Journée du malade : des « maisons partagées » pour vivre avec le handicap
(RV) La 22e Journée mondiale du Malade, ce mardi 11 février, a cette année pour thème
« Foi et charité : ‘nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères’ ».
Cette phrase tirée de l’Evangile selon Saint Jean a une résonnance particulière pourl’association Simon de Cyrène.
Cette association a lancé le concept de
maisons partagées, où des personnes frappées par le handicap au cours de leur vie
(à la suite d’un accident cardiovasculaire ou d’un traumatisme grave) vivent avec
des personnes valides. Grâce aux progrès de la médecine, les victimes de ces traumatismes
restent en vie mais après le coma, le handicap pose la question du nouveau sens à
donner à leur existence. L’idée des maisons partagées est donc de briser la solitude
et de créer une « famille d’amis ».
Laurent de Cherisey, directeur général
de l’association Simon de Cyrène, explique à Jean-Baptiste Cocagne ce projet centré
sur le « vivre ensemble », inspiré par l’esprit de l'Arche de Jean Vanier.
La convivialité
et la gratuité du partage
Dans la Bible, Simon de Cyrène est un passant
réquisitionné par un soldat romain pour aider le Christ à porter sa croix au moment
de la Passion. Sans l’avoir prévu, il se retrouve donc directement confronté à la
souffrance et découvre le Christ. C’est cet esprit qui anime l’association qui porte
désormais son nom.
Grâce au film Intouchables, deuxième plus grand succès
de l’histoire du box-office français avec 19,44 millions d’entrées en 2011, l’association
Simon de Cyrène a touché 5 centimes par place vendue. De quoi financer la construction
d’une nouvelle maison partagée. Ce versement avait été négocié par Philippe Pozzo
di Borgo, ancien patron devenu tétraplégique après un accident de parapente et dont
la vie a inspiré le film. Il est aujourd’hui président d’honneur de l’association
Simon de Cyrène.
La Journée mondiale du Malade
Depuis 1992, le
11 février, mémoire liturgique de Notre-Dame de Lourdes, l’Eglise célèbre tous les
ans, la Journée mondiale du Malade. L’accompagnement des personnes souffrantes est
une priorité évangélique. Sous l’inspiration de Jean-Paul II, cette journée rappelle
la dignité de toute personne, malade ou âgée. Elle est dédiée autant aux malades qu’aux
personnes qui les assistent au quotidien : parents, amis, personnel médical.
Pouvez-vous
nous présenter votre association ? L’association Simon de Cyrène a ouvert une
première maison il y a maintenant quatre ans pour répondre à une demande extrêmement
forte, de personnes qui ont basculé dans le handicap en cours de vie avec des accidents
de voiture, des accidents vasculaires cérébraux,… un peu toutes les conséquences de
la vie moderne avec sa vitesse et son stress. Grâce aux progrès de la médecine d’urgence,
ils demeurent en vie et se réveillent après 6-8 mois de coma avec une bonne mémoire
de leur vie d’ avant et le constat qu’ils sont bloqués dans leur projets économiques,
affectifs et beaucoup d’autres projets de vie à cause du handicap physique, psychique
et cognitif qui résulte de leur handicap et des lésions cérébrales sévères acquises.
Face à cela, dans une société post-moderne qui nous dit que notre vie n’est efficace
que s’il on est rentable et performant, la grande question, pour des personnes qui
basculent dans une grande dépendance comme cela, est « quel est le sens de me garder
en vie ? ». Le cheminement qu’on a eu depuis une dizaine d’années vient certainement
des hommes et des femmes handicapés valides qui ont pris goût, qui ont pris plaisir
à reconstruire un projet de vie qui est fondé sur l’amitié, sur le goût de l’autre,
sur le goût de préparer un repas ensemble, sur le goût de se retrouver, nourri par
l’expérience des communautés de l’Arche de Jean Vanier et par d’autres expériences
pilotes qu’on a vues en Europe. On a créé une approche très innovante où on regroupe
de l’habitat social et on fait cohabiter dans de grandes maisons partagées des personnes
handicapées et valides. On a des tables d’hôtes, on invite les gens seuls et on recrée
vraiment un art du vivre-ensemble.
Comment s’organise la vie au quotidien
dans ces maisons partagées ? À quoi ressemble les activités qu’on peut y faire ? Quelles
sont les personnes qui y vivent ? C’est tout simple, c’est comme une grande
famille. Ce sont des maisons qui font à peu près 500 m², comme une très grande maison
familiale. Il y a 11 logements : chacun a son studio avec sa kitchenette, sa salle
de bain. Donc on n’est pas obligé de la vie communautaire. En revanche, au milieu
de la maison, il y a 50 m² avec salon, salle à manger, cuisine, c’est très chaleureux
! Les 11 résidents choisissent de préparer le repas ensemble, de faire la fête, d’inviter
des amis, etc. Sur les 11 résidents, il y en a 6 qui ont eu un accident et qui sont
handicapés et il y en a 4 qui sont des assistants : soit des salariés, soit des jeunes
qui viennent passer une année comme volontaire et qui découvrent cet art du vivre-ensemble,
qui découvrent le dépassement de la peur de la fragilité et qui construisent vraiment
cette société humaine à laquelle on aspire tous.
Cette 22° journée mondiale
des malades a pour thème « Foi et charité : nous devons, nous aussi, donner notre
vie pour nos frères ». C’est le message retenu par le Pape François. Est-ce que ça
fait écho à votre association ? Ça fait profondément écho à l’appel évangélique.
Lorsque l’Évangile nous parle de l’option préférentielle des pauvres, on a souvent
une mauvaise compréhension ou on a l’impression qu’il faut faire un effort difficile
pour aller vers les plus pauvres, se pencher vers eux. Mais en fait, toute l’expérience
lumineuse de la foi et de la charité dans le sens profond dans lequel le Christ nous
invite, c’est de se rendre compte que le plus petit, le plus pauvre, on peut en avoir
peur parce qu’il est fragile, parce qu’il est différent, parce que son corps peut
être abimé mais quand on le rencontre, il nous invite à tomber notre propre peur,
à tomber les masques et il nous fait goûter ce chemin de la grande joie, ce chemin
du grand bonheur qui est ce chemin de cette relation gratuite, le chemin de la fraternité.
C’est profondément l’appel du Christ à ses disciples. Cette option préférentielle
qui fait que le plus pauvre nous emmène au Christ, c’est ce que disait Saint Vincent
de Paul.
Pourquoi avoir donné « Simon de Cyrène » comme nom à votre association
? Simon de Cyrène est cet homme réquisitionné par un soldat romain pour aider
le Christ à porter sa croix sur le Golgotha. Ce choix de nom pour notre association
est venu d’une personne handicapée, Marianne, qui disait « Mais moi, avec mon handicap,
je porte une croix que je n’ai pas choisie ». C’est vrai que souvent, dans la vie,
on a envie de choisir mais il y a beaucoup de choses qu’on ne choisit pas. Le mystère
chrétien, c’est que je crois que Dieu nous appelle, nous invite à consentir pour nous
permettre de passer par la croix pour aller vers la Résurrection. C’est toute l’espérance
chrétienne. Dans la promesse de Simon de Cyrène, il y a le fait que lorsqu’on partage
la croix, elle est plus légère et elle nous permet de cheminer vers la Résurrection.