(RV) En vue de la Journée Mondiale de prière pour les vocations qui sera célébrée
le 11 mai prochain, le Pape François publie ce jeudi son message, intitulé « Les vocations,
témoignage de la vérité ». En voici le texte intégral en français :
Chers
frères et sœurs! 1. L’Évangile raconte que « Jésus parcourait toutes les villes
et tous les villages... Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles
parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Alors
il dit à ses disciples: “La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux.
Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson”» (Mt 9,
35-38). Ces paroles nous surprennent, car nous savons tous qu’il faut d’abord labourer,
semer et cultiver pour pouvoir ensuite, le moment venu, moissonner une récolte abondante.
Jésus affirme en revanche que «la moisson est abondante». Mais qui a travaillé pour
que le résultat soit tel? Il n’y a qu’une seule réponse : Dieu. Évidemment, le champ
dont parle Jésus est l’humanité, c’est nous. Et l’action efficace qui est à l’origine
du «beaucoup de fruit» est la grâce de Dieu, la communion avec lui (cf. Jn 15, 5).
La prière que Jésus sollicite de l’Église concerne donc la demande d’accroître le
nombre de ceux qui sont au service de son Royaume. Saint Paul, qui a été l’un de ces
“collaborateurs de Dieu”, s’est prodigué inlassablement pour la cause de l’Évangile
et de l’Église. Avec la conscience de celui qui a personnellement expérimenté à quel
point la volonté salvifique de Dieu est insondable, et l’initiative de la grâce est
à l’origine de toute vocation, l’apôtre rappelle aux chrétiens de Corinthe: «Vous
êtes le champ de Dieu» (1 Co 3, 9). C’est pourquoi naît tout d’abord dans notre cœur
l’étonnement pour une moisson abondante que Dieu seul peut accorder; ensuite la gratitude
pour un amour qui nous précède toujours; enfin, l’adoration pour l’œuvre qu’il a accomplie,
qui demande notre libre adhésion pour agir avec lui et pour lui.
2. Bien des
fois nous avons prié avec les paroles du Psalmiste: « Il nous a faits et nous sommes
à lui, nous son peuple, son troupeau » (Ps 100, 3); ou encore: « C'est Jacob que le
Seigneur a choisi, Israël dont il a fait son bien » (Ps 135, 4). Eh bien, nous sommes
la “propriété” de Dieu non pas au sens de la possession qui rend esclaves, mais d’un
lien fort qui nous unit à Dieu et entre nous, selon un pacte d’alliance qui demeure
pour l’éternité «car éternel est son amour» (Ps 136). Dans le récit de la vocation
du prophète Jérémie, par exemple, Dieu rappelle qu’il veille continuellement sur chacun,
afin que sa Parole se réalise en nous. L’image adoptée est celle de la branche d’amandier
qui fleurit avant tous les autres, annonçant la renaissance de la vie au printemps
(cf. Jr 1, 11-12). Tout provient de lui et est don de lui ; le monde, la vie, la mort,
le présent, l’avenir, mais — rassure l’apôtre — « vous êtes au Christ, et le Christ
est à Dieu » (1 Co 3, 23). Voilà expliquée la modalité d’appartenance à Dieu: à travers
le rapport unique et personnel avec Jésus, que le Baptême nous a conféré dès le début
de notre renaissance à une vie nouvelle. C’est donc le Christ qui nous interpelle
sans cesse par sa Parole afin que nous mettions notre confiance en lui, en l’aimant
«de tout notre cœur, de toute notre intelligence et de toute notre force» (cf. Mc
12, 33). C’est pourquoi chaque vocation, malgré la pluralité des voies, demande toujours
un exode de soi-même pour centrer sa propre existence sur le Christ et sur son Évangile.
Que ce soit dans la vie conjugale, que ce soit dans les formes de consécration religieuse,
que ce soit dans la vie sacerdotale, il faut dépasser les manières de penser et d’agir
qui ne sont pas conformes à la volonté de Dieu. C’est un exode « qui nous conduit
à un chemin d’adoration du Seigneur et de service à lui dans nos frères et sœurs»
(Discours à l’Union internationale des supérieures générales, 8 mai 2013). C’est pourquoi
nous sommes tous appelés à adorer le Christ dans nos cœurs (cf. 1 P 3, 15), pour nous
laisser rejoindre par l’impulsion de la grâce contenue dans la semence de la Parole,
qui doit croître en nous et se transformer en service concret de notre prochain. Nous
ne devons pas avoir peur : Dieu suit avec passion et habileté l’œuvre sortie de ses
mains, à chaque saison de la vie. Il ne nous abandonne jamais! Il a à cœur la réalisation
de son projet sur nous, mais il entend cependant l’obtenir avec notre assentiment
et notre collaboration.
3. Aujourd’hui aussi, Jésus vit et chemine dans les
réalités de la vie ordinaire pour s’approcher de tous, à commencer par les derniers,
et nous guérir de nos infirmités et de nos maladies. Je m’adresse à présent à ceux
qui sont bien disposés à se mettre à l’écoute de la voix du Christ qui retentit dans
l’Église, pour comprendre quelle est leur vocation propre. Je vous invite à écouter
et à suivre Jésus, à vous laisser transformer intérieurement par ses paroles qui «
sont esprit et sont vie » (Jn 6, 63). Marie, la Mère de Jésus et la nôtre, nous répète
à nous aussi: « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Cela vous fera du
bien de participer avec confiance à un chemin communautaire qui sache libérer en vous
et autour de vous les meilleures énergies. La vocation est un fruit qui mûrit dans
le champ bien cultivé de l’amour réciproque qui se fait service mutuel, dans le contexte
d’une authentique vie ecclésiale. Aucune vocation ne naît toute seule ou ne vit pour
elle-même. La vocation jaillit du cœur de Dieu et germe dans la bonne terre du peuple
fidèle, dans l’expérience de l’amour fraternel. Jésus n’a-t-il peut-être pas dit:
« À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les
uns pour les autres » (Jn 13, 35)?
4. Chers frères et sœurs, vivre cette «
haute mesure de la vie chrétienne ordinaire » (cf. JEAN-PAUL II, Lett. apost. Novo
millennio ineunte, n. 31), signifie parfois aller à contre-courant et comporte de
rencontrer également des obstacles, en dehors de nous et en nous. Jésus lui-même nous
avertit : la bonne semence de la Parole de Dieu est souvent volée par le Malin, bloquée
par les difficultés, étouffée par des préoccupations et des séductions mondaines (cf.
Mt 13, 19-22). Toutes ces difficultés pourraient nous décourager, en nous faisant
nous replier sur des voies apparemment plus commodes. Mais la véritable joie des appelés
consiste à croire et à faire l’expérience que le Seigneur, lui, est fidèle, et qu’avec
lui nous pouvons marcher, être des disciples et des témoins de l’amour de Dieu, ouvrir
notre cœur à de grands idéaux, à de grandes choses. « Nous chrétiens nous ne sommes
pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au-delà, vers
les grandes choses. Jouez votre vie pour de grands idéaux!» (Homélie lors de la Messe
pour les confirmations, 28 avril 2013). À vous évêques, prêtres, religieux, communautés
et familles chrétiennes, je demande d’orienter la pastorale des vocations dans cette
direction, en accompagnant les jeunes sur des itinéraires de sainteté qui, étant personnels,
«exigent une vraie pédagogie de la sainteté qui soit capable de s'adapter aux rythmes
des personnes. Cette pédagogie devra intégrer aux richesses de la proposition adressée
à tous les formes traditionnelles d'aide personnelle et de groupe, et les formes plus
récentes apportées par les associations et par les mouvements reconnus par l'Église
» (JEAN-PAUL II, Lett. apost. Novo millennio ineunte, n. 31).
Disposons donc
notre cœur à être une “bonne terre” pour écouter, accueillir et vivre la Parole et
porter ainsi du fruit. Plus nous saurons nous unir à Jésus par la prière, la Sainte
Écriture, l’Eucharistie, les Sacrements célébrés et vécus dans l’Église, par la fraternité
vécue, plus grandira en nous la joie de collaborer avec Dieu au service du Royaume
de miséricorde et de vérité, de justice et de paix. Et la récolte sera abondante,
proportionnée à la grâce qu’avec docilité nous aurons su accueillir en nous. Avec
ce vœu, et en vous demandant de prier pour moi, je donne de tout cœur à tous ma Bénédiction
apostolique. Du Vatican, le 15 janvier 2014