L'Église belge déplore la légalisation de l'euthanasie pour les mineurs
(RV) Entretien - Malgré l'opposition d'un certain nombre de pédiatres et de
l'Église catholique de Belgique, qui avait organisé ces derniers jours des veillées
de prières dans plusieurs villes, les députés belges ont décidé, jeudi, que les enfants
atteints d'une maladie incurable pourront désormais choisir l'euthanasie pour abréger
leurs souffrances. Le texte ne fixe pas d'âge minimum et devrait entrer en vigueur
dans les prochaines semaines.
Après les Pays-Bas, la Belgique est le deuxième
pays au monde à autoriser, sous de strictes conditions, l'euthanasie pour les mineurs.
L’Eglise catholique belge s'était, depuis mars dernier, engagée dans la bataille contre
le projet de loi qui étend l’euthanasie aux mineurs, rejointe par des responsables
orthodoxes, protestants et anglicans. Le père Tommy Scholtès, porte-parole des
évèques de Belgique, fortement attristé par ce vote, explique la position de l'Église
belge au micro de Cyprien Viet :
Quelle
est la réaction des évèques à la suite de ce vote ? Les évêques ont d’abord
envie d’exprimer leur solidarité avec toutes les personnes qui ont eu le courage de
dire leur opinion sans aucune ambiguïté. Bon, les évêques ne sont pas dans la capacité
directe de faire une action, si ce n’est de réagir vigoureusement et ils le font par
les communiqués qui sortent de mon ordinateur et avec la signature des évêques puisque
cette après-midi, tous les évêques ont vu les textes et les ont adaptés en fonction
de la situation. Et donc, voilà, il y a une réaction forte avec un très grand regret
et il y a surtout aussi une crainte que ceci ne soit en fait qu’une étape et qu’il
y ait encore d’autres possibilités qui pourraient aussi être extrêmement délicates,
voire encore plus délicates, si on peut aller dans l’aggravation de la situation avec
l’extension aux personnes handicapées, aux personnes démentes, aux personnes malades
mentales. Oui, il y a des choses qui sont extrêmement graves, il y a une pente qui
est extrêmement dangereuse. Nous prenons acte mais évidemment, nous n’acceptons pas.
Est-ce que l’observation de ce mouvement de libéralisation aussi vécu chez
vos voisins néerlandais, vous l’observez avec inquiétude ? Est-ce que vous parlez
aussi de la manière dont on peut agir face à ces évolutions sociétales avec les évêques
des Pays-Bas ? Effectivement, il y a quelques semaines, il y a eu une réunion
entre les évêques belges flamands et les évêques néerlandais et ce sujet est venu
sur la table tout en disant que, manifestement, il y avait une espèce d’opinion publique
qui confondait un peu tout. C’est un peu la même chose en Flandre et aux Pays-Bas.
D’abord, il y a une espèce de suprématie de la raison et de l’individualisme qui fait
que j’ai le droit de disposer de ma vie : c’est l’opinion exprimée le plus souvent
avec une espèce de grande peur de la souffrance et une espèce de confusion entre calmer,
apaiser une souffrance et à un moment donné, choisir, pour l’euthanasie. Alors que
ce n’est évidemment pas la même chose.
Il y a une espèce de courant qui existe
aujourd’hui qui est de croire que l’Église ne veut pas l’euthanasie parce qu’elle
glorifie la souffrance, ce qui n’est évidemment plus le cas ! Ca a peut-être été un
peu comme cela dans l’histoire, mais de grâce, les évêques de Belgique l’ont dit plusieurs
fois ces derniers mois, il faut absolument qu’on arrête la souffrance, qu’on apaise
la souffrance. Il faut aussi arrêter l’acharnement thérapeutique. Ce sont des choses
qui sont extrêmement claires au niveau de la morale catholique et il faut pouvoir
apaiser au maximum. C’est le message des évêques de Belgique et de dizaines de médecins
et de pédiatres, ici en l’occurrence, et nous ne cesserons de le redire mais il y
a une opinion publique qui est de plus en plus pour dire « s’il vous plaît, ne nous
laissez pas souffrir » . C’est aussi notre expression catholique : nous ne souhaitons
pas que quelqu’un souffre et nous serons quand même les prochains morts. Il n’y a
personne qui échappe à la fin de vie donc, on parle tous dans le même sens. Et je
pense que les gens ont vraiment peur de souffrir et aussi de dire qu’à un moment donné,
ça suffit.
Vu de Rome, on a l’impression que la Belgique, peut-être, comme
d’autres pays, comme l’Espagne, souffre d’une espèce de catho-phobie. On a l’impression
qu’il y a une incompréhension d’une très large part de l’opinion publique par rapport
à la doctrine chrétienne . Comment le ressentez-vous, sur place ? Oui, je crois
que c’est vrai qu’il y a eu une espèce de phénomène de sécularisation, comme on dit
souvent ici, qui relègue un petit peu les questions religieuses dans le secteur de
la vie privée et que la vie publique n’a pas le droit d’être marquée par des questions
religieuses, alors qu’il n’en est rien, évidemment. De notre point de vue, c’est pour
cela que les évêques de Belgique, ces dernières semaines en particulier, n’ont cessé
de susciter des pétitions à travers différentes initiatives. Historiquement, il y
a peut-être eu une période extrêmement forte où l’Église était non seulement porteuse
de valeurs morales mais peut-être aussi très forte au niveau d’un certain nombre de
lieux d’influence et je pense qu’il y a une espèce de pendule qui revient dans l’autre
sens en disant « mais aujourd’hui, les choses sont différentes et des gens qui ont
peut-être vécu à un moment donné une certaine pression de la part de l’Église, aujourd’hui
ont envie de dire : nous sommes capables de décider par nous-mêmes ».
Et c’est
la grande difficulté de l’Église d’aujourd’hui, d’être vraiment présente dans le débat
de la société, de manière moderne, mais en étant sûr de ce que nous avançons avec
la valeur de ce que nous apportons comme principe de vie dans le domaine de la morale
qui est de dire que la vie, on la reçoit, la vie, on la vit avec sérénité et s’il
y a de la souffrance, il faut essayer de l’apaiser mais ça ne veut pas dire autre
chose. Et on a vraiment du mal à accepter cette manière d’être aujourd’hui, c’est
vrai.
Est-ce que les médecins catholiques impliqués dans ces décisions
et les aumôniers des hôpitaux aussi, pourront avoir une sorte d’objection de conscience
? Est-ce qu’ils auront une marche de manœuvre pour dissuader, éventuellement, les
familles de demander ce geste fatal ? D’abord, il faut savoir que le geste
fatal dont on parle, c’est-à-dire l’euthanasie d’enfant, est quelque chose qui en
Hollande, a été utilisée, si je peux me permettre l’expression, cinq fois en douze
ans. Et donc, c’est une des premières réactions qu’on a eu : « cette loi n’est pas
nécessaire ». Ce qui montre aussi que cette loi est plutôt idéologique qu’autre chose.
Deuxièmement, il y a un droit, une objection de conscience. Ça fait partie de leurs
armes, de leurs arguments de dire « mais personne n’est obligé de pratiquer l’euthanasie
et on ne vous obligera jamais, on ne vous demandera jamais de pratiquer l’euthanasie
». Ce qui n’est qu’à moitié sûr et j’ai des raisons de croire qu’il y a de grands
dangers dans certaines situations. Mais clairement, il y a une objection de conscience
pour les médecins, pour tous ceux « intervenants » autour de l’euthanasie. Et il est
clair que les aumôniers accompagneront la réflexion. Mais il est probable aussi que
les personnes qui sont dans cette réflexion ne vont pas d’abord en parler aux aumôniers.
Mais je peux dire que certains aumôniers que je connais très bien sont associés à
ce genre de discussion quand des questions se posent dans un hôpital.