(RV) Entretien - L’Université pontificale du Latran accueillera à partir de
ce mardi 18 février et jusqu'au 20 février un important symposium pour célébrer le
cinquantenaire de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium » sur la Sainte
Liturgie, promulguée le 4 décembre 1963 par Paul VI. Un évènement organisé par la
Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements qui a pour thème
« Sacrosanctum Concilium - Gratitude et enseignement pour un grand mouvement de communion
ecclésiale ».
Cette Constitution est l’une des quatre grandes constitutions
promulguées par le Concile Vatican II. Elle prévoyait un renouveau liturgique et est
à la base d’une importante réforme dont les grands principes sont : une plus large
place accordée à l’emploi de la langue du pays, une participation active des fidèles
et une adaptation de la liturgie au caractère et aux traditions des différents peuples.
En 50 ans, ce texte a fait l’objet de diverses interprétations et a suscité de nombreuses
initiatives, qui n’ont pas toutes fait l’unanimité.
Ce symposium a pour objectif
non seulement de commémorer la constitution, de dresser un bilan de ses enseignements
mais aussi de poser un nouveau regard sur la réforme, c’est ce que nous explique Philippe
Chenaux, professeur d'histoire de l'Église moderne et contemporaine à l'université
du Latran à Rome. Il faisait partie des intervenants lors de la présentation du
symposium aux journalistes
La Constitution
a été adoptée en décembre 1963. Donc, quelques semaines après la promulgation de la
Constitution, en janvier 1964, Paul VI a constitué un organisme composé d’un certain
nombre d’évêques et de théologiens pour appliquer cette grande réforme de la liturgie
qui a été réclamée par le Concile et qui avait été elle-même préparée par ce qu’on
appelle « le mouvement liturgique ». C’est à la fois un point d’arrivée mais aussi
un point de départ. Donc, une réforme spectaculaire avec des interprétations
différentes et une dynamique qui s’est éloignée de l’esprit même du Concile. Avant
la fin du concile et au lendemain de la promulgation de la constitution, on assiste
à ce qu’on pourrait appeler une accélération de la réforme liturgique puisque le texte
prévoyait une large décentralisation pour l’application de la réforme. Donc, elle
reconnaissait un rôle assez important aux conférences épiscopales, ce qui explique
que par exemple, dans certains pays comme en France, un certain nombre d’initiatives
ont été prises, notamment pour ce qui concerne l’introduction du français dans la
liturgie. Ces initiatives sont peut-être aller au-delà de ce que prévoyait effectivement
le texte conciliaire parce que pour ce qui est de l’introduction des langues vivantes
dans la liturgie, si on lit la constitution Sancrosanctum Concilium, on voit qu’elle
ne prévoyait pas explicitement l’abandon complet du latin. Mais en quelques années,
on est arrivé à un abandon complet du latin dans la liturgie catholique. Il
y a eu, en quelque sorte, des erreurs d’interprétation. Jean-Paul II et Benoît XVI
ont même évoqué des déviations. Cet emballement, cette réforme liturgique a
été critiquée, a été controversée et elle a suscité notamment en France un mouvement
de contestations, de dissidences comme le mouvement de Mgr. Lefèvre qui en est arrivé
à contester toute l’œuvre du Concile. Le point de départ a été la contestation de
la réforme liturgique de la nouvelle messe, le nouveau rite de la messe promulgué
par Paul VI à la fin des années’60. Le soucis de Paul VI d’abord mais surtout de Jean-Paul
II et aussi de Benoît XVI, ça a été de tenter une réconciliation avec ces milieux-là
en manifestant une plus grande souplesse pour ce qui est de la célébration de la messe
et de la liturgie et selon l’ancien rite, le rite qui remontait au lendemain du concile
de Trente, le rite de Saint Pie V, précisément dans le soucis de refaire l’unité de
l’Église. Et donc , des concessions ont été faites et ont abouties , avec Benoît XVI,
en 2007, à la libéralisation complète de la pratique de l’ancien rite, donc ,de la
messe en latin. Cinquante ans après, quel est le bilan que l’on peut tirer
de l’application de cette constitution ? En tant qu’historien, je ne peux que
constater que ça a été la réforme emblématique du Concile. C’est celle qui a touché
de plus près les gens puisqu’elle concerne précisément la liturgie, la messe, les
sacrements, etc…Et qui a fait que pour beaucoup, notamment parmi les plus âgés, cette
réforme a pu donner l’impression que quelque chose avait changé dans leurs églises.
D’où les critiques, les contestations, etc…Donc, ça a été une réforme emblématique
mais aussi une réforme très contestée, très controversée sur laquelle certains ont
voulu revenir. On a pu parler d’une réforme, notamment de la réforme sous Benoît XVI.
Aujourd’hui, je pense que tout cela s’est un peu calmé et que le moment est peut-être
venu de poser un regard plus apaisé sur ce qui a été fait et cette réforme qui a été
tant critiquée a eu peut-être aussi une vertu normative dans le sens qu’elle a permis
de canaliser aussi certains excès, certaine initiatives qui sans elle, aurait peut-être
été, dans un sens, un plus grand éloignement par rapport au texte du concile. L’heure
est venue de redécouvrir le sens-même de cette constitution. Oui, l’heure est
venue de retourner, comme nous y invitait d’ailleurs le Pape Benoît XVI, au texte
de Vatican II, qui encore aujourd’hui, a sans doute beaucoup à nous apprendre. Mais
en même temps, je crois pas non plus qu’il faut en rester là. L’Église avance aussi
avec son temps. Donc, il y a aussi une réflexion d’actualisation qu’il convient de
faire sur ce que doit être, ce que signifie aujourd’hui la liturgie dans l’Église.