(RV) Entretien - Un an déjà depuis l’annonce par Benoît XVI de sa renonciation
au Siège de Pierre. Un geste qui a marqué les esprits, après avoir dans un premier
temps surpris. Du reste, personne n’était vraiment préparé à une telle décision ,
même si on l’avait parfois évoqué comme une possibilité, mais pour mieux peut-être
l’écarter. Un an plus tard, Hélène Destombes a interrogé le père Federico Lombardi,
directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, et de Radio Vatican, ancien porte-parole
du Pape Benoît XVI, devenu ensuite celui de son successeur.
Dans une autre
interview donnée à notre collègue Alessandro Gisotti, le père Lombardi est le premier
à reconnaître qu’il s’agissait pour la grande majorité des gens d’un geste incroyable,
surprenant, alors que son entourage plus proche avait déjà compris qu’il menait une
réflexion sur cette question, il en avait même parlé explicitement dans son entretien
avec Peter Seewald, pas mal de temps auparavant. « C’est un thème sur lequel le
Pape priait, réfléchissait, menait un discernement spirituel. »
Pour le
père Lombardi, le Pape lui-même, dans les mots choisis pour l'annoncer, concis mais
denses, nous a expliqué les critères qui avaient guidé sa décision. « Cela m’a
semblé en tout cas un grand acte de gouvernance, c'est-à-dire une décision prise librement
qui a de véritables conséquences sur la situation et dans l’Histoire de l’Eglise.
Une décision prise avec une grande profondeur spirituelle, une grande préparation
d’un point de vue de la réflexion, de la prière ».
Clarté et foi ont
porté à ce geste courageux
Et le père Lombardi d’évoquer le courage du
Pape Benoît face à une décision pratiquement sans précédent, avec tant de conséquences
pour le futur, et d’inconnues, notamment la réaction du peuple de Dieu et des gens
en général. « La clarté, la foi qui ont mené à ce geste ont donné au Pape la sérénité
et la force nécessaires pour le décider, et affronter ainsi une situation nouvelle
qu’il a vécue directement durant plusieurs semaines, et que l’Eglise a vécu aussi,
avec ensuite l’élection du nouveau Pape. » Pour le père Lombardi, le Pape Benoît
a vraiment accompagné l’Eglise dans toute ce cheminement.
A la question de
la cohabitation entre les deux papes, et des craintes avancées à l’époque par «
certains experts », le Père Lombardi confie qu’il n’avait déjà à l’époque aucune
crainte, car « la papauté est un service et non un pouvoir ». Il reconnaît
certes que si les choses sont vécues en terme de pouvoir, alors oui deux personnes
peuvent avoir des difficultés à cohabiter, le fait de renoncer à un pouvoir peut s’avérer
alors difficile, comme de cohabiter avec son successeur. Mais si tout est vécu sous
le signe du service, alors en pleine conscience, on peut passer le témoin de ce service
à une autre personne qui avec la même attitude de service et en pleine liberté de
conscience mènera cette tâche. « Il existe une solidarité spirituelle profonde
entre les Serviteurs de Dieu qui recherchent le bien du peuple de Dieu dans le service
du Seigneur. »
Cet homme de prière vit une vie normale
Le
père Lombardi, partant de souvenirs personnels, tient à souligner que Benoît XVI a
toujours été un homme de prière, durant toute sa vie, et qu’il « désirait probablement
pouvoir bénéficier dans sa vie d’un moment pour pouvoir vivre cette dimension de la
prière avec plus de temps, de manière plus totale et profonde. Et il le vit ce moment,
actuellement. » Sur cette vie actuelle du Pape émérite, le père Lombardi parle
de « discrétion, sans dimension publique, mais cela ne veut pas dire qu’il vive
de manière isolée, enfermé comme dans la clôture d’un monastère. Il vit la vie normale
d’une personne âgée, une personne âgée religieuse : c'est-à-dire une vie de prière,
de réflexion, de lecture, d’écriture, au sens qu’il répond au courrier qu’il reçoit.
De discussions, de rencontres avec des personnes qui lui sont proches, qu'il rencontre
volontiers, avec qui il juge utile d'avoir un dialogue, qui lui demandent des conseils
ou une proximité spirituelle ».
« Et donc la vie d’une personne riche
spirituellement, de grande expérience, dans un rapport discret avec les autres. Il
ne manque que la dimension publique à laquelle nous étions habitués, lorsqu’il était
Pape. Un vie normale donc de rapports, dont celui avec son successeur, le Pape François,
dont des moments de rencontre personnelle. (...) Et puis il y a les autres formes
de contacts, le téléphone et les messages qui peuvent être envoyés » , souligne
encore le père Lombardi qui affirme pour conclure que, pour lui-même « et pour
l'Eglise, Benoît XVI est le Grand Ancien, le sage, disons même le saint (...) qui
nous invite à la sérénité, parce qu’il donne lui-même vraiment une impression de
grande sérénité spirituelle. Il a conservé son sourire qui nous était habituel quand
nous le rencontrions dans les beaux moments, et ce sourire nous invite à aller de
l'avant, avec confiance et espérance ».