A Kinshasa, un Symposium sur les valeurs de la famille
(RV) Entretien - En République démocratique du Congo, la Communauté Famille
Chrétienne (CFC) organise du 22 au 25 janvier, sous le haut patronage de la Conférence
épiscopale nationale du Congo (CENCO) et en partenariat avec la Faculté de Droit et
des Sciences politiques de l’Université catholique du Congo (UCC), un symposium sur
la famille autour du thème : « La problématiques des valeurs de la famille dans la
société congolaise ».
Pour célébrer ses 30 ans d’existence, la Communauté Famille
Chrétienne, dont l’action se focalise sur la défense et la promotion de la famille,
a estimé nécessaire d’engager un débat de société sur les valeurs fondatrices de la
Famille en RDC.
Les problématiques dans le pays ne manquent pas. Pauvreté,
divorce, polygamie, viol, enfants soldats, sorcellerie, ou encore sécularisme : la
famille, garant de la cohésion nationale, est mise à rude épreuve.Trois axes de réflexions
seront au cœur de ces trois jours de débats : la famille comme premier lieu d’éducation
aux valeurs humaines et chrétiennes ; les pratiques destructrices des valeurs familiales
et le plaidoyer pour la défense et la promotion des valeurs familiales.
Cette
initiative a reçu le soutien du Vatican. Invité par la Conférence épiscopale de RDC,
le secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, monseigneur Jean Lafitte nous
en parle interrogé par Marie Duhamel :
Le Conseil
pontifical pour la famille est très attentif à aider les conférences épiscopales qui
le sollicitent. En ce sens, ils nous arrivent de voyager pour répondre à des invitations
comme celle qui aura lieu à Kinshasa. Je pense qu’il s’agit d’un évènement très important
et dont les organisateurs attendent qu’ils fassent date pour la société congolaise.
Alors, en ce qui me concerne, j’ai été invité à prononcer la leçon inaugurale sur
le thème de la situation actuelle de la famille et les valeurs familiales. La situation
de la famille, aujourd’hui dans le monde, à la fois recèle de grandes promesses mais
donnent à la fois aussi des motifs d’inquiétude parce que des valeurs essentielles,
familiales sont oubliées ou sont vécues aujourd’hui avec beaucoup plus de difficultés.
Et les souffrances et les épreuves qui touchent les personnes unies dans le sacrement
du mariage ou bien, au sein des familles, sont malheureusement très répandues et
elles touchent toutes les sociétés. Sans doutes moins en Afrique aujourd’hui que dans
les pays de l’Occident mais tout de même, on trouve une influence de pas mal d’idéologies,
d’une culture finalement individualiste qui se caractérise aussi par une relativisation
de tous les objectifs normaux d’un mariage et d’une famille et de l’éducation des
enfants, du temps de la vie, etc…
Quel sera le sens de votre intervention
ce mercredi ? Est-ce que ce sera de mettre en garde les auditeurs contre des problèmes
tels que le sécularisme ou les divorces qu’on retrouve un peu partout dans le monde
? Est-ce que ça sera d’aborder des problèmes plus spécifiques comme l’enrôlement des
enfants-soldats, les viols ou alors, d’encourager les familles africaines ? Chacune
des problématiques que vous venez de citer sont des thèmes qui vont être traités par
les spécialistes de la société congolaise : des anthropologues, des moralistes, des
théologiens, des philosophes. Mon message n’est pas du tout un message alarmiste mais
disons que c’est un message qui voudrait être un message d’espérance et comme tout
message d’espérance, un message qui soit réaliste, c’est-à-dire que la famille en
Afrique jouit encore d’une richesse extraordinaire parce qu’elle est un lieu naturel
de dons de la vie, parce que la société qui connaît de très grandes faiblesses dans
le domaine de la gouvernance est quand même soutenue par les liens de solidarité local,
dans les villages, dans les campagnes mais aussi les villes. Les liens familiaux dans
la famille soutiennent peut-être plus qu’ailleurs l’ensemble de la société. Et donc,
mon message est au contraire un message d’encouragement à rester « fidèle » aux valeurs
qui existent réellement dans les sociétés africaines en en particulier congolaises.
En même temps, cela passe par le fait d’être réaliste. En effet, de mettre en garde
contre l’introduction soit de contre-valeurs ou d’idées qui ne sont pas du tout nées
de la sensibilité de la culture africaine mais qui sont importées. Et quand je dis
« importées », je ne dis pas par les moyens de communication, pas du tout, pas seulement
cela mais qui sont importées de façon délibérée par des organismes ou des ONG ou des
organisations internationales, etc… qui encouragent à l’adoption de nouveaux critères
familiaux, de vie en société, de proximité, de mœurs, de comportements, de nouvelles
habitudes dans le domaine de la sexualité et des liens familiaux, etc…
Le
Pape demande souvent aux couples d’aller se coucher en se réconciliant, aux membres
de la famille de savoir se dire pardon or le pardon et la réconciliation, ce sont
des points sur lesquels travaillent énormément la communauté Famille Chrétienne en
RDC. Est-ce que vous pensez que dans le cadre congolais, c’est un point essentiel
pour défendre la famille ? Alors, oui, vous avez raison. Le pardon est un élément
essentiel de la spiritualité conjugale. Alors évidemment, cette culture de la réconciliation
peut toucher des motifs différents. En Occident, évidemment, c’est surtout les offenses
que les époux ou les membres au sein d’une même famille peuvent se procurer soit par
des infidélités, des violences, etc…Au sein de la société africaine, il y a cela mais
il y a aussi d’autres motifs de souffrance qui sont parfois liés à des problèmes plus
spécifiques, parfois des problèmes ethniques, parfois des problèmes sociaux particuliers
mais je pense que la réconciliation et le pardon doivent être absolument au cœur
de toute spiritualité conjugale authentique. C’est vrai pour l’Afrique comme ça l’est
pour l’ensemble des familles dans le monde entier, sur tous les continents.
Malgré
toutes les difficultés que peut rencontrer la famille congolaise aujourd’hui, la famille
africaine reste souvent considérée comme un modèle. Aujourd’hui, comment est-ce que
les européens, par exemple, pourraient s’en inspirer ? Écoutez, moi ce qui
me frappe dans la famille africaine ( j’ai vécu moi-même dans un pays africain pendant
plusieurs années, j’ai visité une bonne douzaine de pays africains depuis trente ans)
la première chose, ce sont les liens de solidarité fondamentale, ce qu’on appelle
les liens familiaux qui comprennent les liens du sang et aussi, les liens de solidarité,
de proximité immédiate. Alors ça, c’est très frappant. Vous savez que le terme de
« famille » n’est utilisé en Occident que depuis le 16°siècle et qu’il a succédé au
terme romain de « gens », la gens c’est l’ensemble de la famille au sens élargi qui
comprenaient non pas seulement les membres d’une même famille, les liens du sang mais
aussi les familiers, d’où le terme de « famille famulus » : les familiers, c’est-à-dire
les gens qui aidaient, les domestiques, les gens qui vivaient sur place en particulier
dans les sociétés rurales. Or, on retrouve à mon avis dans la famille africaine un
modèle qui est un peu analogue à ce qu’on connut toutes les sociétés dans le monde
et aussi dans le monde romain et dans le monde occidental, c’est-à-dire de solidarité
élargie au sein des familles, ce qu’on appelait autrefois la parenté : les frères
et sœurs, les parents, les grands-parents, les oncles et tantes, les gens proches
de la famille. Alors, dans la société africaine, vous avez ces liens qui sont existants
en particulier dans toutes les zones rurales qui demeurent encore à peu près majoritaires
dans l’ensemble des sociétés africaines. C’est heureusement de moins en moins
le cas dans les grandes métropoles. Là, on observe une sorte de sécularisation de
la famille, de réduction des liens familiaux à des noyaux beaucoup plus étroits qui
s’accompagnent aussi de situations de précarité, de pauvreté où évidemment on a du
mal à retrouver ce qui a été vécu ou connu dans les sociétés rurales auparavant. La
famille africaine représente à la fois un lieu de grande solidarité et aussi, et là
c’est admirable, c’est un lieu d’accueil de la vie. Il faut avoir assister à des fêtes
dans les villages,dans les villes, dans les familles, dans les parentés qui entourent
la naissance puis ensuite le baptême d’un enfant pour bien se rendre compte combien
nous nous en sommes malheureusement éloignés dans de très nombreuses sociétés occidentales
et qu’il y a une joie par rapport à l’accueil de la vie qui est exemplaire et dont,
évidemment, il faudrait que nous nous inspirions pour retrouver l’estime de la vie
et son appréciation comme un don extraordinaire de la part du Créateur. Donc, la
société africaine, je pense a beaucoup de choses à nous enseigner.