2014-02-20 14:18:36

La violence se déchaîne en Ukraine


Le président russe Vladimir Poutine va envoyer à Kiev un représentant pour participer à une médiation avec l'opposition à la demande du président ukrainien, dépassé par la situation. La violence s'est déchaînée ce jeudi en Ukraine entre forces de l'ordre et manifestants. Jeudi soir, le dernier bilan faisait était d' au moins 67 morts à Kiev, selon les chiffres de l'opposition. Des tirs à balles réelles ont été effectués dans la matinée par des cordons de police et du haut des immeubles entourant le Maïdan, la place de l'Indépendance occupée depuis près de trois mois dans le centre de Kiev.

Un journaliste a vu huit cadavres gisant sur le sol devant la poste centrale sur le Maïdan, place centrale de Kiev, et dix autres non loin de là, devant l'hôtel Kozatski. Un autre journaliste de l'AFP a compté sept corps dans le hall de l'hôtel Ukraïna, de l'autre côté de la place. Le ministère de la Santé a fait état de son côté de 7 tués jeudi, dont deux policiers. Le décompte de l'AFP porte à au moins 53 morts le bilan des scènes de guérilla urbaine dont le centre de Kiev est le théâtre depuis mardi, des violences inédites depuis 20 ans aux portes de l'UE.

Il y avait eu 10 membres des forces de l'ordre dans le bilan des tués des deux jours précédents. Des médecins proches de l'opposition ont estimé que certains des tués avaient été visés par un sniper. Les alentours de la place étaient à de nombreux endroits couverts de flaques de sang. Plusieurs milliers de manifestants, dont des femmes et des retraités, participaient par ailleurs à une sorte de meeting permanent sur la place, où l'opposition a maintenu une scène sonorisée malgré les affrontements des deux derniers jours.


Difficile de savoir pourquoi l’Ukraine a basculé en quelques heures dans la violence meurtrière. Entre manifestants armés et déterminés, autorisation des forces de l’ordre de tirer à balles réelles et infiltration probables de milices, il y a peut-être un peu de tout ça. Peut-on voir la main de Moscou ? C’est l’hypothèse de Laurent Vinatier, spécialiste de l'Ukraine à l'institut Thomas More RealAudioMP3

On ne sait pas qui a pris la décision que les forces de l’ordre tirent à balles réelles. C’est extrêmement brumeux ! le président Ianoukovitch voulait avoir une petite chance de maintenir la présidence avec un petit peu de légitimité. Il avait tout intérêt à négocier et à ne pas faire en sorte que ces protestations se terminent dans un bain de sang. On peut quand même remarquer une chose ou une petite coïncidence qui prête à réfléchir, c’est que ces échanges de tirs à balles réelles coïncident exactement après le versement d’une aide russe. Ce sont simplement des spéculations, de dire « mais dans quelle mesure est-ce que Poutine et les russes n’ont pas un peu plus serré la corde au cou de Ianoukovitch en disant : voilà, maintenant, il faut que tu règles ce problème ». c’est-à-dire que la Russie dit à l’Ukraine : « On vous prête 15 milliards mais il faut que vous régliez le sort de ces gens dans la rue ». C’est juste une coïncidence qui donne matière à réfléchir.
Trois ministres européens sont en ce moment-même à Kiev pour essayer de contribuer à une désescalade. Est-ce que l’Europe peut encore faire quelque chose ?
C’est quand même un peu tard. Les européens peuvent parler, ils peuvent dire des choses mais une large partie de la clef du problème ukrainien réside maintenant chez les hommes d’affaire ukrainiens qui doivent prendre leurs responsabilités et envisager de lâcher Ianoukovitch pour de bon. Par contre, ce que peut faire l’Europe, c’est avec des mots, discuter avec la Russie pour calmer les injonctions ou les instructions qui ont probablement été données de la part de Moscou à Kiev.
Face aux signes de violence qui se poursuivent, notamment sur la place Maiden, beaucoup parlent de guerre civile. Aujourd’hui, il y a une vraie menace de guerre civile dans le pays ?
C’est plutôt un peuple qui se soulève contre le pouvoir qu’il ne considère plus comme étant légitime. On est plus dans le cadre d’une révolution. Si les régions de l’est de l’Ukraine ou la Crimée qui sont traditionnellement plus pro-russes décident de soutenir envers et contre tout et de s’armer pour défendre le président Ianoukovitch, ce qui paraît quand même peu probable, alors là, on pourra parler de guerre civile.



Le sang coule malgré la présence de la troïka européenne

Des manifestations et affrontements ont également eu lieu en province, notamment dans l'ouest nationaliste comme à Lviv, où la veille, les manifestants se sont emparés d'un dépôt d'armes de la police. Au même moment, une troïka de ministres des Affaires étrangères européens, le Français Laurent Fabius, l'Allemand Frank-Walter Steinmeier et le Polonais Radoslaw Sikorski, se trouvait à Kiev. Une rencontre était en cours jeudi à la mi-journée entre le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et les trois ministres. Les trois ministres européens doivent également rencontrer les leaders de l'opposition, puis se rendre à Bruxelles pour rendre compte à leurs homologues des résultats de ces pourparlers lors d'une réunion extraordinaire qui pourrait voir l'instauration de sanctions.

Le président Ianoukovitch a de fait remplacé mercredi soir le chef d'Etat-major des armées, qui s'était montré hostile au recours à l'armée contre les opposants. Les services spéciaux ukrainiens (SBU) ont de leur côté annoncé mercredi une vaste opération antiterroriste, soit des mesures d'exception dans toute l'Ukraine, arguant que des « groupes extrémistes » menaçaient « la vie de millions d'Ukrainiens ». Ces mesures d'exception permettent aux militaires d'ouvrir le feu. Le président ukrainien avait annoncé mercredi soir une « trêve » avec les opposants après les violents affrontements qui avaient fait 28 morts en deux jours. Mais jeudi matin, des centaines de manifestants casqués et armés de gourdins et de boucliers ont escaladé leurs propres barricades sur le Maïdan avant de se lancer à l'assaut des forces de l'ordre qui leur avaient repris une partie de la place 24 heures auparavant. (avec AFP)


Photo : au centre de Kiev, ce jeudi matin







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