Synode apporte un éclairage nouveau, aussi
étendu que possible, par rapport aux nombreux défis auxquelles les familles sont confrontées
de nos jours.