Journée de la Radio : au Sénégal « Gindiku FM » promeut la femme rurale
(RV) Au centre-ouest du Sénégal, plus de 150 000 villageois, mais aussi des responsables
politiques ou religieux ont branché leur radio sur le 105 Fm. C’est la fréquence sur
laquelle émet Gindiku FM depuis 2006. Il s’agit d’une radio un peu particulière puisque
sous le contrôle des femmes, elle œuvre à la promotion de la femme rurale. En sept
ans d’existence, cet espace d’expression a su s’imposer, devenant un levier d’influence
réel qui a permis à des centaines de Sénégalaises de gagner en autonomie et changer
de vie.
A l’occasion de la Journée mondiale de la Radio, célébrée ce jeudi
13 février, Marie Duhamel nous raconte l’histoire de cette radio de femmes :
Il y
a 22 ans dans la région de Thiès, face à la déferlante propagation du virus du sida,
une femme sénégalaise, Marième Kairé, décide de fonder une association pour répondre
aux inquiétudes de la population. C’est le début de centaines d’heures de route sur
les sentiers pour organiser des dizaines de conférences, mettre sur pied des kiosques
de santé et des groupes de promotion féminine dans quelques 140 villages. Après tout
cela, la création d’une radio s’est révélée nécessaire pour les femmes de l’Association
Rurale de Lutte contre le Sida (ARLS). Bintou Fall en est la coordinatrice :
«
Après de longues années de sensibilisation et la création de nombreuses infrastructures,
l’ARLS a jugé nécessaire de créer une radio pour pouvoir vulgariser ses activités
et promouvoir le développement du leadership des femmes en milieu rural. En même temps,
comme les villages étaient un peu lointains, l’association a voulu que le déficit
de communication soit rompu. C’est l’objectif même de la création de cette radio.
Ça n’a pas été si difficile de la mettre sur pied. D’abord, ARLS intervient dans un
milieu où elle est très crédible et en plus, les populations avaient envie que cette
radio soit créée parce qu’au début on allait dans les villages, et dans les autres
contrées, avec des mégaphones. Alors, les femmes ont jugé nécessaire de créer une
radio pour que cela puisse avoir une portée plus lointaine. »
85 femmes-reporters
En
2006, la radio voit le jour et aujourd’hui au siège de Thiébana, ils sont une petite
dizaine, essentiellement des femmes, en charge de la technique, de l’animation et
des programmes. Ils parlent de santé, d’agriculture, d’élevage ou des problèmes que
rencontrent les femmes sur le terrain. L’association a formé un réseau de 85 femmes-reporters
choisies par les groupes de promotion féminines dans les villages. Parmi elles, Adama
Diot du village de Tasset :
«Je reporte toutes les activités sociales,
économiques de la localité, surtout aussi la situation de la femme parce qu’au début
les femmes ne prenaient pas la parole. Avant la radio, on était dans la soumission,
presque. On décidait à notre place. Parce que pour la tradition, la femme devait rester
dans son foyer, éduquer et faire à manger. Donc il fallait tenir compte de leurs problèmes
pour motiver les femmes, et faire des plaidoyers pour qu’elles assistent à des réunions,
pour qu’elles se défendent personnellement. Ca a changé pour les femmes en général,
mais il y avait des hommes qui ne voulaient pas que ça se passe comme ca.»
Et
cela fut le cas quand les femmes ont cherché à participer à la gestion de l’école
à Tasset. Adama Diot :
«L’école de Tasset a été instituée en 1957. Chaque
école a une association de parents d’élèves pour veiller à régler certains problèmes
que le gouvernement n’est pas en mesure de gérer. Donc cette association de parents
(APE) entre 1957 et 2000, n’a été renouvelée qu’une fois. Et non seulement on ne renouvelait
pas cette instance, mais les femmes n’étaient pas présentes. Or chez nous, l’enfant
est avec sa maman jusqu’à l’âge de 18 ans. C’est elle qui gère. Maintenant, tous les
deux ans, on doit renouveler les APE et les femmes doivent être dans ces instances
pour prendre des décisions concernant leurs enfants.
Au moment où on
a fait cette révolution et que les femmes ont pris place dans les APE, 7 jours plus
tard, on a eu un sabotage très dangereux pour l’école. On a ouvert les classes, les
armoires, les livres. Tout le matériel pédagogique était exposé dans la cour et c’était
les grandes vacances. Heureusement, les membres de l’APE n’étaient pas loin et on
a évité que les livres soient inondés. On a voulu nous faire peur pour nous décourager.
Mais après cette dévastation, on a fait ce qu’on devait faire, on a porté plainte
contre X et on a continué notre travail. »
Droit à l'information et
bonne gouvernance
Le droit à l’information est un principe fondamental
de la bonne gouvernance et la radio a permis aux femmes rurales de Thiès de connaitre
leur droit, comme celui de l’accès à la terre, mais aussi de développer leurs connaissances
pour briguer des postes de responsabilité, comme dans les associations de forages.
Dans leur village, les femmes ne sont plus figurantes, mais actrices de leur vie.
La radio a joué et joue un rôle de sentinelle pour défendre les causes qui leurs sont
propres. Si ce ne fut pas toujours le cas, aujourd’hui tout le monde semble s’en féliciter
comme nous l’explique Bintou Fall :
«Vraiment, on sent que la population
s’approprie le programme de la radio. Les leaders des villages environnants, au niveau
local et même régional, nous ont interpelées pour nous signifier leur reconnaissance
et nous parler de l’impact des émissions de la radio sur la population. Il
y a une femme qui nous a dit que la radio l’a construite. Avant elle se fâchait trop.
Elle ne s’intéressait pas aux activités de développement. Mais dès qu’elle a été cooptée
comme femme-reporter de son village, cela a changé. Elle se sent leader maintenant.
Elle a comme un sacerdoce avec elle, c’est de pouvoir satisfaire son village et devenir
une meilleure femme-reporter.»
Forte de son succès sur un rayon de plus
de 70 km, la radio Gindiku est sollicitée par de nombreux villages de la région, qui
eux aussi voudraient leurs femmes-reporters, mais pour l’instant, c’est impossible.
La radio manque de moyens pour les former et leur fournir du matériel.
Pour
prendre contact avec la Radio Gindiku FM :
Adresse : Kairé Hall, BP 02
Khombole, Thiès. Sénégal Téléphone : + 221 33 953 1954 Mail : arlskaire@yahoo.fr
Photo
: une des femmes-reporter de la radio Gindiku FM