2014-01-21 17:00:22

A Kinshasa, un Symposium sur les valeurs de la famille


(RV) Entretien - En République démocratique du Congo, la Communauté Famille Chrétienne (CFC) organise du 22 au 25 janvier, sous le haut patronage de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et en partenariat avec la Faculté de Droit et des Sciences politiques de l’Université catholique du Congo (UCC), un symposium sur la famille autour du thème : « La problématiques des valeurs de la famille dans la société congolaise ».

Pour célébrer ses 30 ans d’existence, la Communauté Famille Chrétienne, dont l’action se focalise sur la défense et la promotion de la famille, a estimé nécessaire d’engager un débat de société sur les valeurs fondatrices de la Famille en RDC.

Les problématiques dans le pays ne manquent pas. Pauvreté, divorce, polygamie, viol, enfants soldats, sorcellerie, ou encore sécularisme : la famille, garant de la cohésion nationale, est mise à rude épreuve.Trois axes de réflexions seront au cœur de ces trois jours de débats : la famille comme premier lieu d’éducation aux valeurs humaines et chrétiennes ; les pratiques destructrices des valeurs familiales et le plaidoyer pour la défense et la promotion des valeurs familiales.

Cette initiative a reçu le soutien du Vatican. Invité par la Conférence épiscopale de RDC, le secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, monseigneur Jean Lafitte nous en parle interrogé par Marie Duhamel : RealAudioMP3

Le Conseil pontifical pour la famille est très attentif à aider les conférences épiscopales qui le sollicitent. En ce sens, ils nous arrivent de voyager pour répondre à des invitations comme celle qui aura lieu à Kinshasa. Je pense qu’il s’agit d’un évènement très important et dont les organisateurs attendent qu’ils fassent date pour la société congolaise. Alors, en ce qui me concerne, j’ai été invité à prononcer la leçon inaugurale sur le thème de la situation actuelle de la famille et les valeurs familiales. La situation de la famille, aujourd’hui dans le monde, à la fois recèle de grandes promesses mais donnent à la fois aussi des motifs d’inquiétude parce que des valeurs essentielles, familiales sont oubliées ou sont vécues aujourd’hui avec beaucoup plus de difficultés. Et les souffrances et les épreuves qui touchent les personnes unies dans le sacrement du mariage ou bien, au sein des familles, sont malheureusement très répandues et elles touchent toutes les sociétés. Sans doutes moins en Afrique aujourd’hui que dans les pays de l’Occident mais tout de même, on trouve une influence de pas mal d’idéologies, d’une culture finalement individualiste qui se caractérise aussi par une relativisation de tous les objectifs normaux d’un mariage et d’une famille et de l’éducation des enfants, du temps de la vie, etc…

Quel sera le sens de votre intervention ce mercredi ? Est-ce que ce sera de mettre en garde les auditeurs contre des problèmes tels que le sécularisme ou les divorces qu’on retrouve un peu partout dans le monde ? Est-ce que ça sera d’aborder des problèmes plus spécifiques comme l’enrôlement des enfants-soldats, les viols ou alors, d’encourager les familles africaines ?
Chacune des problématiques que vous venez de citer sont des thèmes qui vont être traités par les spécialistes de la société congolaise : des anthropologues, des moralistes, des théologiens, des philosophes. Mon message n’est pas du tout un message alarmiste mais disons que c’est un message qui voudrait être un message d’espérance et comme tout message d’espérance, un message qui soit réaliste, c’est-à-dire que la famille en Afrique jouit encore d’une richesse extraordinaire parce qu’elle est un lieu naturel de dons de la vie, parce que la société qui connaît de très grandes faiblesses dans le domaine de la gouvernance est quand même soutenue par les liens de solidarité local, dans les villages, dans les campagnes mais aussi les villes. Les liens familiaux dans la famille soutiennent peut-être plus qu’ailleurs l’ensemble de la société. Et donc, mon message est au contraire un message d’encouragement à rester « fidèle » aux valeurs qui existent réellement dans les sociétés africaines en en particulier congolaises. En même temps, cela passe par le fait d’être réaliste. En effet, de mettre en garde contre l’introduction soit de contre-valeurs ou d’idées qui ne sont pas du tout nées de la sensibilité de la culture africaine mais qui sont importées. Et quand je dis « importées », je ne dis pas par les moyens de communication, pas du tout, pas seulement cela mais qui sont importées de façon délibérée par des organismes ou des ONG ou des organisations internationales, etc… qui encouragent à l’adoption de nouveaux critères familiaux, de vie en société, de proximité, de mœurs, de comportements, de nouvelles habitudes dans le domaine de la sexualité et des liens familiaux, etc…

Le Pape demande souvent aux couples d’aller se coucher en se réconciliant, aux membres de la famille de savoir se dire pardon or le pardon et la réconciliation, ce sont des points sur lesquels travaillent énormément la communauté Famille Chrétienne en RDC. Est-ce que vous pensez que dans le cadre congolais, c’est un point essentiel pour défendre la famille ?
Alors, oui, vous avez raison. Le pardon est un élément essentiel de la spiritualité conjugale. Alors évidemment, cette culture de la réconciliation peut toucher des motifs différents. En Occident, évidemment, c’est surtout les offenses que les époux ou les membres au sein d’une même famille peuvent se procurer soit par des infidélités, des violences, etc…Au sein de la société africaine, il y a cela mais il y a aussi d’autres motifs de souffrance qui sont parfois liés à des problèmes plus spécifiques, parfois des problèmes ethniques, parfois des problèmes sociaux particuliers mais je pense que la réconciliation et le pardon doivent être absolument au cœur de toute spiritualité conjugale authentique. C’est vrai pour l’Afrique comme ça l’est pour l’ensemble des familles dans le monde entier, sur tous les continents.

Malgré toutes les difficultés que peut rencontrer la famille congolaise aujourd’hui, la famille africaine reste souvent considérée comme un modèle. Aujourd’hui, comment est-ce que les européens, par exemple, pourraient s’en inspirer ?
Écoutez, moi ce qui me frappe dans la famille africaine ( j’ai vécu moi-même dans un pays africain pendant plusieurs années, j’ai visité une bonne douzaine de pays africains depuis trente ans) la première chose, ce sont les liens de solidarité fondamentale, ce qu’on appelle les liens familiaux qui comprennent les liens du sang et aussi, les liens de solidarité, de proximité immédiate. Alors ça, c’est très frappant. Vous savez que le terme de « famille » n’est utilisé en Occident que depuis le 16°siècle et qu’il a succédé au terme romain de « gens », la gens c’est l’ensemble de la famille au sens élargi qui comprenaient non pas seulement les membres d’une même famille, les liens du sang mais aussi les familiers, d’où le terme de « famille famulus » : les familiers, c’est-à-dire les gens qui aidaient, les domestiques, les gens qui vivaient sur place
en particulier dans les sociétés rurales. Or, on retrouve à mon avis dans la famille africaine un modèle qui est un peu analogue à ce qu’on connut toutes les sociétés dans le monde et aussi dans le monde romain et dans le monde occidental, c’est-à-dire de solidarité élargie au sein des familles, ce qu’on appelait autrefois la parenté : les frères et sœurs, les parents, les grands-parents, les oncles et tantes, les gens proches de la famille. Alors, dans la société africaine, vous avez ces liens qui sont existants en particulier dans toutes les zones rurales qui demeurent encore à peu près majoritaires dans l’ensemble des sociétés africaines. C’est
heureusement de moins en moins le cas dans les grandes métropoles. Là, on observe une sorte de sécularisation de la famille, de réduction des liens familiaux à des noyaux beaucoup plus étroits qui s’accompagnent aussi de situations de précarité, de pauvreté où évidemment on a du mal à retrouver ce qui a été vécu ou connu dans les sociétés rurales auparavant. La famille africaine représente à la fois un lieu de grande solidarité et aussi, et là c’est admirable, c’est un lieu d’accueil de la vie. Il faut avoir assister à des fêtes dans les villages,dans les villes, dans les familles, dans les parentés qui entourent la naissance puis ensuite le baptême d’un enfant pour bien se rendre compte combien nous nous en sommes malheureusement éloignés dans de très nombreuses sociétés occidentales et qu’il y a une joie par rapport à l’accueil de la vie qui est exemplaire et dont, évidemment, il faudrait que nous nous inspirions pour retrouver l’estime de la vie et son appréciation comme un don extraordinaire de la part du Créateur. Donc,
la société africaine, je pense a beaucoup de choses à nous enseigner.








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