Le Père Lombardi conteste « L'homme qui ne voulait pas être Pape »
(RV) Le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège et de
Radio Vatican, a souhaité réagir à la publication, chez Albin Michel, du livre de
Nicolas Diat, « L’homme qui ne voulait pas être Pape ». L’ouvrage contient en effet
des accusations graves qui sont inexactes.
Tout en saluant les efforts déployés
par l’auteur pour offrir un éclairage approfondi du pontificat de Benoît XVI, le père
Lombardi critique la méthode et l’esprit qui animent ce livre et conteste la véridicité
de certains passages.
Père Lombardi,
pourquoi avez-vous souhaité réagir par rapport au livre de Nicolas Diat ? C’est
un livre qui a une certaine importance, je pense, surtout dans le milieu de la langue
française et ça porte directement sur le Pape Benoît XVI et sur toute une série d’évènements
très importants du Vatican. Dans le livre, il y a des accusations dont je suis convaincu
qu’elles ne sont pas justes et qu’elles sont graves. Alors, je devais réagir en conscience.
Vous
saluez l’effort qui a été fait pour analyser et approfondir le pontificat de Benoît
XVI pour lequel Nicolas Diat semble avoir une admiration sincère mais vous avez justement,
vous venez de le dire, des réserves au sujet de certains passages. Lesquels ? Ce sont exactement des accusations précises contre une série de personnes nommées
avec nom et prénom et qui ne sont pas fondées sur des éléments sûrs. Dans certains
cas, les accusations sont absolument sans fondement ou sont faites sur des déclarations
anonymes et ça n’est pas acceptable.
Vous déplorez les accusations fausses,
inexactes, sans fondement mais vous déplorez aussi, je crois, la méthode qui consiste
à ne pas citer les sources quand il s’agit de jugements négatifs et à citer toutes
les personnes rencontrées à la fin du livre, en vrac. C’est vrai, à la fin,
il y a toute une série de remerciements des personnes et ce sont de situations totalement
différentes. Il y a sûrement des personnes que l’auteur a longuement rencontrées
et qui lui ont fait des confidences ou des témoignages mais il y en a d’autres qui
ne l’ont pas rencontré personnellement. Il y a d’autres personnes qui ne s’identifient
absolument pas avec l’orientation du livre et la façon avec laquelle des accusations
y sont faites. Il y a d’autres personnes qui l’ont rencontré mais pour d’autres raisons.
Alors, c’est vraiment une impression incorrecte qui est donnée avec cette série. Il
semble qu’il y ait une grande convergence des témoignages qui appuient sa perspective
et son œuvre.
Au-delà des accusations souvent graves qui sont adressées
à certaines personnes, ce que vous regrettez aussi Père Lombardi, c’est que l’auteur,
en ranimant une période douloureuse, ait d’une certaine manière trahit l’effort qui
a été fait par Benoît XVI et puis par son successeur, le Pape François, pour clore
définitivement ce chapitre. Oui, exactement. En lisant le livre, en voyant
des témoignages anonymes d’accusation très graves, je me sens comme replongé dans
une atmosphère que Benoît XVI voulait sûrement dépasser définitivement. Et c’est la
même atmosphère qui est alimentée par des discours que le Pape François appelle les
« chiacchiere », c’est-à-dire qui sont des opinions sur les autres qui sont gravement
dommageables pour leur réputation.
Déclaration du père Federico Lombardi,
directeur du Bureau de presse du Saint-Siège et de Radio Vatican à propos d’un livre
de Nicolas Diat.
Un ouvrage volumineux en français (Nicolas Diat :
« L’homme qui ne voulait pas être Pape », chez Albin Michel) a été publié il y a quelques
jours. C’est le fruit d’un travail de longue haleine, le résultat de nombreux entretiens
entre l’Auteur et plusieurs personnalités ecclésiastiques. L’ouvrage offre un vaste
panorama du pontificat du Pape Benoît XVI. Il évoque également le début du pontificat
de son Successeur, mais, comme le titre l’indique, l’auteur a surtout voulu approfondir
la pensée ainsi que la personnalité de Joseph Ratzinger, son esprit et ses intentions.
Le livre retrace les événements et fournit de nombreuses informations utiles
pour les replacer dans leur contexte. Les interventions et les discours du Pape sont
largement rapportés. L’Auteur les relit avec intelligence et analyse souvent en profondeur
les intentions qui étaient à la base. Il s’appuie sur les nombreux témoignages personnels
recueillis lors de ses conversations avec des témoins privilégiés et fiables.
Bref,
le livre offre sans nul doute une contribution significative à la connaissance et
à la compréhension du pontificat du Pape Benoît, dont l’Auteur est un admirateur sincère
et un observateur attentif.
Mais l’Auteur ne s’arrête pas là. Inévitablement,
il évoque à plusieurs reprises les faits et les personnes qui ont entouré le Pape.
Le cadre général fait état des relations complexes, des difficultés, des tensions,
des moments particulièrement difficiles, qui ont longtemps défrayé la chronique et
suscité des débats. On ne peut certes pas parler de manière approfondie du pontificat
du Pape Benoît XVI en faisant abstraction des vicissitudes qui ont atteint un niveau
dramatique avec la soustraction de la part du majordome du Pape de documents réservés
et leur publication.
C’est à ce niveau-là que l’ouvrage mérite de sérieuses
critiques, lorsque, à plusieurs occasions, il prend pour cible des personnes précises,
en les nommant, en leur attribuant explicitement des responsabilités très graves,
sans un fondement certain ou – tout au moins dans certains cas – sans aucun fondement
(deux exemples particulièrement graves : dans le cas du cardinal Mauro Piacenza, on
parle par exemple de ses rencontres avec Paolo Gabriele qui n’ont jamais eu lieu ;
en renfort des accusations qui sont adressées à un autre cardinal, on cite pour preuve
un document « sino-allemand » qu’à l’époque, en connaissance de cause, j’avais qualifié
de « délirant » ; et on pourrait citer d’autres exemples). L’Auteur laisse entendre
qu’il se base sur les témoignages qu’il a recueillis et ajoute, à la fin de l’ouvrage,
une longue liste de remerciements à l’égard de personnalités influentes, dont de nombreux
cardinaux. Mais, alors que l’identité des auteurs des témoignages positifs est clairement
indiquée, les déclarations négatives et les accusations les plus graves restent anonymes
même lorsqu’elles sont placées entre guillemets. En outre, plusieurs personnalités
qui sont remerciées à la fin du livre ont pris leur distance par rapport à cet ouvrage
dans lequel elles ne se reconnaissent pas.
Finalement, l’impression qui en
ressort est que Benoît XVI était entouré de démons. L’auteur semble avoir identifié
quelques adversaires auxquels il pense avoir le droit d’adresser non seulement des
critiques compréhensibles pour leurs erreurs ou pour des faits certifiés, mais aussi
les accusations les plus atroces de trahison, en allant au-delà de ce qui a été prouvé,
de ce qui est plausible et licite.
Dans ce sens, contrairement à son intention,
ce livre ne fait pas la lumière sur les tensions et les ombres de Vatileaks et annexes,
mais paradoxalement dans plusieurs de ses pages, il finit par en devenir une illustration
et un prolongement.
Et pourtant, nous espérions en être sortis, grâce à deux
Papes et à leur sagesse.
Par sa décision historique de renoncer au Pontificat,
en nous élevant dans une autre dimension, le Pape Benoît a contribué aussi à surmonter
définitivement le climat de bavardages, de médisances et de mesquinerie qui, malheureusement,
avait accompagné et assombri la dernière partie de son pontificat. Le Pape Benoît,
nous le savons, avait affronté avec patience et sagesse, l’aspect douloureux et obscur
des événements de la dernière partie de son pontificat. Il avait souhaité pour son
majordome un procès pénal et une peine équitable avant de le gracier pour mettre un
point final, conclusif et évangéliquement apaisant à ce triste chapitre. En chargeant
une Commission de trois cardinaux de mener une enquête, il avait aussi voulu porter
un regard objectif et impartial sur les événements, par le biais de contacts plus
larges et complexes qui n’auraient pu trouver place dans le cadre d’un procès pénal.
Cette enquête, elle aussi, s’est achevée avant la fin de son pontificat et, comme
on le sait, ses conclusions ont été remises personnellement et exclusivement à son
Successeur. Un acte d’une grande et admirable sagesse.
L’auteur du livre, qui
est à coup sûr un grand admirateur du Pape Benoît, ne semble pas en revanche en être
un bon disciple.
Par ailleurs, et cela devrait être absolument clair pour
tous, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du monde ecclésiastique, le Pape François
a acheminé son pontificat sur des voies nouvelles, en toute liberté par rapport au
passé, en projetant l’Église vers la mission et en envisageant les « réformes » en
fonction de ce caractère missionnaire, en s’efforçant de la libérer des pesanteurs
et des mesquineries qui l’entravent dans des dynamiques autoréférentielles et mondaines.
Par conséquent, si l’on a su saisir l’esprit de Benoît et celui de François,
on peut dire que l’exercice visant à ranimer le trouble, en soutenant des interprétations,
des hypothèses ou pire en attribuant des responsabilités et en lançant des accusations
qui sont loin d’être fondées, cet exercice va résolument à l’encontre de ce que les
deux Papes ont voulu et veulent. Bien entendu, chacun est libre d’assumer la responsabilité
de ses propos et d’écrire ce qu’il juge opportun. Mais permettez-moi de dire que quand
le Pape François fustige les bavardages, qui peuvent aller jusqu’à la calomnie – il
le fait souvent, comme on le sait, et il l’a fait à plusieurs reprises avec une fermeté
particulière le dimanche 16 février – il pense aussi à ce type d’ouvrages et de discours.
Dommage ! Ce que l’Auteur dit de Benoît XVI est beau. Pourquoi le gâcher de cette
façon ?