(RV) Envoyé spécial- Les responsables des Églises chrétiennes en Syrie
ont lancé une nouvelle campagne de prière afin de soutenir les travaux de la Conférence
de paix dite Genève II. Cette conférence s'ouvre mercredi à Montreux, en Suisse et
doit se terminer vendredi.
Dans un message, le Patriarche d’Antioche des grecs
melkites, Grégoire III Laham, invite les chrétiens syriens à se recueillir en prière
en vue du succès de cette rencontre, exhortant dans le même temps tous les chrétiens
du monde à s’unir à cette intention.
La semaine dernière, une trentaine de
responsables d'Églises de Syrie et du monde entier se sont réunis au siège du Conseil
œcuménique des Églises à Genève. Ils ont appelé à ce que des mesures concrètes soient
prises lors des négociations visant à mettre fin au conflit armé en Syrie. Notre envoyé
spécial en Suisse Olivier Bonnel, a rencontré mardi Michel Nseir, responsable du
programme Moyen-Orient au Conseil œcuménique des Églises :
Bien
sûr, nous ne pensons pas que cette réunion résoudra tous les problèmes de la Syrie
actuellement mais je pense que c’est un processus qui est indispensable pour mettre
en place une solution pour la crise en Syrie. Parce que c’est une guerre qui a fait
un ravage insoutenable si on regarde les statistiques des différentes agences des
Nations unies, que ce soit par rapport au nombre de morts, d’handicapés, d’enfants
traumatisés ou les infrastructures du pays qui sont complètement détruites, des villes
entières, des bombardements contre les populations civiles, c’est insoutenable. Surtout
que tout le monde le sait maintenant (que ça soit les acteurs en Syrie ou les différents
pays), qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit, ça peut durer des années
et des années et causer des milliers et des centaines de milliers de morts et on ne
trouvera pas de solution militaire. Il n’y a que la solution politique. Donc, le plus
tôt une solution politique est trouvée, le mieux c’est.
On parle beaucoup
des acteurs diplomatiques. En effet, quand on parle de Genève, on parle des délégations,
des grands pays, d’agenda politique mais vous avez évoqué le peuple syrien. Finalement,
on a un peu tendance à oublier cette population qui souffre.
Exactement,
les Églises sont enracinées dans cette terre. Les Églises, quand elles parlent, elles
parlent d’un point de vue du peuple. C’est une réalité sur le terrain. On parle de
la souffrance des gens, de ce que les gens ont souffert durant toute cette guerre.
Ils nous semblent que les politiciens ou les acteurs politiques et militaires ne
se rendent pas compte de cette souffrance, c’est ça qui est étonnant ! Ce qu’on a
voulu à travers cette réunion, à travers ce cri d’alarme, c’est de dire « les gens
n’en peuvent plus ».
Lors de cette réunion que vous avez organisé du 15
au 17 janvier, ici, à Genève, vous avez lancé un appel urgent à une juste peine dans
le pays. Mais en quoi consiste cette juste paix selon vous ?
En fait,
il n’y a pas de paix dans une perspective biblique et chrétienne sans qu’elle ne soit
associée à la justice. Quand on parle d’une paix juste, c’est une paix qui respecte
la dignité de chacune et de chacun, qui respecte l’égalité de toutes et tous devant
la loi, qui respecte la liberté religieuse comme la liberté de conscience. C’est une
paix qui prend en considération les souffrances antérieures mais qui essaye, à travers
une réconciliation entre communautés et une réconciliation nationale, de surmonter
ses souffrances et ses blessures et de restaurer ce qui a été détruit à cause de la
guerre, de restaurer tout cela dans la société syrienne.
Mais est-ce que
vous avez le sentiment que le mouvement, le Conseil Œcuménique mondial des Églises
comme d’autres ONG servent finalement à quelque chose face à cette real politique,
à tous ces agendas politiques ?
Ce qui se fait au niveau du Conseil, c’est
cette facilitation et cette invitation à nos Églises à parler avec une seule et même
voix. Le travail de pression sur les gouvernements et les acteurs sur le terrain,
c’est un travail qui relève de nos Églises membres qui ont d’une façon ou d’une autre
une relation ou une influence sur ce qui se passe en Syrie. Donc, dans un sens, ce
n’est pas au Conseil lui-même d’entreprendre ces relations ou ces contacts avec les
gouvernements mais c’est plutôt aux Églises membres de faire pression sur leurs gouvernements
ou de faire écouter cette voix du peuple syrien aux différents gouvernements. Dans
ce sens, je pense qu’il y a une certaine influence de cette réunion.
Michel
Nseir, est-ce que malgré la destruction de la guerre civile, on peut garder des notes
d’espoir ?
Comme chrétiens, on ne peut pas ne pas garder des notes d’espoir
mais en réalité, quand on regarde ce qui se passe sur le terrain en Syrie, il y a
en fait des initiatives qui sont étonnantes de la part de jeunes gens, il y a de l’entraide
entre communautés, il y a par exemple l’aide humanitaire qui s’organise dans des quartiers.
Il y a tellement d’initiatives que les médias ne racontent pas mais que nous, on connaît
à travers nos paroisses. Et nous savons que les Églises en Syrie ne sont pas concentrées
dans une seule région ou dans une seule province. Donc, il y a tellement d’initiatives
porteuses d’espoir qu’on continue à espérer dans une situation de désespoir. L’autre
jour, on a eu une prière œcuménique pour la paix en Syrie. Il y a eu un témoignage
très touchant qui en gros ,disait que tant que les enfants syriens continuent à garder
l’innocence de leur enfance, on peut continuer à garder un espoir. Tant que les jeunes
n’ont pas perdu leur foi en Dieu et qu’ils continuent à croire et à espérer, on peut
continuer à avoir de l’espoir. Tant que les femmes syriennes continuent à être fortes
malgré leurs familles qui sont disloquées et qui sont détruites parfois, on peut garder
espoir. Et je pense que c’est cela qui nous pousse à continuer à travailler pour la
paix et la justice en Syrie.
Photo : un attentat à la voiture piégée
à Bab al-Hawa, une ville située à la frontière entre la Syrie et la Turquie, a fait
au moins dix morts lundi 20 janvier