Message du Pape à l’occasion de la Journée mondiale des Moyens de communications sociales
Pour la Journée mondiale des Moyens de communications sociales, le Pape François a
choisi le thème de : La communication au service d’une authentique culture de la rencontre. Cette
Journée se célèbrera le 1er juin prochain. Et le Pape a choisi ce jeudi 23 janvier,
veille de la Fête de Saint-François de Sales, le patron des journalistes, pour réaffirmer
dans un message que la réalité de nos jours, avec un monde devenant de plus en plus
petit du fait du développement des transports et des technologies donne l’illusion
que les hommes se rapprochent et deviennent interdépendants. C’est une illusion car,
note le Pape, « au sein de l'humanité persistent des divisions. Au niveau mondial,
nous voyons l'écart scandaleux entre le luxe des plus riches et la misère des plus
pauvres. Souvent il suffit d'aller dans les rues d'une ville pour voir le contraste
entre les personnes vivant sur les trottoirs et les lumières étincelantes des boutiques.
Nous y sommes tellement habitués que cela ne nous frappe plus ». C’est pourquoi,
poursuit le Pape, « les médias peuvent contribuer à nous faire sentir plus proches
les uns des autres; à nous faire percevoir un sens renouvelé de l'unité de la famille
humaine, qui pousse à la solidarité et à l'engagement sérieux pour une vie plus digne.
Bien communiquer nous aide à nous rapprocher et à mieux nous connaître les uns les
autres, à être plus unis. Les murs qui nous divisent ne peuvent être surmontés que
si nous sommes prêts à nous écouter et à apprendre les uns des autres. Nous avons
besoin de régler les différences à travers des formes de dialogue qui nous permettent
de grandir dans la compréhension et le respect. La culture de la rencontre exige que
nous soyons disposés non seulement à donner, mais aussi à recevoir des autres.
Mais
le Pape met aussi en garde contre la vitesse d’une information qui dépasse nos capacités
de jugement ; la variété des opinions qui peut être perçue comme une richesse mais
dans laquelle il est possible aussi de s’enfermer. « Ces limites sont réelles, pourtant
elles ne sauraient justifier un rejet des médias sociaux ; elles nous rappellent plutôt
que la communication est, en définitive, une conquête plus humaine que technologique.
»
« Lorsque la communication est destinée avant tout à pousser à la consommation
ou à la manipulation des personnes, nous sommes confrontés à une agression violente
comme celle subie par l'homme blessé par les brigands et abandonné au bord de la route,
comme nous le lisons dans la parabole. Il ne suffit pas de passer le long des « routes
» numériques, c'est-à-dire simplement d’être connecté : il est nécessaire que la connexion
s'accompagne d’une rencontre vraie. L’implication personnelle est la racine même de
la fiabilité d'un communicateur. Pour cette raison, le témoignage chrétien, grâce
au réseau, peut atteindre les périphéries existentielles. Je le répète souvent : entre
une Église accidentée qui sort dans la rue, et une Église malade d’autoréférentialité,
je n’ai pas de doutes : je préfère la première. Et les routes sont celles du monde
où les gens vivent, où l’on peut les rejoindre effectivement et affectivement. »,
affirme encore le Pape dans son message.
Une conférence de présentation de
ce message s’est tenue au Vatican jeudi ; elle était donnée par Mgr Claudio Maria
Celli, président du Conseil pontifical des Moyens de communications sociales.
L’intégralité
du message du Pape pour la 48ème journée mondiale des communications sociales :
La communication au service d’une authentique culture de la rencontre 1 juin
2014 Message du Saint Père Chers frères et sœurs, Aujourd'hui nous vivons
dans un monde qui devient de plus en plus « petit » et où il semblerait alors facile
de se faire proches les uns des autres. Le développement des transports et des technologies
de communication nous rapprochent, nous connectant toujours plus, et la mondialisation
nous rend interdépendants. Cependant, au sein de l'humanité persistent des divisions,
parfois très marquées. Au niveau mondial, nous voyons l'écart scandaleux entre le
luxe des plus riches et la misère des plus pauvres. Souvent il suffit d'aller dans
les rues d'une ville pour voir le contraste entre les personnes vivant sur les trottoirs
et les lumières étincelantes des boutiques. Nous y sommes tellement habitués que cela
ne nous frappe plus. Le monde souffre de nombreuses formes d'exclusion, de marginalisation
et de pauvreté ; ainsi que de conflits où se mélangent les causes économiques, politiques,
idéologiques et, malheureusement, même religieuses. Dans ce monde, les médias peuvent
contribuer à nous faire sentir plus proches les uns des autres; à nous faire percevoir
un sens renouvelé de l'unité de la famille humaine, qui pousse à la solidarité et
à l'engagement sérieux pour une vie plus digne. Bien communiquer nous aide à nous
rapprocher et à mieux nous connaître les uns les autres, à être plus unis. Les murs
qui nous divisent ne peuvent être surmontés que si nous sommes prêts à nous écouter
et à apprendre les uns des autres. Nous avons besoin de régler les différences à travers
des formes de dialogue qui nous permettent de grandir dans la compréhension et le
respect. La culture de la rencontre exige que nous soyons disposés non seulement à
donner, mais aussi à recevoir des autres. Les médias peuvent nous aider dans ce domaine,
surtout aujourd'hui, alors que les réseaux de communication humaine ont atteint une
évolution extraordinaire. En particulier, l'Internet peut offrir plus de possibilités
de rencontre et de solidarité entre tous, et c'est une bonne chose, c’est un don de
Dieu. Il y a cependant des aspects problématiques : la vitesse de l’information
dépasse notre capacité de réflexion et de jugement et ne permet pas une expression
de soi mesurée et correcte. La variété des opinions exprimées peut être perçue comme
une richesse, mais il est également possible de s’enfermer dans une sphère d'informations
qui correspondent seulement à nos attentes et à nos idées, ou même à des intérêts
politiques et économiques déterminés. L'environnement communicatif peut nous aider
à grandir ou, au contraire, à nous désorienter. Le désir de connexion numérique peut
finir par nous isoler de notre prochain, de nos plus proches voisins. Sans oublier
ceux qui, pour diverses raisons, n'ont pas accès aux médias sociaux, et risquent d'être
exclus. Ces limites sont réelles, pourtant elles ne sauraient justifier un rejet
des médias sociaux ; elles nous rappellent plutôt que la communication est, en définitive,
une conquête plus humaine que technologique. Par conséquent, qu’est-ce qui nous aide
dans l'environnement numérique à grandir en humanité et dans la compréhension mutuelle
? Par exemple, nous devons retrouver un certain sens de la lenteur et du calme. Ce
qui demande du temps et la capacité de faire silence pour écouter. Nous avons également
besoin d’être patients si nous voulons comprendre celui qui est différent de nous
: la personne s'exprime pleinement non pas quand elle est simplement tolérée, mais
lorsqu’elle se sait vraiment accueillie. Si nous désirons vraiment écouter les autres,
alors nous apprendrons à regarder le monde avec des yeux différents, et à apprécier
l'expérience humaine comme elle se manifeste dans différentes cultures et traditions.
Mais nous saurons également mieux apprécier les grandes valeurs inspirées par le christianisme,
comme la vision de l'homme en tant que personne, le mariage et la famille, la distinction
entre la sphère religieuse et la sphère politique, les principes de solidarité et
de subsidiarité et bien d'autres. Alors, comment la communication peut-elle être
au service d'une authentique culture de la rencontre ? Et pour nous, les disciples
du Seigneur, que signifie rencontrer une personne selon l'Évangile ? Comment est-il
possible, malgré toutes nos limites et nos péchés, d’être vraiment proches les uns
des autres ? Ces questions se résument à celle qu'un jour, un scribe c'est-à-dire
un communicateur, posa à Jésus : « Et qui est mon prochain? » (Lc 10, 29). Cette question
nous permet de comprendre la communication en termes de proximité. Nous pourrions
la traduire ainsi : comment se manifeste la « proximité » dans l'utilisation des moyens
de communication et dans le nouvel environnement créé par les technologies numériques
? Je trouve une réponse dans la parabole du bon Samaritain, qui est aussi une parabole
du communicateur. Celui qui communique, en effet, se fait proche. Et le bon Samaritain
non seulement se fait proche, mais il prend en charge cet homme qu’il voit à moitié
mort sur le bord de la route. Jésus renverse la perspective : il ne s’agit pas de
reconnaître l'autre comme mon semblable, mais de ma capacité de me faire semblable
à l’autre. Communiquer signifie alors prendre conscience d’êtres humains, enfants
de Dieu. J’aime définir ce pouvoir de la communication comme « proximité ». Lorsque
la communication est destinée avant tout à pousser à la consommation ou à la manipulation
des personnes, nous sommes confrontés à une agression violente comme celle subie par
l'homme blessé par les brigands et abandonné au bord de la route, comme nous le lisons
dans la parabole. En lui le lévite et le prêtre ne considèrent pas leur prochain,
mais un étranger dont il valait mieux se tenir à distance. À ce moment, ce qui les
conditionnait, c’étaient les règles de pureté rituelle. Aujourd'hui, nous courons
le risque que certains médias nous conditionnent au point de nous faire ignorer notre
véritable prochain. Il ne suffit pas de passer le long des « routes » numériques,
c'est-à-dire simplement d’être connecté : il est nécessaire que la connexion s'accompagne
d’une rencontre vraie. Nous ne pouvons pas vivre seuls, renfermés sur nous-mêmes.
Nous avons besoin d'aimer et d’être aimés. Nous avons besoin de tendresse. Ce ne sont
pas les stratégies de communication qui en garantissent la beauté, la bonté et la
vérité. D'ailleurs le monde des médias ne peut être étranger au souci pour l'humanité,
et il a vocation à exprimer la tendresse. Le réseau numérique peut être un lieu plein
d'humanité, pas seulement un réseau de fils, mais de personnes humaines. La neutralité
des médias n'est qu'apparente : seul celui qui communique en se mettant soi-même en
jeu peut représenter un point de référence. L’implication personnelle est la racine
même de la fiabilité d'un communicateur. Pour cette raison, le témoignage chrétien,
grâce au réseau, peut atteindre les périphéries existentielles. Je le répète souvent
: entre une Église accidentée qui sort dans la rue, et une Église malade d’autoréférentialité,
je n’ai pas de doutes : je préfère la première. Et les routes sont celles du monde
où les gens vivent, où l’on peut les rejoindre effectivement et affectivement. Parmi
ces routes, il y a aussi les routes numériques, bondées d'humanité, souvent blessée
: hommes et femmes qui cherchent un salut ou une espérance. Aussi grâce au réseau,
le message chrétien peut voyager « jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Ouvrir
les portes des églises signifie aussi les ouvrir dans l'environnement numérique, soit
pour que les gens entrent, quelles que soient les conditions de vie où ils se trouvent,
soit pour que l'Évangile puisse franchir le seuil du temple et sortir à la rencontre
de tous. Nous sommes appelés à témoigner d’une Église qui soit la maison de tous.
Sommes-nous en mesure de communiquer le visage d'une telle Église ? La communication
contribue à façonner la vocation missionnaire de l'Église tout entière, et les réseaux
sociaux sont aujourd'hui l'un des endroits pour vivre cet appel à redécouvrir la beauté
de la foi, la beauté de la rencontre avec le Christ. Même dans le contexte de la communication
il faut une Église qui réussisse à apporter de la chaleur, à embraser le cœur. Le
témoignage chrétien ne se réalise pas avec le bombardement de messages religieux,
mais avec la volonté de se donner soi-même aux autres « à travers la disponibilité
à s'impliquer avec patience et respect dans leurs questions et leurs doutes, sur le
chemin de la recherche de la vérité et du sens de l'existence humaine. » (Benoît XVI,
Message pour la 47ème Journée mondiale des communications sociales, 2013). Pensons
à l'épisode des disciples d'Emmaüs. Il faut savoir entrer en dialogue avec les hommes
et les femmes d'aujourd'hui, pour en comprendre les attentes, les doutes, les espoirs,
et leur proposer l'Évangile, c’est-à-dire Jésus Christ, Dieu fait homme, mort et ressuscité
pour nous libérer du péché et de la mort. Le défi nécessite profondeur, attention
à la vie, sensibilité spirituelle. Dialoguer signifie être convaincu que l'autre a
quelque chose de bon à dire, faire de la place à son point de vue, à ses propositions.
Dialoguer ne signifie pas renoncer à ses propres idées et traditions, mais à la prétention
qu’elles soient uniques et absolues. Que l'icône du bon Samaritain, qui soigne
les blessures de l'homme blessé en y versant de l’huile et du vin, soit notre guide.
Que notre communication soit une huile parfumée pour la douleur et le bon vin pour
l’allégresse. Notre rayonnement ne provient pas de truquages ou d'effets spéciaux,
mais de notre capacité de nous faire proche de toute personne blessée que nous rencontrons
le long de la route, avec amour, avec tendresse. N'ayez pas peur de devenir les citoyens
du territoire numérique. L'attention et la présence de l’Église sont importantes dans
le monde de la communication, pour dialoguer avec l'homme d'aujourd'hui et l'amener
à rencontrer le Christ : une Église qui accompagne le chemin, sait se mettre en marche
avec tous. Dans ce contexte, la révolution des moyens de communication et de l'information
est un grand et passionnant défi, qui requiert des énergies fraîches et une nouvelle
imagination pour transmettre aux autres la beauté de Dieu. Du Vatican, le 24 janvier
2014, mémoire de saint François de Sales.