L'Italien Claudio Abbado, décédé lundi à Bologne à l'âge de 80 ans, a signé un parcours
de chef d'orchestre impressionnant, de la Scala de Milan à l'Orchestre philharmonique
de Berlin en passant par l'Opéra de Vienne, en musicien profondément humaniste et
démocrate. En décembre dernier, il avait renoncé à son salaire de sénateur à vie -un
poste auquel il avait été nommé l'été dernier par le président italien- pour le consacrer
au financement de bourses d'études de jeunes musiciens. La musique « aide à
mieux vivre ensemble », avait-il alors déclaré.
Alliant l'exigence artistique
à l'élégance discrète, Abbado a bâti une discothèque riche de plusieurs centaines
d'enregistrements pour les plus grandes firmes (Deutsche Grammophon mais aussi EMI
ou Sony), triomphant dans le répertoire lyrique italien comme dans la musique du XX°
siècle.
Un Milanais à Vienne
Né le 26 juin 1933 à Milan dans
une famille de musiciens, Claudio Abbado entame ses études musicales (piano et direction
d'orchestre) dans sa ville natale avant de parfaire sa formation de chef auprès de
Hans Swarowsky à Vienne, à partir de 1957. L'ascension du chef, qui marie une technique
de haut vol à une profonde musicalité, sera fulgurante. Avec deux récompenses américaines
prestigieuses en poche (le prix Koussevitzky à Tanglewood en 1958, le concours Mitropoulos
en 1963), il crée en 1965 un opéra ("Mort atomique" de Manzoni) à la Scala de Milan,
où il avait débuté cinq ans plus tôt.
En 1965 encore, Herbert von Karajan l'invite
à diriger pour la première fois, au Festival de Salzbourg (Autriche), le Philharmonique
de Vienne, dont il deviendra l'invité permanent à partir de 1971. Il y aura plusieurs
villes-clés dans la vie d'Abbado, citoyen européen et musicien du monde. A commencer
par Milan, évidemment. De 1968 à 1986, il est chef permanent puis directeur musical
de la Scala, où il signe des interprétations de référence d'ouvrages de Rossini et
Verdi. L'ère Abbado est synonyme de renaissance pour le grand théâtre lyrique milanais.
Un
artiste engagé
Proche de la gauche italienne, il n'hésite pas à donner
des concerts dans les usines et les écoles, dans une démarche d'ouverture que partagent
ses amis pianiste Maurizio Pollini et compositeur Luigi Nono. Directeur musical de
la Staatsoper de Vienne à partir de 1986 (jusqu'en 1991), il reçoit le prestigieux
titre de directeur général de la musique ("Generalmusikdirektor") de la capitale autrichienne
l'année suivante, signe de son autorité à la fois sur l'Opéra et le Philharmonique
de Vienne.
Moins de trois mois après la mort de Karajan, Abbado est élu à la
tête du Philharmonique de Berlin par ses musiciens, en octobre 1989.Il y invite des
chefs aussi divers que Pierre Boulez et Daniel Barenboim, ouvre l'orchestre à de nouveaux
répertoires et musiciens...Et se montre plus soucieux du dialogue avec ses instrumentistes
que de son leadership, loin de la toute-puissance de Karajan. « Je ne suis pas
leur chef, on travaille ensemble », dit-il à propos de ses musiciens berlinois,
qu'il dirigera jusqu'en 2002.
Affaibli en 2000 par un cancer de l'estomac,
Abbado allègera son agenda sans renoncer aux formations de jeunes. Il a ainsi développé
l'Orchestra Mozart Bologna après avoir veillé sur l'Orchestre des jeunes de la Communauté
européenne et créé le Gustav Mahler Jugendorchester. Lors d'un séjour au Venezuela,
il s'était convaincu encore plus des « vertus thérapeutiques » de la musique: «
il y a des centaines d'orchestres de jeunes, la musique les sauve vraiment de la criminalité,
la prostitution et la drogue », indiquait le maestro qui avait parrainé en
Europe l'orchestre symphonique Simon Bolivar pour enfants défavorisés du maestro Antonio
Abreu.(AFP)
Photo : Claudio Abbado en avril 2008 au Royal Theatre de
Madrid