Le Père Hans Zollner commente le rapport ONU sur les abus
(RV) Revenons sur le rapport du Comité des Droits de l'enfant des Nations unies publié
mercredi sur l’action du Saint-Siège concernant les abus sexuels sur mineurs commis
par des membres du clergé. Un texte dur contre l’Église et dont les auteurs ne semblent
pas avoir pris en considération les actions et les mesures prises par les autorités
ecclésiales, aussi bien au niveau du Saint-Siège qu’au niveau des conférences épiscopales
nationales.
Le Père Hans Zollner, responsable du Centre pour la protection
de l’enfance de l’Université Grégorienne, revient sur le rapport et sur les conséquences
éventuelles qu’il peut avoir pour l’Eglise.
Le rapport n’est pas complétement
négatif envers l’Église. Il y a de nombreux points où la commission des Nations unies
reconnaît que les choses changent et progressent au sein de l’Église. Deuxièmement,
ce que l’on remarque et que l’on ne prend pas en considération est la tentative et
la volonté déjà exprimée par Benoît XVI et le Pape François, de faire de la lutte
contre les abus une des missions principales de l’Église, comme ils l’ont répété à
plusieurs reprises. Ensuite, on ne comprend pas bien comment des thématiques comme
l’avortement, la contraception et l’homosexualité figurent dans le rapport. Ces thèmes
n’ont certainement pas de lien mais l’on voit que d’une certaine manière, ils devaient
figurer dans le rapport, que quelqu’un les y a mis comme pour dire « l’Église doit
évoluer sur la morale sexuelle ».
L’Église, comme vous l’avez souligné,
est en train de combattre cette terrible plaie des abus. Selon vous, quel effet pour
avoir le rapport sur cet engagement ? C’est difficile à dire. Cela représentera
certainement un stimulus pour aller de l’avant et pour individualiser, d’une part
les domaines où nous devons dire ce que nous faisons déjà, et d’autre part, les domaines
où nous devons vraiment travailler davantage et où nous devons avoir des résultats
concrets. C’est ce qu’a dit Mgr. Scicluna, qui a été pendant dix ans le Promoteur
de Justice. Mais je dois dire également que cette accusation, comme celle de cette
commission, au moins pour certaines parties du rapport, n’aide pas à motiver les gens
dans l’Église à aller de l’avant car peu importe ce que nous faisons, ça n’est pas
reconnu. C’est donc aussi un peu décevant, le travail accompli n’est pas pris en considération.
Il est aussi sûrement injuste de pointer du doigt uniquement ces choses, dont les
Papes parlent d’ailleurs depuis des années comme la plaie ouverte au sein de l’Église.
Dans différents passages, le rapport attaque quand même de façon frontale
la morale catholique. Selon vous, quel est le fruit de cette attaque ? D’un lobby
? Y-a-t-il une dérive idéologique, comme l’a par exemple affirmé Mgr Tomasi à Genève
? Dans le rapport-même, il y a aussi d’autres accusations fortes. La présidente
de la Commission a malheureusement réagi de façon péremptoire en disant que ce qu’a
fait l’Église n’est pas suffisant. Évidemment, c’est la question du verre à moitié
plein ou à moitié vide. Aucune autre institution mondiale n’a, comme l’Église, autant
essayé d’aller de l’avant dans la lutte contre les abus. Il y a eu de nombreuses erreurs,
des péchés et des crimes commis par des membres de l’Église et des prêtres. Mais dire
que l’Église ne fait rien, cela ne me semble pas objectif. Au contraire, cela me semble
peut-être une tentative, je ne sais pas si l’on peut la qualifier de mauvaise ou non,
de dire qu’on ne prend pas sérieusement en considération ce que l’Église a mis en
œuvre. On ne comprend pas.
Selon moi, il y a beaucoup de confusion. Il y a
l’image d’une Église qui fonctionnerait comme un organe de contrôle de chaque catholique,
de chaque église locale, de chaque paroisse et de chaque diocèse. Dans les faits,
ça ne fonctionne pas de cette manière. Je vois également une ambivalence dans le rapport
parce que d’une part, ils reconnaissent cette situation et de l’autre, ils demandent
par exemple quelque chose d’absurde : que l’Église puisse contrôler toutes les dépenses
en faveur des enfants. Comme si dans chaque garderie, dans chaque école, dans chaque
université, dans chaque paroisse et dans chaque diocèse, le Pape devait signer le
budget. Ce sont des choses irréalisables. L’évaluation de ce document est assez complexe
car il n’est pas aussi univoque, mais de l’autre côté, il y a des choses injustes
et des accusations disproportionnées.
Tous les jours, des enfants sont malheureusement
victimes de guerre et de faim dans beaucoup d’endroits du monde. Selon vous, pourquoi
les médias accordent-ils cette grande attention, presque obsessionnel sur cet aspect
des mineurs au Vatican ? Mon interprétation est la suivante : l’Église se considère
comme le gardien des valeurs humaines et chaque infraction commise à leur encontre
nous met dans une position où nous devons également admettre que beaucoup d’entre
nous ne vivent pas ce que nous proposons , ce que nous professons et le message que
nous diffusons. C’est certainement quelque chose de justifié dans l’observation faite
par les médias et la société en général. De l’autre côté, l’Église catholique est
vue comme un organisme unique. Moi, si je suis prêtre, j’ai une certaine co-responsabilité
pour ce que fait mon confrère prêtre. S’il commet un abus, je suis moi aussi d’une
certaine manière indirectement accusé de faire partie de cet organisme qui ne l’a
pas suffisamment poursuivi. Il y a quelque chose en rapport avec cette image de l’Église
co-responsable en tous points. Je pense que personne ne peut réellement juger d’où
vient cette obsession des médias sur l’Église catholique. Mais au moins, cela nous
pousse à aller de l’avant, à ne pas ralentir notre effort commun avec tant de personnes
de bonne volonté à l’intérieur de l’Église mais aussi à l’extérieur, qui veulent faire
de l’Église un organisme, une réalité où les enfants puissent vraiment vivre ce que
Jésus lui-même nous a donné comme mission : que ces enfants soient protégés dans leur
développement qui ne doivent pas être bloqués par ces graves crimes et péchés.