(RV) Envoyé spécial - La crise syrienne on le sait est source d'inquiétude
pour l'Église et les chrétiens de la région. Les responsables des Églises chrétiennes
en Syrie, sous l'impulsion du patriarche Grégoire Laham III ont lancé une nouvelle
campagne de prière afin de soutenir les efforts de paix en vue de la conférence. Et
le Saint-Siège, qui ne ménage pas ses efforts pour trouver une solution politique
et diplomatique à la guerre syrienne, est représenté lui aussi par son observateur
permanent auprès des organisme de l’ONU à Genève.
Olivier Bonnel a rencontré
Mgr Silvano Tomasi juste avant l'ouverture de cette conférence déterminante pour l'avenir
de la Syrie :
Qu'attendez-vous
de cette conférence ? La conférence internationale dite Genève II est un nouvel
effort de la part de la Communauté internationale pour trouver une solution au conflit
qui continue en Syrie. La situation en Syrie est très compliquée parce qu’il n’y a
pas seulement un type de conflit mais il y a plusieurs niveaux. Il y a des intérêts
mondiaux entre la Russie et les États-Unis, il y a des intérêts régionaux entre l’Arabie
Saoudite qui appuie le monde sunnite et l’Iran qui appuie le monde chiite et il y
a des intérêts nationaux à l’intérieur de la Syrie où plusieurs minorités essayent
de trouver une nouvelle manière de se relationner et de vivre ensemble. Dans ce monde
très compliqué, il est nécessaire de trouver un lien d’intérêt commun entre tous les
niveaux pour aboutir à un cessez-le-feu. La priorité absolue qui est exigée de la
part de la population est que la violence puisse se conclure. Il faut mettre fin à
la violence, à la destruction, à la mort (130 000 morts, des villes entières détruites)
et de confronter avec cette réalité la conscience internationale et essayer de répondre
avec un peu de solidarité et de trouver un compromis acceptable pour commencer des
négociations efficaces.
Concernant la préparation, on sait que cette Conférence
a été très difficile. L’Iran qui a été invité ne sera finalement pas à la table des
négociations. Est-ce que vous le regrettez ? La raison politique détermine
certains choix. On a dû prendre des décisions un peu étranges parce que, selon mon
opinion, il est peu réaliste d’essayer d’avoir la paix sans un des pouvoirs clefs
dans la région mais on espère qu’avec les discussions en cours sur la question du
nucléaire, on puisse continuer à maintenir la porte un peu ouverte pour ne pas empêcher
les dialogues qu’on commence avec la Syrie. On espère, il faut prier. On a vraiment
besoin d’un miracle en ce moment.
Ban Ki-moon a dit ce mardi, qu’à priori,
il n’y aurait pas de déclaration finale de cette Conférence, pas de document contraignant
comme il y a eu à Genève I. Est-ce que vous n’avez pas peur d’être déçu ? Il
est clair que les difficultés sont énormes. On espère dans la bonne volonté des participants,
surtout les gouvernements de la Syrie, l’opposition et les pouvoirs qui sont les parrains
,d’une certaine manière, de cette conférence de Montreux, Genève. Ce n’est pas clair
s’il y aura un résultat positif. Pour ma part, je pense que le fait qu’on se réunisse
et qu’on commence à se regarder en face est déjà un pas positif. Et on peut commencer
à construire quelque chose de plus substantiel avec un peu de patience.
Vous
allez participer aux discussions, vous représentez le Saint-Siège. Qu’est-ce que l’Église
va dire ? La position du Saint-Siège a été exprimée plusieurs fois par le Saint-Père
François. Il a dit que la violence n’aboutit à rien, seulement à la destruction et
à la mort et la souffrance de la population. La préoccupation du Saint-Siège est de
travailler pour la paix, évidemment, et commencer la reconstruction et la réconciliation,
surtout, avec la solidarité financière, l’aide de la Communauté internationale pour
employer les jeunes syriens dans la reconstruction de manière à ce qu’ils ne soient
pas tentés d’aller renforcer les fils de quelques groupes extra-gouvernementaux qui
créent la déstabilisation et la violence. La présence des chrétiens au Moyen-Orient
est naturellement un intérêt concret et réel du Saint-Siège parce qu’ils ont les mêmes
droits que les autres citoyens d’être respectés, de voir les droits humains respectés
et acceptés, surtout le droit à la vie. Mais je crois qu’il y a aussi une autre raison
qui nous parle de l’importance de la présence des communautés chrétiennes au Moyen-Orient.
Si on veut aider l’évolution de ces pays vers une vraie démocratie, la pluralité de
la présence des traditions et des religions est importante. La société doit être inclusive,
le devoir de citoyenneté doit être respecté. Tout le monde a les mêmes droits et les
mêmes devoirs envers l’État et l’État envers le citoyen. Une fois que ce principe
est établi, alors chaque personne peut s’associer avec liberté, exprimer ses identités
religieuses, culturelles ou ethniques comme cette personne désire. Mais il faut d’abord
qu’il y ait une base commune qui vient de notre dignité égale comme personne humaine.
De cette manière, les communautés chrétiennes pourront contribuer par leurs traditions
pluriséculaires au bien-commun. Il faut qu’il y ait cette nouvelle mentalité. Peut-être
que la crise actuelle peut aboutir à quelque chose de positif en présentant l’opportunité
que toutes les composantes de la société puissent contribuer au bien-commun. C’est
quelque chose de typique et de créatif.